Le président américain Donald Trump a accentué vendredi ses attaques contre le Mexique qu’il accuse d’être laxiste face à l’immigration clandestine et aux trafiquants de drogues, en brandissant la menace de tarifs douaniers malgré les sévères avertissements sur leur impact économique.
L’homme d’affaires, qui a fait de la lutte contre l’immigration illégale l’un des points centraux de sa présidence, a menacé par surprise, jeudi soir, d’imposer des tarifs sur toutes les importations mexicaines à compter du 10 juin.
Il compte démarrer avec un taux de 5%, qui pourra grimper jusqu’à 25% dans les prochains mois, tant que Mexico n’endiguera pas le flot de migrants venus d’Amérique centrale qui franchissent ou se présentent à la frontière des Etats-Unis.
Donald Trump est allé plus loin vendredi en accusant le gouvernement mexicain de ne pas avoir la main sur son propre territoire.
“Mexico doit reprendre le contrôle de son pays aux mains des barons de la drogue et des cartels. Les droits de douane vont arrêter les drogues aussi bien que les clandestins!”, a tweeté le républicain, en assurant que 90% des stupéfiants arrivant aux Etats-Unis transitaient par le Mexique.
Face à cette attaque, le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a dit vouloir éviter toute escalade, en assurant vouloir user de “beaucoup de diplomatie”.
Le dirigeant de gauche s’est défendu, lors de sa conférence de presse quotidienne, en affirmant agir pour stopper le flux de migrants centraméricains.
“Nous avons rapatrié dans leur pays des migrants comme jamais auparavant”, a-t-il expliqué.
Tout en estimant que les “mesures coercitives ne conduis(ai)ent à rien de bon”, il a affirmé que le geste de Washington ne remettait pas en cause la ratification du nouvel accord de libre-échange nord-américain entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC), dont le processus avait justement été lancé le jour même de l’offensive douanière par le gouvernement américain.
Signe de cette volonté de dialogue, son chef de la diplomatie, Marcelo Ebrard, rencontrera le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo mercredi à Washington “afin de résoudre le différend”, selon le ministre mexicain. Les deux hommes se sont entretenus par téléphone vendredi, a indiqué le département d’Etat.
M. Ebrard avait plus tôt souligné que la décision américaine d’imposer des tarifs ne faisait “aucun sens économiquement”, en rappelant que le Mexique était le premier partenaire économique des Etats-Unis.
– Républicains opposés –
La menace de ces tarifs douaniers a pris de court le Congrès américain, où l’inquiétude face aux répercussions économiques grondaient vendredi jusque dans les rangs républicains.
Une demi-douzaine de sénateurs du parti de Donald Trump se sont ainsi déclaré opposés à cette idée, qui a fait tanguer les marchés vendredi.
Ces tarifs pourraient affecter durement le pouvoir d’achat des Américains alors même que les élections présidentielle et parlementaires de 2020 approchent.
Du côté des démocrates, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a dénoncé “l’inconscience” de Donald Trump.
“Une nouvelle fois, le président sème le chaos à la frontière” entre le Mexique et les Etats-Unis “au lieu de donner des solutions aux travailleurs et consommateurs américains”, a-t-elle réagi.
– “Désespoir” –
Depuis octobre, des dizaines de milliers de Centraméricains — venus du Honduras, du Guatemala et du Salvador principalement — traversent le Mexique dans l’espoir de se rendre aux Etats-Unis, parfois en grands groupes.
En mars et en avril, le nombre de migrants interpellés après avoir traversé illégalement la frontière américaine a dépassé, chaque mois, le seuil des 100.000 personnes, selon la police américaine.
Un rapport du ministère de la Sécurité intérieure américaine a d’ailleurs mis en garde vendredi contre “la surpopulation dangereuse” relevée dans un centre de rétention d’El Paso, au Texas, où les migrants enfermés sont jusqu’à six fois plus nombreux que leurs capacités d’accueil.
“Nous voulons aussi que (Donald Trump) comprenne qu’il s’agit d’un problème socio-économique”, a insisté M. Lopez Obrador. “Beaucoup abandonnent leur village par désespoir en raison du manque de travail et à cause de la violence.”
Il a souligné que des enfants, “parfois seuls”, figuraient parmi ces migrants et que son gouvernement les traitait en veillant au respect des droits humains.
AFP