Au Mali, on aura tout vu. A Daoudabougou, une foule enragée a lancé une lutte implacable contre les bars dans un pays laïc. Les bars « Sam », « Albatros », « Bella », « Biton », « Grande muraille »…ont été saccagés et entièrement brûlés. Faut-il vraiment casser les bars pour que les musulmans sachent que les boissons alcoolisées sont interdites par l’Islam ? A-t-on vraiment besoin de casser les bars dans un pays dont 95% de la population prient au moins cinq fois par jour ? Un musulman dont la foi en Dieu ne peut pas l’empêcher d’aller dans un bar est-il vraiment un bon musulman ? Si tu ne bois pas, est-ce une raison suffisante pour toi de casser le comptoir de ceux qui vivent de la vente d’alcool ? Que nenni !
En effet, les responsables du Haut conseil islamique du Mali (HCIM) doivent s’assumer face à de telles dérives qui n’honorent pas l’Islam malikite tolérant qu’ait connu ce pays depuis le 11ème siècle. Pays millénaire, le Mali traverse l’un des moments les plus difficiles de son histoire, où son existence est même menacée. Alors, ne cherchons pas midi à quatorze heures. Au Mali, nous continuons à nous glorifier de nos grands empires (Ghana, Sosso, Manden,…) et de nos grands royaumes (Massassi de Kaarta, Bamanan de Ségou,…). Or, toutes les décisions importantes qui engageaient l’avenir des citoyens sous le règne de nos rois et de nos empereurs étaient prises autour du “dolo”, c’est-à-dire la boisson traditionnelle fermentée. Qu’on nous dise aujourd’hui, connaissant les conséquences de l’abus de l’alcool, qu’il faut modérer la consommation et autres, OUI. Mais aller dans une république laïque, casser les bars des opérateurs économiques n’est plus du religieux pacifiste ou du religieux tolérant dans la mesure où l’interdit n’est pas de mise dans les autres religions pratiquées dans le pays.
Ne serait-ce pas contre la liberté des citoyens ? Ne dit-on pas que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ? La solution serait peut-être d’exiger qu’on ne vende pas de boissons alcoolisées aux musulmans ou mieux encore, qu’on ne construise pas de bars à proximité des lieux de culte musulman. Si le HCIM pouvait plaider cela auprès des autorités compétentes, le problème serait résolu sans utiliser la violence. Mais donnez-nous d’abord les statistiques sur les tenanciers des bars, la religion des promoteurs immobiliers qui louent aux tenanciers, la religion des employés de ces bars, le nombre de familles musulmanes qui vivent des salaires et bénéfices de ces bars. Un pauvre ne peut pas boire au Mali. Allez donc chercher ailleurs le mal du Mali. Combien de musulmans sont consommateurs d’alcool au Mali ? Vous pensez que prendre les femmes des autres, jeter le mauvais sort sur son frère ou sur son voisin sur commande et payant honorent encore ce pays ?
Si l’alcool est interdit par l’Islam, je pense que le fervent fidèle, quelles que soient les tentations, c’est-à-dire le nombre de bars et autres, respectera les préceptes de sa religion. Et c’est justement en narguant cette situation que sa foi sera davantage raffermie. Laissez les non-musulmans, en tout cas ceux qui boivent avec modération, vivre leur vie sans être inquiétés. Et ce qu’il faut noter, c’est que depuis que les musulmans se sont mis à boire de l’alcool, son prix a subitement augmenté et il en est de même pour la viande du porc. Que chacun prenne ses responsabilités et qu’on évite d’empoisonner la vie des autres car, il y a plus urgent et plus important à faire pour la sécurité et le développement de notre cher Maliba.
Comment expliquer qu’à la veille des fêtes musulmanes, il y a pénurie d’alcool dans les bars à Bamako ? Quelle est la place de la vente d’alcool dans les recettes fiscales du Mali (douanes, affaires économiques, Impôts,…)?
Comment ceux qui ont cassé ces bars vont-ils continuer à regarder sur les chaînes satellitaires les matchs de football de la CAN ou de la “Champion’s League” parfois sponsorisés par “Flag”, “Heineken”,…?
Comment ceux qui ont cassé ces bars ne peuvent-ils pas interdire à leurs familles de suivre les feuilletons “Novelas” dans lesquels on fait outrageusement la promotion de l’alcool et du sexe ?
Comment ceux qui ont cassé ces bars vont-ils accepter d’aller mourir dans la Méditerranée en vue de se rendre dans des pays fabricants d’alcool et producteurs de viande de porc ? Voilà autant de questions qui ont leur pesant d’or. Alors, de grâce, arrêtons ces dérives qui ne nous honorent pas et n’honorent pas l’Islam malikite tolérant que ce beau pays a connu jusque-là !
Aliou Touré
Le Démocrate