Le rapport 2018 du vérificateur général a été remis le mardi 9 juillet dernier au Président de la République. Comme les précédents rapports, celui de 2018 révèle d’importantes irrégularités dans la gestion des deniers publics. Aussi, ce nouveau rapport offre (encore) aux Maliens l’occasion idoine de « Crier Haro ! »… Cela pour marquer leur extrême indignation face à la gestion désastreuse d’un régime et d’une administration malienne abonnés aux scandales financiers aux détournements des deniers publics, à la surfacturation et autres pratiques corruptives… le tout se déroule sous le mandat d’un chef d’Etat qui est aujourd’hui rattrapé par sa parole, ses promesses et ses engagements. Notamment dans le domaine de la lutte contre la corruption et la délinquance financière… Adepte de beaux discours destinés à l’extérieur, IBK décrétait 2014, Année de la lutte contre la corruption. Mais, le dernier rapport à lui remis lundi par le Végal le confonde une fois de plus. La preuve ? Au total plus de 2 milliards de Fcfa se sont évaporés dans les dédales de l’administration malienne (en fraude et en mauvaise gestion). Alors, combien de nos francs seront-ils détournés (volés) dans les caisses de l’Etat d’ici la fin de ce mandat calamiteux d’Ibrahim Boubacar Keita ? Les Maliens, perplexes, s’interrogent et s’attendent au pire.
Le dernier rapport remis au chef de l’Etat est le premier rapport de l’équipe du nouveau vérificateur Samba Alhamdou BABY. Le document épingle plusieurs structures dont l’Université de Ségou, la Pharmacie Populaire du Mail, la Direction Régionale du Budget de Kayes …le vérificateur reproche à ces différents structures un manque de performance dans les résultats ou encore des irrégularités dans la gestion.
S’agissant des Aéroports du Mali et la Commune rurale de Baguinéda-camp., le rapport révèle d’importantes irrégularités et des manquements notoires, aussi bien dans le dispositif de contrôle interne que dans la gestion financière.
Au total, le rapport annuel 2018 porte sur dix (10) missions de vérification. Dans son rapport, le Vérificateur Général, indique que les faiblesses constatées offrent une double lecture de la gestion des services publics. «D’abord, ces faiblesses illustrent l’important décalage entre les pratiques et les textes juridiques et procédures. Ensuite, elles appellent à la mise en place d’un dispositif approprié de contrôle interne permettant de circonscrire les risques et d’offrir les meilleures possibilités pour que les objectifs des politiques publiques soient atteints».
Créé par l’Ordonnance n°29/CMLN du 06 juillet 1970, Aéroports du Mali (ADM) est un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière. Mais, la gestion financière de cette structure est épinglé. En effet le rapport 2018 du BVG a décelé des irrégularités administratives et financières dans les opérations de recettes et de dépenses de l’ADM sur la période de 2013 à 2017. Non-respect des procédures de suivi et de recouvrement des créances clients, des avis d’appel d’offres, des conditions de mise en concurrence.
A l’ADM, rapporte le végal, la Caissière principale des ADM a accepté et payé des factures ne comportant pas des mentions obligatoires. Sur un échantillon de 174 factures payées par la caisse, 170 ne comportent pas des mentions obligatoires notamment: le numéro d’identification fiscale, le numéro du registre de commerce et du crédit immobilier, le nom et l’adresse des parties contractantes, le numéro de facture ou même les précisions sur le montant hors taxe, le taux de TVA et le montant TTC. Quant au Directeur Financier et Comptable des ADM, il n’a pas appliqué les pénalités de retard dues. Suite au retard de 53 jours constaté dans la livraison du contrat de 48,78 millions de FCFA, relatif à la fourniture et la pose de matériels informatiques. Aux Aéroports du Mali, le vérificateur général a constaté 1,6 milliards FCFA d’irrégularités administratives et financières.
Dans la Commune Rurale de Baguinéda-Camp, les irrégularités portent sur des recettes non collectées ou non reversées et les achats. Il a été constaté que les Agents de la Commune rurale perçoivent des recettes en lieu et place du Régisseur. Ainsi, les recettes issues des frais sur les réquisitions sont perçues par le Secrétaire Général en lieu et place du Régisseur de recettes depuis 2014 sans délivrance de quittances et sans trace d’enregistrements. Il en est de même pour les frais d’extraits d’actes de naissance, de mariage et de frais de légalisation de documents administratifs qui sont également perçus par les Agents chargés de l’état civil. Ici, les pertes financières sont estimées à plus 529 millions FCFA.
L’échec d’IBK
Ce dernier rapport confirme l’échec du président Ibrahim Boubacar Keita …de mener une lutte implacable contre la corruption. Aussi ; les Maliens gardent encore dans un coin de l’esprit un passage tonitruant du discours d’IBK à l’occasion du nouvel An 2014 : «…au risque d’en faire une rengaine, j’insiste sur la gestion rigoureuse de nos deniers, ceux que l’Etat génère auprès du contribuable malien bien sûr, mais aussi l’aide que la communauté internationale met à notre disposition grâce aux sacrifices de ses propres contribuables. La gestion rigoureuse de nos ressources passe par le contrôle de la corruption sur deux fronts : la lutte contre l’impunité et les réformes systémiques….Oui, je dis et redis que l’argent des Maliens est sacré et qu’il faut désormais l’utiliser à bon escient.
