Le gouvernement a commencé à plancher vendredi sur les annonces d’Emmanuel Macron pour mettre en musique des mesures fiscales et sociales censées répondre à la crise des “gilets jaunes”, mais critiquées par l’opposition et des figures du mouvement social.
Les ministres doivent définir la méthode et le calendrier lors d’un séminaire “inédit” lundi, réunissant le gouvernement ainsi que les présidents des groupes de la majorité et des commissions au Parlement autour du Premier ministre Edouard Philippe.
En attendant, les ténors de la majorité se sont démultipliés sur les plateaux télé et radio vendredi pour assurer le service après-vente de la conférence de presse du chef de l’Etat, regardée par 8,5 millions de téléspectateurs selon Mediametrie, soit bien moins que les 23 millions de l’allocution de décembre.
Emmanuel Macron a prévenu qu’il maintiendrait le cap de ses réformes. Mais il a “écouté, compris, appris” pendant le grand débat et en a défini “une nouvelle étape pour notre République”, a fait valoir la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.
Annonce très commentée vendredi matin, la baisse d’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros interviendra le 1er janvier 2020, et pourrait atteindre “10%” pour les foyers fiscaux concernés, a précisé le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.
Le ministre des Finances Bruno Le Maire proposera qu’ils soient 15 millions à en bénéficier, sur les deux premières tranches d’impôt, tout en assurant qu’il ne laisserait “filer” ni le déficit public ni la dette.
– Objectifs à tenir –
M. Macron a souhaité que cette mesure soit financée par la suppression de certaines niches fiscales pour les entreprises et des réductions de la dépense publique. Il a aussi mis en avant la nécessité de travailler davantage, en prônant de “laisser le libre choix” d’un allongement de la durée de cotisation pour la retraite.
AFP / ludovic MARINEmmanuel Macron lors de sa conférence de presse à l’Elysée, le 25 avril 2019
Autre mesure forte, M. Macron a aussi confirmé la réindexation des pensions de retraites de moins de 2.000 euros sur l’inflation, avec toutefois deux nouveautés: la fin de la “sous-indexation” de toutes les retraites en 2021, ainsi qu’une retraite minimale de 1.000 euros pour ceux qui ont une carrière complète, pour laquelle la ministre de la Santé Agnès Buzyn vise une mise en oeuvre en 2020.
A cette date, le gouvernement prendra aussi des mesures en faveur des “aidants” qui soutiennent un proche âgé, malade ou handicapé, sous forme d’un congé rémunéré et/ou de “droits contributifs à la retraite”, a-t-elle annoncé.
Côté environnement, le Président veut créer un “Conseil de défense écologique” réunissant Premier ministre et ministres concernés, et qu’il présidera. Et un nouveau “Conseil de participation citoyenne”, avec 150 Français tirés au sort pour y siéger, rendra ses premières propositions “avant la fin de l’année”, selon le ministre de la Transition écologique François de Rugy.
-“Occasion ratée”-
Ces annonces suffiront-elles à calmer la colère des “gilets jaunes” qui depuis la mi-novembre manifestent chaque samedi ?
Non, ont répondu à l’unisson dès jeudi soir le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon et la tête de liste du Rassemblement national pour les européennes, Jordan Bardella, jugeant que “la colère” n’est pas près de s’éteindre.
M. Macron a fait un “bras d’honneur aux gilets jaunes”, ont estimé vendredi chacun de leur côté la tête de liste PCF Ian Brossat et le porte-parole du RN Sébastien Chenu.
AFP/Archives / JEAN-FRANCOIS MONIERPriscillia Ludosky lors d’une manifestation le 23 février 2019
Des “gilets jaunes” rencontrés par l’AFP jeudi soir à Aubagne (Bouches-du-Rhône) ont critiqué “des mesurettes à la con”, “du pipeau”, pendant que Priscillia Ludosky, une des figures du mouvement, tweetait des dates de samedis de manifestation jusqu’à fin mai.
Face au “déni” du Président, le “gilet jaune” Thierry Paul Valette, qui comptait emmener une liste pour les européennes, a jeté l’éponge et appelé les “gilets jaunes” à s’unir.
L’opposition de droite comme de gauche dénonce des mesures insuffisantes, en particulier pour les retraités, et le flou autour de leur financement.
Les Républicains concentrent leurs critiques sur une baisse de la dépense publique qui s’annonce trop faible selon eux, d’autant que le chef de l’Etat a évoqué la possibilité d'”abandonner” l’objectif de 120.000 fonctionnaires en moins “si ce n’est pas tenable”, dénonce leur patron Laurent Wauquiez.
Le compte n’y est pas non plus pour les écologistes d’EELV en matière d’environnement et de climat. Un “Conseil de défense écologique”, “c’est prendre les Français pour des imbéciles”, fustige la tête de liste EELV Yannick Jadot.
Au final, “c’est une occasion ratée et c’est extrêmement grave pour la France”, déplore Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique.
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, se veut plus nuancé: “ce n’est ni l’extase ni la dépression”, dit-il, entre “avancées significatives” (retraite minimale de 1.000 euros) et “manques”, sur l’écologie, l’exclusion sociale, le logement.
Un total de 63% des Français ayant entendu parler de la conférence de presse et interrogés en ligne jeudi par Harris Interactive et l’agence Epoka pour LCI, RTL et Le Figaro ont trouvé M. Macron “pas convaincant”, 80% pensant que sa prestation ne mettra pas fin au mouvement.
AFP