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Procès en diffamation Karim Kéita contre Mamadou Diadié Sacko et Adama dramé : -La défense demande la nullité de la procédure : -Le parquet et la partie civile s’opposent : -Le tribunal rend son délibéré le 17 juillet

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9h 06 mn, le président de la première chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako, Zoumana Bouaré, pénètre dans la salle d’audience, accompagné de deux autres magistrats, plus la greffière. Le banc du ministère public était assuré par le procureur de la République en personne, Mamadou Bandiougou Diawara, flanqué de deux de ses substituts.

Le président du tribunal attire l’attention du ministère public sur la non-comparution du prévenu Adama Dramé et invite Mamadou Diadié Sacko dit Sax à décliner son identité. Le juge Bouaré pose la question à Sax s’il est journaliste ou animateur. « Je suis journaliste, patron de presse », souligne-t-il. Avez-vous une carte de presse, lui demande le président de l’audience. Mamadou Diadié Sacko sort sa carte de presse et la remet au président qui, à son tour, la passe à son voisin de droite jusqu’au Procureur de la République.

Me Alassane Diop prend la parole et fait cas d’une lettre de son client, Adama Dramé, adressée au président du tribunal dans laquelle l’intéressé souhaite être jugé en son absence. Il souhaite aussi que le tribunal autorise ses avocats à plaider en son nom. L’avocat appuie ses propos par des dispositions légales qui donnent cette possibilité au prévenu si la peine ne dépasse pas deux ans comme c’est le cas.

« Nous sommes surpris, la démarche n’est pas confraternelle. La logique aurait voulu que nos confrères nous communiquent ce document », a rétorqué l’un des avocats de la partie civile, Me Mamadou Gaoussou Diarra, qui met en cause l’authenticité du document. «Ce document peut être fait par un écrivain public devant la grande poste de Bamako», plaisante-t-il, avant de demander de l’écarter. De l’avis de Me Harouna Kéïta, la lettre qui ne dit pas où se trouve Adama Dramé à Paris pose manifestement des problèmes. Me Alassane Diop excipe alors une autre lettre, cette fois-ci, du médecin-traitant d’Adama Dramé, qui atteste qu’il ne peut pas voyager au bout de six mois pour des raisons de santé. « Je veux qu’on reste légaliste. La loi ne dit pas que la lettre doit venir par voie aérienne. Personne ne critique la loi. On s’en prend à la bouche de la loi… Je ne dépose pas pour lui, je vais plaider pour lui», réplique Me Diop.

Le procureur de la République, Mamadou Bandiougou Diawara, estime que le prévenu aurait dû prendre le soin de légaliser sa signature. « En réalité, il n’y a pas de conditions. La loi est claire », explique-t-il en précisant que le tribunal est libre d’apprécier. Pour lui, c’est un problème d’authenticité qui se pose. Il souhaite que les avocats de la défense prennent la parole.

Et Me Mohamed Ali Bathily de répliquer que la légalisation n’est pas obligatoire. «Nous avons aucune certitude sur la sincérité de cette lettre», souligne Me Mamadou Gaoussou Diarra qui remet également en cause la missive du médecin-traitant du directeur de publication de Le Sphinx. La question de l’authenticité, selon Me Alassane Diop, ne doit pas se poser devant le tribunal. Selon Me Bathily, le tribunal est libre d’apprécier les documents. Le tribunal tranche : Me Adama Sidibé et Alassane Diop seront entendus au nom d’Adama Dramé.

Un autre avocat de la défense, Me Ben Mahamata Touré, attaque ses confrères de la partie civile sur l’absence des vignettes de plaidoiries et celle du timbre sur la citation. Il fait savoir que  l’acte de constitution des avocats ne comporte pas la preuve du paiement des vignettes de plaidoiries. Selon lui, la citation est irrégulière et irrecevable.

Me Mamadou Gaoussou Diarra et ses confrères de la partie civile estiment que la défense fait une lecture erronée du texte communautaire de l’Uemoa. « Notre rôle est de veiller à l’application de la loi », déclare le procureur Diawara qui attire l’attention du tribunal sur le fait que la loi autorise le paiement des vignettes au moment de la comparution. Débat clos.

«Nous avons une série d’exceptions », avance Me Ben Touré. ‘’La citation est nulle parce qu’elle n’a pas été remise au prévenu», lance-t-il. L’huissier de justice a remis le 30 mai la citation à Sidiki Kouyaté, directeur de publication de RFM qui l’a remise au prévenu le 6 juin. Selon lui, le délai de 20 jours qui sépare la remise de la citation à leur client à la date de l’audience n’a pas été respecté. Me Alassane Diop attaque la qualité de l’élément de preuve versé dans le dossier par la partie civile. Selon lui, la Haute autorité de la communication (Hac) est incontournable en la matière. Me Mohamed Ali Bathily estime qu’il y a forcément la prescription de l’affaire. Ensuite, il met en avant l’article 44 de la loi portant régime de presse et délit de presse qui demande un sursis à statuer sur l’affaire qui est en instruction au niveau du tribunal de grande instance de la commune IV.

