Le rappel du nombre et du bilan des massacres au centre du pays est moins important que la vérité sur ce qu’il s’y passe. Les pouvoirs publics semblent y être dépassés par les événements et dépouillés de toute autorité.
Il est un fait : on parle peu maintenant de la situation au nord du pays. Au point que la mission onusienne déployée au Mali, par la voix du secrétaire général des Nations unies, lui-même, demande à être redéployée au centre. À croire que les enjeux semblent s’être déplacés d’eux-mêmes.
Une évidence : il y a plus de victimes civiles au centre qu’il n’y en a eu au nord de notre pays depuis l’éclatement de la rébellion en 2012. Pourtant, ici, on ne demande pas l’indépendance ; on ne demande pas l’autonomie. Que s’y passe-t-il ?
Des communautés ayant vécu en cohabitation pacifique depuis plusieurs générations s’entretuent. Pas toutes, mais celles peuhl et dogon, nous dit-on. Alors qu’il n’y a pas que ces ethnies dans cette région, même si elles y sont majoritaires. Qu’est-ce qui explique ceci ?
Certains diront de vieux conflits entre agriculteurs et pasteurs. D’autres penseront que des terroristes et autres jihadistes manipuleraient ces ethnies pour asseoir leur domination. Une autre frange importante de la population dénonce un complot international contre le Mali.
Un silence de cimetière est audible du côté de l’exécutif. Celui-ci, à tout le moins, semble désemparé. Il parle tantôt de terroristes, jihadistes. Et souvent, de milices, notamment une milice dogon, dont il s’était fendu récemment, dans un communiqué, de la dissolution.
À la suite de chaque massacre, l’exécutif se rend sur les lieux, condamne, affirme ouvrir des enquêtes. Il promet de déployer une batterie de mesures pour poursuivre, arrêter et traduire devant les juridictions compétentes les auteurs de ces actes ignobles. Et puis, plus rien.
Le gouvernement va jusqu’à se tromper de bilan et de nom de la localité attaquée, prouvant ainsi son incapacité à faire face à la situation. Il dit «compter sur le sens de responsabilité des médias afin de contribuer à l’apaisement et au retour à la sérénité des populations civiles».
Mais il n’est jamais capable de dire ce qu’il se passe au centre du pays, ou de dire ce qu’il fait ou est en train de faire pour enrayer la spirale de la violence. À défaut d’anticipation et de réactivité de la part des autorités, une véritable tragédie humaine se déroule au centre du Mali.
Dioncounda Samaké
Source: Nouvelle Libération