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Entretien avec Mohamed Amara, Docteur en sociologue, Enseignant-chercheur : « Écrire, c’est un moyen pour moi de contribuer à voir et à comprendre ce Mali mis à mal par la pauvreté, la mal gouvernance… »

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Inspiré du vécu quotidien

Après avoir écrit et publié ses deux premiers livres chez L’Harmattan, L’Automédiatisation, une autre forme de communication sociale (2013; et Le Mali rêvé (2015), le chercheur Mohamed Amara ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin. L’appétit vient en mangeant, les premiers livres ont bien marché, entrainant des invitations pour des conférences dans les régions du Mali et à l’extérieur dans des pays de la sous-région. Sur cette lancée, le troisième livre se recommandait d’office, dans la pure dynamique des deux précédents, qui ont suscité beaucoup d’intérêt chez les lecteurs, qui n’attendent pas se faire conter, et même chez les illettrés qui savent écouter, puisqu’il est question du Mali, de sa vie de tous les jours, de son vécu avec l’insécurité, « en tant qu’enseignant chercheur j’ai fait le constat des attentats sans cesse, on ne peut pas voyager librement dans certaines localités et régions », cela m’a inspiré bien des thèmes, a expliqué l’écrivain malien Mohamed Amara.

Ces thèmes concernent aussi la micro finance, celle des ménages, mais il est également question de macro-économie, celle de l’Etat, où certains cadres véreux n’ont cure de piocher et d’empocher les quelques milliards des fonds publics destinés à sortir le pays du gouffre de feu, distillés et rapportés dans les rapports annuels du Vérificateur général, ou dans les radar des nombreuses autres structures de contrôle et de vérification qui pullulent l’administration malienne sans effet contraignant sur la corruption. « MARCHANDS D’ANGOISSE, Le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être », le troisième livre de Mohamed Amara s’inscrit dans cette même dynamique, avec des constats cinglants, des exemples frappants tirés du vécu dans le Mali profond, et dans la capitale Bamako ; dans les services, les hôpitaux du Mali, dont certains sont devenus plutôt des mouroirs, auxquels tentent de se substituer des cliniques privés, sans contrôle de qualité de l’Etat sur ces dernières.

Le narco-terrorisme, la corruption et l’équation du développement économique et social, sont des sujets évoqués dans le présent livre, avec des questionnements en termes de perspectives, des critiques, mais aussi des pistes de solutions. Les communautés qui ont toujours coexisté, s’entredéchirent- les causes externes, influences djihadistes ne sont pas à exclure mais – les époques ont changé, il faut une meilleure gestion des ressources foncières, pour venir à bout de cette crise multidimensionnelle (à la fois politique économique et social). Il faut freiner les replis identitaires, en utilisant l’arme du dialogue ; il faut également renforcer la sécurité et favoriser la justice pour sanctionner les fautifs.

Le Mali tel quel

Ainsi ce livre permet de poursuivre la réflexion engagée dans les deux premiers. Cette réflexion qui ne finit pas avec les discussions de ‘’grin’’ qui meublent les temps libres et les nuits à Bamako, mais qui se matérialise et prend forme à travers l’écriture d’un livre. « Les gens, la plupart du temps sont préoccupés par leurs activités quotidiennes, souvent à la quête de quoi tenir la marmite, s’il y a d’autres qui s’organisent, qui sont disposés pour cette réflexion, je pense qu’il faut le faire », soutient l’auteur.

Au Mali on est généralement dans les débats de ‘’grin’’, mais cela n’est pas suffisant pour construire, « il faut à travers un support, poser des actes concrets par rapport à un sujet concret, comme les ordures dans nos villes, les conflits entre communautés, le narco terrorisme… ». Ce n’est de s’opposer aux discussions de ‘’grin’’, où chacun vient dire ses vérités, où on se croit toujours meilleur, mais de savoir qu’il est bon de se remettre en cause et de savoir qu’on n’a pas toujours raison.

Pour l’écrivain, Mohamed Amara, écrire sur le narco trafic, la corruption, les trafics illicites, est un moyen pour lui, de « contribuer à voir et à comprendre ce Mali mis à mal par la pauvreté, la mal gouvernance, l’inégalité devant l’administration, l’injustice etc. ». Mais les causes du drame malien ne sont pas qu’internes, il y a des aspects de géopolitique importants à l’origine, comme l’intervention de l’Otan en Libye, même s’il y a des responsabilités maliennes aussi, explique Mohamed Amara. Au Burkina Faso, aujourd’hui, on s’interroge, « qu’est ce qui nous arrive ». Des otages qui sont enlevés ailleurs et qui arrivent chez eux.

Dans ce panorama de chao et d’interrogation, écrire est une « question de responsabilité individuelle et peut être collective plus tard », chacun apportant sa contribution, jouant sa part de devoir, comme il peut, commente Mohamed Amara.

« Dans ma tête, je dis qu’en écrivant un livre, je fais ce que je dois faire, et je me réjouis d’avoir fait ma part même si ce n’est pas suffisant », dit modestement le chercheur au centre Max Weber de l’Université Lyon 2 (Equipe de Travail, Institutions, Professions et Organisations).

Le thème majeur du livre « MARCHANDS D’ANGOISSE, Le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être » est le narco terrorisme avec la criminalité organisée. Il s’agit du trafic de drogue (en atteste air cocaïne) qui échappe au contrôle de l’Etat et qui nourrit le terrorisme. C’est le premier sujet sur lequel le livre est basé et qui ouvre sur les sujets de corruption avec les rapports du Vérificateur général.

Les rapports entre la France et le Mali tout comme ceux entre l’Afrique et la France, empreints d’inégalité entre les deux Etats partie, faussant forcement le jeu de partenariat, trouvent une place de choix dans les sujets abordés par le livre de Mohamed Amara. Le livre aborde également la question de développement économique et social : l’état de délabrement de nos hôpitaux. Bref, un livre sur le Mali, à lire absolument !

Daou

Source: Le Républicain

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