Me Kalifa Yaro de la partie civile contre-attaque. La citation a été remise à une personne physique au siège de la radio. « Écartez cette exception », plaide-t-il. Pour Me Harouna Kéïta, la saisie du tribunal le 27 mai 2019 suspend le délai de prescription. « Nous sommes dans le délai. La citation a été déposée le 27 mai au parquet. Les faits ont été commis le 27 février », déclare Mamadou Gaoussou Diarra. Selon lui, Sax a été régulièrement cité et il n’y a pas de lien entre l’affaire pendant en commune IV et le procès en diffamation. « À ma connaissance, il n’y a pas de mention de diffamation dans le dossier en commune IV », ajoute Me Diarra avant de demander au tribunal d’écarter toutes les exceptions. Pour Me Bathily, la procédure ne s’intéresse pas à la seule diffamation mais aussi à la disparition de Birama Touré.

Selon l’avocat ivoirien, Me Takoré, venu étoffer la défense de Karim Kéïta, il ne peut pas avoir de sursis à statuer parce que la seule convocation n’apporte pas la preuve de lien entre les deux affaires.

« La vérité, c’est aussi le respect des règles de la procédure. J’ai l’impression qu’on est déjà rentré dans le fond. J’ai appris beaucoup de choses. Je pense avoir renouveler mes études en droit », souligne le procureur de la république. La comparution du prévenu, dit-il, est la preuve qu’il a reçu la citation.

Le problème de citation est un faux problème, précise le parquetier qui jette un coup sur son ordinateur portable. « Quand la loi est claire, on n’interprète pas », déclare-t-il. Le délit de presse n’a aucun lien avec la procédure suivie devant la Hac. Selon lui, la prescription ne veut pas intervenir à ce stade des débats.

Le procureur de la République conteste l’évocation de l’article 44 de la loi portant régime de presse et délit de presse par les avocats de la défense. C’est au prévenu, affirme-t-il, d’apporter la vérité des faits diffamatoires. Il demande aux avocats de la défense de lui apporter une disposition législative qui dit qu’il faut préalablement saisir la Hac un tribunal en matière de diffamation. La vérité des faits diffamatoires incombe au prévenu et non au plaignant, insiste-t-il.

Pour Me Ben Touré, l’article 44 interdit d’apporter la preuve quand c’est une procédure en cours devant une juridiction. «Vous ne pouvez pas statuer monsieur le juge. La loi vous interdit de statuer. Personne ne peut nier que la disparition fait l’objet d’une instruction devant le tribunal de la commune IV. Le sursis à statuer est impératif », plaide-t-il. Selon Me  Harouna Keita « la convocation ne peut pas servir de sursis à statuer. Cette procédure est une insinuation ». Me Mohamed Ali Bathily déclare que « même la rumeur peut fonder la religion du juge en matière pénale».

Le Président Zoumana Bouaré a mis l’affaire en délibéré pour ce mercredi 17 juillet.

Chiaka Doumbia

 

Ils ont dit 

Me Mohamed Ali Bathily, avocat de la défense

« On n’est pas dans le procès pour rechercher la vérité des faits contre Karim Keita »

« On doit éviter les amalgames. On n’est pas dans le procès pour rechercher la vérité des faits contre Karim Keita. Pas du tout. Karim est un plaignant, un citoyen qui a estimé que des propos qui lui ont été adressés portent atteinte à son honneur et à sa dignité. C’est son droit le plus absolu de le faire. Toute la question pour moi est de savoir ceux-là qui sont astreints devant le juge pénal aujourd’hui ont des raisons pour être exonérés de l’application de la loi sur la diffamation. Ce n’est pas n’importe qui. Ce ne sont pas des citoyens lambda, ce sont des organes de presse. On est en fait dans la problématique de la liberté de la presse et de l’exercice du droit d’informer. C’est cela qu’il faut juger et non autre chose.  Pour moi, mon client bénéficie d’un fait justificatif. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas tenu des propos, si les faits justificatifs ont pour effet de neutraliser l’élément légal de l’infraction pour l’empêcher de développer ses effets…

Me Kalifa Yaro, avocat de la partie civile « Nous nous sommes engagés à démontrer un à un, point par point, toutes les exceptions»

«Nous sortons de cette audience assez sereins. Nous sommes très confiants c’est-à-dire que  l’affaire a été mise en délibéré sur les exceptions qui ont été soulevées. Nous nous sommes attelés à démonter un à un, point par point, toutes les exceptions. Dans son réquisitoire, le ministère public nous a totalement et intégralement suivis en disant qu’on avait, bien évidemment raison par rapport à la situation. Maintenant le tribunal a jugé nécessaire de mettre l’affaire en délibéré. On verra la suite.

