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GOUVERNEMENT, UA, BARKHANE, MINUSMA, G5 SAHEL, UE et compagnie : et si l’on évaluait tout ça ?

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Le Mali, dans cette épreuve, (la profonde crise qui l’affecte depuis 2012) semble bénéficier d’un grand élan de solidarité de la part de la société internationale. Des acteurs, qu’ils soient multilatéraux ou bilatéraux, sont impliqués dans la gestion de cette crise bien qu’avec des mandats et des stratégies disparates.

Cette multitude d’acteurs et de stratégies suscite bien des interrogations, notamment celles relatives à leur efficacité quand l’on sait que la situation du pays était bien meilleure en 2012 qu’aujourd’hui. Pourtant, dans ce dispositif de réponse à la crise, figurent les Nations Unies, la plus grande et la plus importante organisation à vocation universelle et dans une moindre mesure, la 5ème armée du monde en termes de puissance. C’est pourquoi, d’aucuns disent que nous avons le monde avec nous.

Mais peut-on avoir le monde avec soi et vivre le chemin de croix ?

Les tentatives de réponses pratiques que nous donnerons à cette question nous permettrons d’évaluer sommairement l’ensemble du dispositif en situant les incohérences. Mais avant, nous tenons à dire au lecteur qu’il ne trouvera pas, sous cette plume, la panacée. Notre objectif est de contribuer aux débats, susciter des réflexions en donnant les clés de l’analyse, c’est-à-dire la quête de cause et de sens.

Les acteurs, leurs mandats et stratégies 

Nous distinguons entre acteurs nationaux, sous régionaux, régionaux et internationaux.

De toute évidence, le principal acteur national demeure l’Etat qui est dans son rôle classique de protection de ses citoyens. De janvier 2012 à nos jours, beaucoup d’efforts (bien que difficilement perceptibles) furent consentis par l’Etat malien dans le sens de juguler la crise. De la loi d’Orientation et de Programmation militaire à la grande réforme du Secteur de la sécurité en passant par des initiatives d’apaisement prises en faveur des groupes armés.

Ainsi, en lisant dans les stratégies de l’Etat, nous comprenons que la dimension sécuritaire au sens classique du terme (militaro-militaire) semble être beaucoup plus en exergue. Autrement dit, le gros des moyens a été drainé vers la réponse militaire. Du coup, un aspect extrêmement important dans le traitement de la crise n’a pas reçu l’attention nécessaire, il s’agit des mécanismes traditionnels de règlement des conflits.

En effet, il faut dire que le Gouvernement du Mali n’a jamais pu affirmer son leadership dans la gestion de cette crise, presque tous les schémas expérimentés lui ont été imposés (car étant très affaibli pour négocier quoique ce soit à son seul avantage). C’est ce qui explique en partie le fait que ces mécanismes n’aient jamais eu de places confortables dans la stratégie du Gouvernement. Pourtant, l’approche traditionnelle avait été initiée à travers notamment la commission de bons offices qu’a présidée l’Imam Mahmoud DICKO.

Cette commission à peine créée, fut aussitôt dissoute afin de s’aligner sur la politique française de contre-terrorisme.

Le génie malien devait pourtant se manifester.

En effet, selon la doctrine française en matière de lutte contre le terrorisme, le dialogue avec les éléments que la souveraineté française définit comme terroristes, est à bannir. En terme clair, pas de négociations avec les terroristes. Cette position du Gouvernement français est elle-même, un décalque de la doctrine américaine de contre-terrorisme dont l’efficacité reste d’ailleurs à démontrer (l’ouverture des négociations avec les talibans après 16 ans d’engagement militaire en est l’illustration). Rappelons que cette doctrine américaine a connu son point d’orgue à travers la stratégie de Sécurité nationale adoptée sous le Président Georges W BUSH au lendemain des douloureux attentats du 11 septembre 2001, donc dans un climat très passionnel.