C’est pourquoi, je décrète l’année 2014, année de la lutte contre la corruption. Un combat dans lequel je demande à chaque malienne, chaque malien, de s’engager avec moi.
Nul ne s’enrichira plus illégalement et impunément sous notre mandat, Incha’Allah.
Je suis conscient que les familles souffrent, que les salaires sont dérisoires, et que tout ceci ne contribue pas à prévenir la corruption. Tout ce qui sera en notre pouvoir de faire pour augmenter les revenus le sera, c’est mon rôle et ce sera ma fierté.
Les hommes et les femmes du gouvernement cesseront, croyez-moi, d’être à leur place, le jour où ils ne travailleront plus à un Mali qui arrive à nourrir ses enfants, à les éduquer convenablement, à les employer, bref à les encadrer dans un environnement hautement concurrentiel où les pays qui n’anticiperont pas resteront sur le quai ».
Ce beau discours avait donné de l’espoir aux citoyens qui voyait le président Ibrahim Boubacar Kéïta,en homme de la situation. Cependant, ils ont dû vite déchanter quand éclatèrent les sulfureuses affaires de l’achat de l’avion présidentiel et du contrat d’équipements militaires. Mais, le pire est à venir.
En effet, l’audit des deux affaires par le Bureau du Végal (commandité par le Fmi) et par la section des comptes de la Cour suprême étale au grand jour l’ampleur de la fraude et de la corruption sous IBK et dans une année décrétée année de lutte contre la corruption. Entre 29 et 38 milliards auraient disparu dans ces deux scandales qui avaient défrayé la chronique dans le landerneau politique malien.
D’un rapport à un autre … Le chaos financier demeure !
Mais, les Maliens ne sont pas encore au bout de leur peine. Les rapports différents (2013 et 2014, 2015, 2016 2017) du Bvg remis au président de la République ont tous mis à nu la gestion catastrophique et chaotique d’IBK, ainsi que la corruption à ciel ouvert instaurée sous son mandat.
Grosso modo, ces rapports révèlent un trou de 153 milliards de FCFA de manque à gagner pour l’Etat malien engendré par une mauvaise gouvernance. Ce préjudice énorme à l’Etat se décompose comme suit : 80,21 milliards de FCFA dont 12,28 de fraude et 67,93 milliards de mauvaise gestion, au titre du rapport annuel 2013 et 72,97 milliards de FCFA dont 33,95 de fraude et 39,02 milliards de FCFA de mauvaise gestion, au titre du rapport annuel 2014.
Le Vérificateur général d’alors , Amadou Ousmane Touré, imputai ce chaos financier à des pratiques illégales qui ont pour noms la non-application à dessein des textes législatifs et réglementaires, la mauvaise gestion des dépenses effectuées au niveau des régies, la multiplication injustifiée des contrats simplifiés pour éviter les appels d’offres, la non-justification et la non-éligibilité de dépenses, la réception de biens non conformes aux commandes, l’octroi d’avantages injustifiés, la fabrication et l’usage de faux documents pour justifier des dépenses fictives, des manipulations des offres par les commissions de dépouillement et d’évaluation dans les opérations de passation des marchés publics, le non-reversement au Trésor Public de ressources collectées, et enfin de la réalité et de l’effectivité de certaines missions administratives.
En 2015, le rapport du vegal avait mis en évidence de graves incohérences dans la cession des bâtiments publics de l’Etat, d’une part, entre les crédits alloués par le budget d’Etat pour l’entretien et la réparation de bâtiments publics, et d’autre part, les dépenses exorbitantes payées pour abriter les services et loger des hautes personnalités. En outre, il a été relevé que la gestion de ces bâtiments n’est pas conforme à la réglementation en vigueur.
Selon le ‘’Végal’’, en 2016 -2017, sur les 16 vérifications financières et de conformité effectuées en 2015 auprès des 23 structures, le montant total des irrégularités financières s’élevait à 70,10 milliards de FCFA dont 32,67 milliards de FCFA au titre de la fraude et 37,43 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion.
Dans son Rapport bilan en 2018, l’ancien vérificateur général Ousmane Amadou Touré, faisait état de 98 Vérifications effectuées en sept ans dont 6 vérifications de performance. Au total, plus de 106 entités vérifiées pour des irrégularités financières s’élevant à 358,43 milliards de FCFA dont 106,10 milliards de FCFA de fraude et 252,33 milliards de FCFA de mauvaise gestion. Dans ces conclusions, le Vérificateur Général sortant révèle que le terme «mauvaise gestion» employé dans les différents rapports est un euphémisme. «Car, écrit-il, il constitue en réalité un camouflage intelligent et bien réfléchi de détournement des biens publics». Le vérificateur sortant préconisait plusieurs mesures pour enrayer sinon entravé la corruption.
Le président donnera-t-il une suite favorable à cette proposition de l’ancien Végal. Nous en doutons. En effet, IBK ne semble pas être un modèle de « lutteur » contre la corruption et la délinquance financière. La preuve : les Maliens attendent toujours les poursuites contre les ministres, cadres et autres agents accusés et/ou soupçonnés de fraude et de détournements dans les scandales de l’avion présidentiel et du contrat d’armement, de l’engrais frelaté….
Mémé Sanogo
L’Aube