Nous abordons la suite avec assez de confiance, assez de sérénité. Il n’y a pas de raison de douter de quoique ce soit, le tribunal est dans son rôle. Il est en train de faire son travail. Aussi, nous sommes engagés à venir démontrer que les allégations, les éléments qui sont portés devant ce tribunal  sont des faits diffamatoires, donc attentatoires à la dignité et à l’honneur de notre client. Nous allons le démontrer ».

 

Lutte contre la corruption au Mali : Le sulfureux rapport qui dérange la Primature !

Déposé depuis mars 2018, le dernier ‘’Rapport du Comité de suivi et d’évaluation des recommandations des états généraux sur la corruption’’ dérange le cabinet du Premier ministre. Le Président de Comité de suivi d’évaluation refuse la demande de modification du document exigée par la Primature.

Dans le cadre de la mise en œuvre de son projet «Amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption» financé par son partenaire Diakonia, le Réseau Plaidoyer et Lobbying (RPL) a organisé le 27 juin 2019 à la Cité des Enfants de Bamako, une journée d’évaluation avec les acteurs de la société civile du Plan d’action 2014-2018 du Comité de suivi des états généraux sur la corruption. Le principal animateur de cette journée était Boubacar Coulibaly, Président dudit comité.

De l’intervention de M. Coulibaly, on retient que le Comité de suivi et d’évaluation et le cabinet du Premier ministre ne soufflent pas dans la même trompette quant au contenu du dernier ‘’Rapport d’évaluation des recommandations des états généraux sur la lutte contre la corruption’’. Déposé depuis mars 2018, ce rapport fait l’état de trois des 104 recommandations de ses assises tenues en 2009. Il s’agit de la situation des véhicules de l’Etat, la situation des bâtiments loués et la suspension des cadres soupçonnés de corruption. Une liste de 1500 véhicules appartenant à l’Etat a été communiquée au Comité de suivi par la Direction Générale de l’Administration des Biens de l’Etat (DGABE) y compris l’ancien véhicule de commandement du Président Modibo Kéïta. Le Comité de suivi a mené ses propres enquêtes au niveau des services compétents du ministère des Transports et de la Douane. Il ressort que l’Etat dispose de 3. 500 véhicules en réalité, sans compter ceux de l’armée. On y dénombre quelque 200 Toyota V8, dont le prix moyen est de 60 millions FCFA l’unité. Il a été constaté que 130 véhicules n’avaient plus de clés et que l’achat de nouvelles clés a coûté au contribuable malien plus d’un million de nos francs !  Le coût d’entretien des véhicules est estimé à environ 1. 4 milliard. Et cela pour neuf (9) mois !

Introduction des modules sur la corruption dans les programmes d’enseignement

Ce rapport, dont la Primature refuse la publication, fait aussi l’inventaire des bâtiments loués par l’Etat. Il s’est aussi intéressé à la suspension des cadres de l’administration soupçonnés de corruption. Le document fait des propositions concrètes pour la responsabilisation des cadres de l’administration publique dans la gestion des biens de l’Etat. Il propose également à l’Etat de cesser les achats de véhicules, d’en accorder juste deux   aux ministres de la République et d’allouer des indemnités aux autres cadres de l’administration en lieu et place de véhicules.

Le cabinet du Premier ministre invite le Comité de suivi à revoir son rapport qui ne serait pas dans le format indiqué. Ce que refuse le Président du Comité de suivi du plan d’actions des recommandations des états généraux sur la corruption au Mali qui a perçu les injonctions comme une insulte. « La Primature a demandé des modifications sur notre rapport. Ce que nous avons refusé. Le rôle du Comité ne peut pas se résumer au suivi des recommandations. Cela est réducteur», a précisé Boubacar Coulibaly.

Cet auditeur ne comprend pas le refus du gouvernement d’introduire dans les programmes d’enseignement des thèmes sur la lutte contre la corruption et la délinquance financière. «Je compte sur votre plaidoyer pour l’introduction des modules sur la corruption dans les programmes d’enseignement. C’est une nécessité. Il faut mettre l’accent sur la formation des jeunes», a-t-il ajouté.

Selon lui, ceux qui corrompent ne dépassent pas 10% de la population. «Le reste de la population subit la corruption. Nos populations sont extorquées. Elles sont des victimes de la corruption », a-t-il laissé entendre avec la ferme conviction que c’est la minorité organisée qui est dans la corruption.

Chiaka Doumbia

Source: Le Challenger

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