C’est vous dire la grande influence extérieure sur les stratégies du Gouvernement malien qui devraient plutôt intégrer les réalités socio-politiques du Mali qui ne sont pas forcément les mêmes en Afghanistan ou en Syrie ainsi que les intérêts stratégiques en jeu.

Outre l’Etat, nous avons d’autres acteurs nationaux qu’il conviendrait d’appeler forces sociales ou forces intermédiaires (organisations de la société civile et partis politiques). Si les premières semblent à présent décidées à peser sur le processus, les secondes sont plutôt dépassées par les évènements. Les partis politiques ont grand-peine à jouer le rôle qui leur est normalement dévolu (celui de contre-pouvoir). En effet, cela est une des conséquences du système politique post parti unique. Il consacre la dépendance des partis politiques à l’appareil d’Etat (leur santé dépend du nombre de postes ministériels qu’occupent leurs cadres) tuant ainsi l’esprit militant qui devrait amener chaque membre d’un parti politique à contribuer financièrement et intellectuellement au portage de l’Action politique du parti.

Il faut dire que les partis n’ont donc de stratégies que pour leurs propres positionnements sur l’échiquier politique, ils ne peuvent donc servir valablement le Mali dans ces temps ni par la force des débats, ni par la mobilisation.

Que dire donc des trois dernières catégories d’acteurs (sous régionaux, régionaux et internationaux) ?

D’abord l’Union africaine, la première organisation régionale donne à penser qu’elle tient plutôt un rôle d’observateur ou tout au plus de facilitateur. Elle ne pèse pas suffisamment dans l’architecture, sa présence n’est d’ailleurs connue que de l’élite à travers son Haut Représentant. La CEDEAO semble épouser la même posture depuis que les négociations ont quitté Ouaga pour Alger.

Quant au G5 Sahel, il n’est pas aisé de savoir s’il est une initiative régionale, sous régionale ou internationale tant l’influence de la France sur lui demeure importante (c’est d’ailleurs ce qui explique principalement la méfiance algérienne vis-à-vis du G5 Sahel, l’Algérie qui ne transige point sur les questions de souveraineté). Il faut donc dire que le G5 Sahel se résume à un effet d’annonce, les moyens escomptés n’ont toujours pas suivi parce que les potentiels gros bailleurs restent sceptiques quant à son utilité et ce, en dépit de l’important plaidoyer du Gouvernement français.

Le scepticisme des potentiels bailleurs, parlons-en. 

Parmi ces potentiels bailleurs, nous citons en premier lieu les Etats Unis d’Amériques.

Le ‘’refus’’ du Gouvernement américain de financer le G5 Sahel s’explique entre autres par la nouvelle ligne qui caractérise la politique extérieure des Etats Unis. En effet, depuis l’arrivée du Président TRUMP au pouvoir avec son ‘’america fisrt’’, le pays semble considérablement diminuer ses prises de responsabilité dans le jeu international, certains observateurs parlent même d’isolationnisme. Aussi, les américains pensent que la France qui est le chantre du G5 Sahel à l’international, est dans son pré carré, qu’elle aurait d’autres agendas purement stratégiques et qu’elle voudrait donc tout simplement se servir de cet outil pour mettre en œuvre ces supposés agendas.

Mais les Etats Unis ne paraissent pas être les seuls à avoir des méfiances face au leadership français dans le dossier du G5 Sahel, il y’a aussi les alliés de l’Union européenne. Même s’ils sont beaucoup plus subtils, il faut dire qu’ils pensent également la même chose. C’est pourquoi, demeurent-ils timorés sur la question (le financement du G5 Sahel).

Outre les Etats Unis et l’Union européenne, les principaux intéressés (les pays du champ) eux aussi ne semblent pas prêts à assurer le financement de la task-force et ce, pour des raisons de conjoncture économique mais aussi de priorisation de leurs politiques de développement en leur sein. Vous l’aurez donc compris, le G5 Sahel n’est que pour le moment un gros machin truc.

