Le juge Zoumana Bouaré du tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako a rendu son verdict, hier, mercredi 17 juillet 2019, dans l’affaire opposant le député Karim Kéita, non moins fils du président de la République du Mali, aux journalistes Adama Dramé, directeur de publication de l’Hebdomadaire «Le Sphinx» et Mamadou Diadié Sacko (Saxe), promoteur de la Radio Futurs Médias (RFM), poursuivis pour «diffamation» et pour « complicité de diffamation». Statuant publiquement et contradictoirement en matière correctionnelle sur citation directe, le tribunal reçoit la nullité de la citation directe demandée par les avocats des journalistes et a procédé par conséquence à la nullité de la procédure.
Le prétoire du tribunal de la commune III était plein comme un œuf, hier, dans la matinée. Et pour cause, l’affaire opposant le député Karim Kéita, non moins fils du président de la République du Mali, aux journalistes Adama Dramé, directeur de publication de l’Hebdomadaire «Le Sphinx» et Mamadou Diadié Sacko (Saxe), promoteur de la Radio Futurs Médias (RFM), poursuivis pour «diffamation» et pour « complicité de diffamation » était inscrit au rôle. Les journalistes et sympathisants des journalistes Mamadou Dadie Sacko dit Saxe et Adama Dramé ont fait massivement le déplacement au tribunal de la commune III. Dramé étant Paris (France), c’est Saxe qui était à la barre. Contrairement à la précédente audience où les débats ont duré quatre heures de temps, celle d’hier n’a pas dépassé 5 minutes.
Aussitôt installé, le juge Zoumana Bouaré du tribunal de la commune III a donné son verdict sur les exceptions soulevées par les avocats de la défense c’est-à-dire les avocats des journalistes (Dramé et Saxe). Statuant publiquement et contradictoirement en matière correctionnelle sur citation directe, le juge Bouaré a fait savoir que le tribunal reçoit la nullité de la citation directe demandée par les avocats des journalistes et procède par conséquence à la nullité de la procédure au regard de l’article 61 de la Loi 00-046 AN RM, du 07 juillet 2000, Portant régime de la presse et délit de presse qui stipule que « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et devra être notifiée tant au prévenu qu’au Ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite ».
Après le verdict du juge, les avocats de la défense ont exprimé leur satisfaction. « Le droit a été dit. On est en matière pénale dont les interprétations sont strictes. L’article 61 de la loi sur la presse qui dit que la citation directe doit être servie au prévenu mais dans le cas d’espèce ça été servie au directeur de l’organe médiatique de Saxe. Donc ça n’a pas été servi au prévenu, c’est ce que le juge a retenu et il a annulé toute la procédure. On est satisfait parce que la loi a été dite. La poursuite est annulée comme ça », a déclaré Me Adama Sidibé, avocats de la défense. Les avocats de la partie civile, de Karim donc, n’écartent pas d’éventuel recours. « Il faut comprendre par ce verdict que le tribunal a seulement annulé en la forme notre citation directe. Donc on n’est pas entrée dans le fond de l’affaire. C’est tout a fait sereinement que nous accueillons ce verdict et nous attendons que le juge nous déroule les différentes motivations sur le fondement desquels il a annulé la citation directe », a souligné Me Kalifa Yaro de la partie civile.
A la question de savoir s’ils vont faire appel, Me Yaro a fait savoir que cela dépendra des motivations qui seront consignées dans le jugement en ADD « un jugement Avant Dire Droit » qui vient d’être rendu. Pour lui, l’argument concernant l’article 61 de la Loi 00-046 AN RM, du 07 juillet 2000, Portant régime de la presse et délit de presse que le tribunal s’est focalisé est discutable. «Nous avons été ici à mesure de produire tous les éléments de preuve qui montrent que la citation directe remplie toutes les exigences contenues dans la Loi 00-046 AN RM, du 07 juillet 2000, Portant régime de la presse et délit de presse notamment la prise en compte des délais francs parce qu’en matière de citation, le délai se compte de quantième en quantième. Les faits diffamatoires ont été portés en notre connaissance le 27 février et trois mois après, soit le 27 mai 2019, nous avons porté notre citation directe mais maintenant, un des prévenus prétend qu’il a reçu 10 jours après. Maintenant, nous attendons la façon don le tribunal a motivé ce jugement pour voir si on va entrer en matière de recours », a dit Me Yaro.
Saxe: «Quelqu’un qui n’a pas gagné dans la forme ne peut pas gagner au fond»
Désormais libre comme le vent, débarrassé de toute poursuite, le journaliste Mamadou Diadié Sacko dit Saxe, promoteur de la Radio Futurs Médias (RFM), a indiqué que la presse est régie par une loi spéciale. Et d’ajouter qu’il va falloir que les gens cherchent à savoir dans quel cadre l’exercice ce métier est fait. Selon lui, le juge a compris que la citation directe ne peut pas prospérer. «Quelqu’un qui n’a pas gagné dans la forme ne peut pas gagner au fond. Nous attendons le procès de Birama Touré et on est en train de se battre. Du moment qu’il y a une information en cours en commune IV, qu’on conjugue les efforts pour que notre confrère nous soit rendu ou bien qu’on nous dit s’il est mort », a-t-il dit. Enfin, il dira que le renforcement de la démocratie passe par le respect des lois.
Pour rappel, lors de l’audience du mercredi 10 juillet 2019, les avocats de la défense, c’est-à-dire les avocats des journalistes, avaient soulevé plusieurs exceptions. Parmi ces exceptions, les avocats estiment que la citation directe contre leurs clients n’a pas respecté les règles de procédure. En outre, ils trouvent que la HAC (Haute autorité de communication) n’a pas été saisie. Enfin, ils évoquent que la même affaire est pendante devant le tribunal de la commune IV de Bamako. Me Abdourahamane Ben Mamata Touré de la défense signalait que 61 de la Loi 00-046 AN RM, du 07 juillet 2000, Portant régime de la presse et délit de presse n’a pas été respecté. L’Article 61 indique que « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et devra être notifiée tant au prévenu qu’au Ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite ». Dans le cas d’espèce, Me Mamata Touré précise que la citation directe n’a pas été remise au prévenu (Saxe) lui-même mais à quelqu’un d’autre. Au regard de tout cela, Me Touré a demandé au juge de déclarer la nullité de la procédure. Ce qui fut fait par le juge.
Karim Kéïta, le « fiston national », comme aime l’appeler la presse nationale, a été plusieurs fois cité par des journaux maliens(Le PAYS, Le SPHINX) et un journal français (l’Express) dans l’affaire de la disparition mystérieuse, il y a de cela plus de quatre ans, du journaliste malien Birama Touré. En effet, Birama Touré, anciennement journaliste au journal Le Sphinx, a été déclaré disparu par sa famille depuis le vendredi 29 janvier 2016. A l’annonce de sa disparition les associations de presse, les journalistes, se sont mobilisés pour le retrouver. Malgré l’ouverture d’une enquête, qui avance à pas de tortue, et la mobilisation de ses confrères pour le retrouver, Birama Touré reste toujours sans nouvelle.
Aguibou Sogodogo
Le Républicain