Alors que l’émotion reste encore très vive au Mali et que les condamnations se multiplient après le massacre de Sobane-Da, de nombreuses questions, pour l’instant sans réponse, se posent. Pourquoi le gouvernement malien n’a-t-il pu anticiper les évènements alors que tout laissait croire qu’il existait des instincts revanchards après le massacre d’Ogossagou ? De l’avis de nombreux observateurs, nul n’avait besoin d’être rompu à l’interprétation des arabesques des marabouts maliens, pour prévoir ce qui est arrivé.
La situation était telle qu’il fallait surveiller la région comme du lait sur le feu, pour parer à toute éventualité ; chose qui, malheureusement, ne semble pas avoir été faite. Le risque était d’autant plus grand que le massacre d’Ogossagou semblait avoir bénéficié d’une totale impunité. Et voilà donc ce nouveau drame qui vient apporter de l’eau au moulin de tous ceux qui critiquent la gouvernance sécuritaire au Mali, avec une armée qui fait plus dans la défensive.
L’autre question que l’on peut se poser et pas la moindre, est la suivante : pourquoi, pendant les 8 heures qu’ont duré les massacres (de 17h à 1h), ni l’armée malienne, ni les troupes de l’opération Barkhane, ni celles de la Minusma, ni celles du G5 n’ont-elles pu réagir ? La question est d’autant plus à propos qu’avec les technologies de la communication, l’information est quasi instantanée. Faute de pouvoir répondre à ces questions, l’on ne peut que se laisser emporter par le sentiment que tout s’est passé comme si l’on avait laissé faire.
C’est dire si le Mali n’a pas besoin de ces conflits intercommunautaires, véritable guerre dans la guerre, autrement plus difficile à maîtriser par des autorités centrales théoriquement astreintes à la neutralité et qui ne sauraient raisonnablement prendre parti pour un camp contre un autre. Et dans le cas d’espèce, l’on est porté à penser que ni Barkhane ni les forces internationales ne sauraient gérer une telle situation, car ce n’est pas le genre de conflits qui se règlent au bazooka.
C’est pourquoi ces conflits intercommunautaires constituent un autre gros défi pour Bamako. En tout cas, le Mali est encore loin d’être sorti de l’auberge, malgré le déploiement d’importants moyens pour la stabilisation du pays. Car, la récurrence de ces conflits communautaires constitue une bombe ethnique à retardement, qui pourrait non seulement exploser à tout moment entre les mains des autorités maliennes, mais aussi et surtout mettre à mal la cohésion sociale et l’union sacrée pour faire face à l’ennemi commun que sont les djihadistes.
Paul Dembélé
Nouvelle Libération