Parlons à présent des deux derniers maillons du dispositif (BARKHANE et MINUSMA)

D’abord BARKHANE, c’est la ‘’grosse bête’’, le plus important et le plus influent maillon du dispositif. Placée sous souveraineté exclusive du Gouvernement français à travers son Ministère de la Défense, l’Opération a mandat de ‘’lutter contre le terrorisme au Sahel’’.  Dans les faits, elle jouit d’une autonomie presque totale pour ne pas dire une indépendance vis-à-vis du Gouvernement malien. Ces moyens d’anticipations et d’actions sont colossaux, il s’agit d’une opération portée par la 5ème plus puissante armée au monde.

En dépit de tout ceci, le résultat engrangé reste mitigé, le citoyen ordinaire parle de paradoxe français au Mali ou de paradoxe tout court. Il dit ne pas comprendre la dégradation continue de la situation sécuritaire du Mali alors que le pays abrite une opération militaire qui absorbe plus de 50% du budget annuel de l’ensemble des opérations militaires extérieures (OPEX) française soit un montant estimé à 600 M€ par an.

Enfin, la MINUSMA. L’on pourrait dire qu’elle est l’expression de la volonté du monde organisé pour la stabilisation du Mali parce qu’elle émane des Nations Unies. Sa composante militaire semble plutôt dans une posture passive, d’interposition. Elle n’est pas une force de combat mais de protection des civiles et éventuellement d’interposition entre belligérants. La MINUSMA oppose le plus souvent les limites de son mandat ainsi que le manque de moyens conséquents à ceux qui la trouvent passive et inefficace. Outre la composante militaire, la Mission dispose d’autres composantes notamment celles qui s’occupent du développement social de base. A ce niveau, elle réalise des infrastructures, appui des initiatives locales, facilite la résilience des populations vulnérables, renforce les capacités de gouvernance de l’Etat etc.

Malgré ses efforts, tout comme BARKHANE, elle ne semble pas avoir l’opinion avec elle.

Récapitulons

Nous avons un pays qui s’appelle Mali, il vit une crise que l’on pourrait résumer ainsi : la Crise de l’Etat. Puisque cette crise lui dépasse, d’autres acteurs sont venus à son chevet afin de l’aider à se rétablir. Mais il se trouve que chaque acteur a un mandat et des stratégies différents. Résultat des courses : plusieurs acteurs, plusieurs mandats, plusieurs stratégies pour un même problème. Et puisque malgré tout le problème reste entier, alors, soit le diagnostic n’est pas le même pour tout le monde (ce qui pose la question de la convergence), ou le dispositif doit être revu au moins dans certains aspects (coordination, diversité dans l’action, pilotage, redevabilité etc.)

Déductions

Au regard de ce qui précède, nous pouvons déduire que le Dispositif global de réponse à la crise malienne qui existe depuis 7 ans ne semble pas répondre aux besoins réels de l’Etat malien. Ainsi donc, le Gouvernement du Mali doit être plus courageux et plus ambitieux en osant prendre le leadership et en initiant donc à partir d’une démarche inclusive (impliquant l’ensemble des acteurs), la révision dudit dispositif.

Concrètement, il pourrait cette fois mobiliser l’ensemble des ressources humaines (chercheurs, sociologues, anthropologues, politiques, fonctionnaires, leaders d’opinions, traditionalistes etc.) afin d’élaborer un Plan stratégique national de sortie de crise qui sera validé par le Gouvernement et soumis aux acteurs extérieurs en leur disant voilà ce dont nous voulons véritablement et voici ce que ça coûte tout en soulignant ce que l’Etat peut faire et ce qu’il attend des autres.

Parallèlement à ça, il y’a nécessité de reconsidérer ces partenariats classiques et d’aller vers des alliances stratégiques surtout au niveau bilatéral.

Tout compte fait, notons que l’on est mieux servi que par soi-même. Même pas par la plus belle des hôtesses en première classe.

Mamadou Lamine SIBY,
Analyste et homme politique

Le Pays

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