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Sahel, l’enracinement des groupes islamistes

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Confronté en cette saison de l’harmattan à la sècheresse, à des tourbillons de poussières et à des virus ravageurs, le Sahel vit une autre épidémie, celle là politique. Une chronique de Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre mauritanien et ex représentant de l’ONU en Afrique.

Véhiculée par les medias internationaux et surtout les réseaux sociaux, une véritable tornade politique propage les images de populations en révolte pacifique contre leurs gouvernances.  Cette épidémie ne devrait pas laisser indifférents les sécuritaires nationaux et étrangers. ’’ La main invisible de l’étranger, jaloux de notre souveraineté’’, la vieille rengaine sans effets sur les populations, même les plus influençables, bat de l’aile. Même les citoyens ordinaires s’attendent à des réponses plus pragmatiques.

La forte médiatisation des manifestations en Algérie et au Soudan renforce le message, déjà bien articulé, des islamistes. Sans être au premier plan, ni même visibles dans ces deux pays, ceux-ci endossent néanmoins les objectifs des manifestants. Cette ‘’retenue’’, en évitant une dérive meurtrière, démontre une maturité récente. Y compris au Sahel où chaque jour ils s’enracinent davantage.

Les difficultés s’accumulent

Au Mali, en dépit du succès des opérations de Barkhane, en cet hiver 2019, les attaques armées et leurs répétitions atteignent des niveaux rappelant les débuts de la crise en 2012. La violence devient prégnante.

Violence des groupes radicaux contre les forces maliennes et internationales. Violences, encore plus graves,  opposant des communautés ethniques (chasseurs traditionnels contre éleveurs). Face à ces périls, les forces de sécurité semblent paralysées sauf lors de répressions contre les nomades du grand nord ou les pasteurs peuls.

L’extension du terrorisme au Burkina Faso, depuis longtemps annoncée, est là. Parce que plus récente, elle est plus sanguinaire. Elle déclare la guerre à l’enseignement moderne et aux enseignants mais aussi aux religions et aux communautés isolées. Les régions du Soum se dépeuplent.

La menace, très réelle, de voir cette violence exploser dans un des pays de la côte des golfes du Benin ou de Guinée continue d’être ignorée.

Dans le Sahel oriental, la crise structurelle de la Libye – qui remonte aux années 1970 suite à la déstructuration, assumée par Kadhafi, des institutions publiques et la formation de combattants sahéliens – attise les risques pour la région et bien au-delà. La multiplicité, et donc l’incohérence des ingérences extérieures qui s’en suit, en retarde le règlement.

L’appui international ne semble pas pouvoir mettre fin à la brutalité de Boko Haram. Datant de 2012, la coopération militaire est en déficit de résultats. Il lui reste à enregistrer des progrès convaincants afin que les rives du Lac Tchad cessent d’être une zone de non droit.

In fine, la présence militaire internationale semble plutôt  aller à la gestion du statu quo. Cela ne saurait suffire.

Un terrorisme comestible

Dans des sociétés de plus en plus éclatées, voire rétribalisées, la lutte contre le terrorisme prend une nouvelle dimension. Face à des demandes sociales non satisfaites et à des oligarchies des plus arrogantes, la défiance des populations vis-à-vis des autorités centrales tend à soutenir, ou ‘’à comprendre’’,  les vues des groupes radicaux.

Dans ce contexte embrouillé les partenaires extérieurs marchent sur des œufs. Certains de leurs alliés sahéliens sont, soit de connivence tacite, ou autre, avec les groupes terroristes qu’ils combattent seulement formellement,  soit jouent aux souverainistes opposes à toute présence militaire étrangère. Aucune de deux attitudes n’est guère propice à la gestion des crises.

Très commodément, les difficultés de la région sont attribuées uniquement à l’intervention internationale de 2011 en Libye. Non aux gestions politiques nationales.

Des nouvelles frontières terroristes

Se trompent ceux qui pensent que le Sahel n’est pas une nouvelle frontière du terrorisme. Se trompent aussi ceux qui continuent d’apporter la même réponse, ‘’fatiguée’’, – de fait un rejet – à des demandes populaires plus légitimes et plus exigeantes. Enfin se trompent naturellement ceux qui ne sentent pas la rage qui alimente ces demandes et la violence qu’elles couvent.

Une violence guère importée mais bien indigène. Elle développe ‘’sa personnalité autochtone’’ et, pour s’affirmer, cherche à terroriser, gratis, les populations. Elle se veut plus radicale par des actions spectaculaires, telles les exécutions publiques dans une église burkinabé le 12 mai. Ou l’horrible assassinat ‘’gratuit’’ du guide des touristes français enlevés ce 1 mai 2019 dans le Parc national du Pendjari au Benin. Pour rappel, les premiers preneurs d’otages laissaient libres le personnel local jugé sans valeur …marchande. Désormais il est exécuté essentiellement pour terroriser les populations.

L’exécution spectaculaire de l’attaque d’une unité d’élite de l’armée Nigérienne le 14 mai au nord de Tillabéry, tuant 30 soldats, est une démonstration de force bien organisée. Elle fut suivie d’une autre, de routine, le 16 au Mali près de Mopti – Diafarabe – engendrant la perte de soldats et de matériel.

Le but de ces attaques est d’encourager les nouvelles recrues en ce mois Ramadan. Les victoires affirmeront leur courage et leurs convictions face à des armées nationales, parfois moins motivées et fatiguées car depuis plus longtemps sur le front.

Les radicaux et leurs leaders – Groupe pour le Salut des Musulmans et de l’Islam, l’Etat Islamique du Grand Sahara, Ansar ul Islam du Burkina Faso, Front de Libération du Macina – comptent plus sur la ténacité et la détermination de leurs recrues que sur leurs capacités guerrières.

Ils comptent aussi sur la lassitude des troupes étrangères et la baisse voire la perte du soutien populaire consécutive à  l’extension du front au-delà du Sahel.

Des experts somaliens, Shebaab,  en visites secrètes, les  encouragent dans cette résilience. Par ailleurs, la récente ruée vers l’or à travers le nord du Sahel pourrait bien être liée à la recherche de financement du terrorisme. Un récent rapport de ‘’Reuters’’ sur ce sujet mérite l’attention.

Le risque d’enlisement

Dans certaines des capitales du Sahel, l’objectif principal ne semble pas être le  combat sur le terrain. Ni l’effort politique nécessaire à l’établissement d’alliances nationales et à la consolidation des fronts intérieurs essentiels pour remporter le combat

Frileux, les alliés extérieurs laissent faire avec le risque de s’enliser financièrement et militairement comme en Afghanistan ou en Somalie.

Le discours national porte essentiellement sur ‘’un complot extérieur contre nos pays en vue d’exploiter leurs ressources naturelles’’. Cette vieille rengaine, qui a fait bien du mal à ceux qui y croient, marche encore et bien.

Ainsi  Sahel, la lutte contre le terrorisme est-elle encore loin d’être dans son dernier quart d’heure ! Aussi, le prochain harmattan, la saison sèche, ne devrait-il pas être moins chaud.

Mondafrique

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