Certains assurés reprochent au régime de ne pas inclure tous les médicaments. Mais les spécialistes sont unanimes à reconnaître qu’aucun régime de sécurité sociale ne prend tout en charge
Le temps n’est plus aux appréhensions sur l’utilité de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Ce régime de prise en charge du risque maladie chez les travailleurs représente une avancée réelle. Il soulage surtout les bourses modestes de la pression énorme du coût élevé de certains médicaments. Donc c’est un véritable bol d’air pour nombre de nos compatriotes.
« Il vaut mieux aller au boulanger qu’au médecin », autrement dit le médicament coûte plus cher que la nourriture. A défaut d’être contesté, cet adage peut être nuancé avec l’AMO. Aujourd’hui, le regain d’intérêt pour ce régime de protection sociale ne fait aucun doute. Il continue de faire la preuve par la satisfaction de ses assurés, en tout cas dans la globalité.
Une convention sectorielle lie la Caisse nationale d’assurance maladie (CANAM) aux pharmacies hospitalières et aux pharmacies d’officines privées. Une liste de médicaments et dispositifs médicaux inclus dans l’AMO est bien détaillée pour tout le monde. Mais, certains assurés émettent le désir de voir le régime inclure tous les médicaments et dispositifs médicaux. Ils n’apprécient guère de ne pas voir figurer sur la liste certains produits pharmaceutiques. On peut comprendre leur aspiration, mais elle a du mal à passer auprès des spécialistes.
Tous (acteurs en charge de la mise en œuvre du régime, praticiens et pharmaciens) s’accordent à dire qu’aucun régime d’assurance au monde n’inclut tous les médicaments. Ils font remarquer que même dans les pays développés, le régime de sécurité sociale ne prend pas tout en charge.
Modèle de réussite-Nous appartenons à des ensembles sous-régionaux tout en gardant des particularités. Notre régime d’assurance maladie obligatoire, est un peu particulier. A la différence de ceux d’autres pays africains qui seraient essentiellement basés sur les médicaments en dénomination commune internationale (DCI) ou génériques, le nôtre prend en compte aussi bien les génériques que les spécialités. En dépit de ces efforts, l’absence de certains médicaments sur la liste AMO est une insuffisance, selon une certaine opinion. Les spécialistes soutiennent que les récriminations ne se justifient pas. Notre pays fait partie des pionniers qui ont réussi la mise en œuvre de l’Assurance maladie obligatoire. Même si au début, il y a eu beaucoup de scepticisme. L’AMO est une véritable avancée aujourd’hui dans le cadre de la couverture sociale. On peut s’en rendre compte en faisant une comparaison avec un pays voisin qui, pourtant garde une bonne longueur d’avance sur nous dans bien des domaines. Ce pays voisin dont le président de la République a comme slogan phare : « on va soigner à 1000 Fcfa», connaît de grandes difficultés avec son régime d’assurance maladie qui n’est pas attractif du fait de la liste très limitée de médicaments inclus. Notre pays passe pour un modèle de réussite, en la matière et certains de nos voisins cherchent à en prendre graine.
95% des médicaments-Le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (CANAM), Ankoundio Luc Togo, ne s’attarde pas sur les commentaires de ceux qui souhaitent une inclusion de tous les produits. Il explique simplement que notre pays est au diapason des standards. Mieux, notre système offre même, selon des observateurs avertis, un panier de soins plus généreux. A ce propos, le premier responsable de la CANAM souligne qu’environ 95% des médicaments permettant de prendre en charge les pathologies les plus courantes dans notre pays, sont bien pris en charge par le régime. L’argumentaire développé par le directeur général de la CANAM est étayé par les praticiens.
Le Pr Mamadou Traoré, gynécologue obstétricien et médecin chef du Centre de santé de référence de la Commune III, confirme que même dans les pays qui ont des années de pratique, la sécurité sociale ne couvre pas tous les médicaments. A ce propos, d’autres interlocuteurs expliquent qu’en France par exemple, il est même écrit sur certains produits pharmaceutiques : «ce médicament n’est pas pris en charge par la sécurité sociale». Ceux-ci trouvent même que ce n’est pas éthique et moral de faire prendre en charge tous les médicaments. Par exemple, dans certaines situations comme la Procréation médicalement assistée (PMA), les médicaments coûtent chers et certaines femmes pourraient être tentées d’en abuser pour répondre à leur aspiration de parenté.
Par ailleurs, la prise en charge des maladies chroniques par l’AMO enlève une épine du pied de ceux qui souffrent de ces pathologies (diabète, hypertension, cardiopathies et autres). Ces assurés sont de gros consommateurs de médicaments.
Ceux qui défendent la thèse de bien encadrer les choses, expliquent simplement que notre système est juste pour le moment mais qu’il finira par avoir des problèmes comme tous les régimes de sécurité sociale, si nous ne prenons garde.
Un grand maître de la science pharmaceutique qui enseigne à la Faculté de médecine explique que la limitation de la liste des médicaments sur la liste AMO, trouve sa réponse dans les textes de création du régime. Par ailleurs, lui aussi reconnait qu’en ouvrant les vannes, il y a le risque d’avoir de graves dérives. Ce pharmacien précise, par ailleurs, qu’en décembre 2014, une étude actuarielle sur le régime a été commanditée en vue d’assurer sa viabilité et sa pérennité, au regard de certains déterminants comme les médicaments. Le processus a abouti à une révision de la liste des médicaments. Et la nouvelle liste a été officialisée par un arrêté interministériel en date du 9 février dernier.
Il est bon de rappeler que notre pays a opté pour une politique de prescription de médicaments génériques. Ces produits ne coûtent pas chers. Malheureusement, il y a des praticiens qui n’accompagnent pas cette volonté, ni dans l’esprit, ni dans la lettre. Ces médecins seraient-ils sous l’influence des délégués médicaux dans la prescription des médicaments ? A ce propos, Mme Diarra Fatoumata Diop, assurée AMO, estime que c’est un faux débat d’incriminer d’autres à la place des médecins. « La thérapeutique est du ressort du praticien et rien ne doit influencer un bon médecin », soutient-elle.
Les médicaments en dénomination commune internationale (DCI) ou médicaments génériques sont efficaces, contrairement à une croyance erronée. La notion de prescription d’ordonnance renvoie souvent à une question de discipline des prescripteurs donc des médecins. A cet effet, le directeur général de la CANAM apporte aussi un éclairage. Il relève qu’on peut trouver différentes molécules qui jouent le même rôle et qui ne sont pas forcément tous pris en compte dans la liste AMO.
Ankoundio Luc Togo souligne que des efforts sont faits pour élargir la liste des médicaments, parce que sa révision est faite au moins tous les deux ans pour intégrer souvent de nouvelles molécules. Pour lui, il faut faire aussi attention pour ne pas plomber le système. Le patron de la CANAM estime que les médecins prescripteurs doivent consulter la liste des médicaments à l’AMO et écrire des ordonnances en fonction. Il a tenu à lever toute équivoque sur les polémiques stériles sur les prothèses et autres produits. Il assure que tout ce qui est médicament prescrit et qui se trouve sur la liste est pris en charge.
Bréhima DOUMBIA
Source : l’Essor