Après la démission de SoumeylouBoubeye Maïga – sous la menace d’une motion de censure à l’hémicycle -, le vide laissé par son départ a été comblé au bout d’une intenable expectative par la nomination du Dr Boubou Cissé, ministre de l’Economie et des Finances dans l’équipe démissionnaire. Quoique relevant d’un pouvoir discrétionnaire à tous points de vue, le nouveau choix du chef de l’Etat n’aura pas été épargné par les supputations et interprétations sur fond de préjugés sur le nouvel homme fort de la Primature. Sa nomination sera ainsi accueillie par une salve d’opinions défavorables, soit dans les mêmes proportions de jubilation ayant salué le départ de son prédécesseur.
La préférence faite à Boubou Cissé ne repose pas moins cependant sur quelques critères objectifs et considérations rationnelles. En plus d’être l’un des deux ministres à battre le record de la constance au gouvernement depuis l’accession d’IBK à la magistrature suprême – preuve de la confiance dont il jouit auprès de ce dernier -, l’ancien patron du département des mines fait également figure de trait d’union incomparable entre les deux principaux pôles de la scène politique malienne et peut-être perçu de ce fait comme un acteur équidistant, neutre et dépourvu par ailleurs de toute ambition politique propre. A la différence notamment de nombre de ses prédécesseurs dont l’agenda politique s’est parfois confondu avec les missions régaliennes à défaut de les supplanter.
Seulement voilà : à l’évidence ses atouts ne sont pas en train de profiter au Dr Boubou Cissé pour ses premiers pas es qualité chef du Gouvernement. Promu à la Primature au lendemain d’une adresse historique du chef de l’Etat à la nation, le nouveau Premier ministre hérite en même temps de la lourde gageure de mettre en musique la dynamique nouvelle que le président de la République a promis d’insuffler à la marche de l’Etat ainsi que du modus operandi pour ce faire. Y figure entre autres l’engagement du locataire de Koulouba à changer de fusil d’épaule en affrontant désormais les grands défis de la nation en compagnie de l’ensemble de ses composantes politiques. C’est dans cette optique que le successeur de SoumeylouBoubeye Maïga a engagé des consultations tous azimuts à l’effet de parvenir à la formation du gouvernement de large ouverture que son employeur n’a de cesse d’appeler de tous ses vœux, dans le sillage de la normalisation de ses rapports avec l’opposition. Et pour cause, c’est le passage, selon toute évidence, pour venir à bout des grands défis sécuritaires et de stabilisation dans la cadence impulsée ou imposée par la communauté internationale.
Force est de constater, cependant, que le chemin pour y parvenir s’annonce laborieux voire impossible, au regard des obstacles que rencontre le nouveau chef du Gouvernement et qui expliquent selon toute vraisemblance le difficile accouchement d’une équipe gouvernementale près de deux semaines après l’avènement du coach. L’un des obstacles majeurs continue de se signaler à travers les difficultés rencontrées dans l’obtention d’un accord politique.
Apparemment très disposé à accompagner la dynamique, le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) a toutefois conditionné sa participation à l’action publique par des exigences sans doute motivées par des calculs et stratégies politiques sur fond d’équations pour l’heure insolubles. A quel prix par exemple faut-il concéder une participation gouvernementale et ses implications d’abandon systématique du leadership de l’opposition à ses composantes les moins représentatives ? Une véritable quadrature du cercle dont la solution pourrait résider dans l’affectation de responsabilités ministérielles consignées dans un accord contraignant et dans les proportions qui puissent amoindrir d’éventuelle frustrations et malaise au sein de la composante principale de l’opposition.
La même nature de motivations sur fond d’équations et de calculs stratégiques semble avoir prévalu à la réticence des pouvoirs à accéder aux conditionnalités dé l’opposition au prix d’une maldonne difficilement défendable auprès de composantes de la majorité présidentielle tout aussi représentatives que l’opposition.
Conséquence : l’ouverture politique tant clamée se heurte pour l’heure à un dialogue de sourds et s’est enlisée dans les calculs tel qu’un dénouement de l’écheveau pourrait ne pas envisageable sans implosion d’une opposition dont les intérêts du chef du file épouse de moins en moins ceux de certains alliés manifestement plus acquis à l’entrée au gouvernement qu’au refus de la main tendue. Il se dessine, en définitive, une participation gouvernementale en rangs dispersés, scénario bien loin de l’objectif recherché pour autant que l’ouverture est admis comme leur condition sine qua non.
A. KEITA
Le Témoin