Le scandale sur l’achat des hélicoptères de l’armée de l’Air provoque de nombreuses réactions. Ainsi, Le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) interpelle le chef de l’Etat, afin que toute la lumière soit faite sur cette nouvelle affaire aux relents de magouilles et de détournements des fonds destinés à l’équipement des forces armées.
En effet, dans le cadre du renforcement des capacités des forces armées maliennes (Fama), une loi d’orientation et de programmation militaire a permis l’acquisition de plusieurs équipements militaires dans des conditions obscures. Il s’agit notamment de l’achat d’un hélicoptère super PUMA d’occasion en Irlande et payé en espèces à près de 3,5 milliards de F CFA qui s’est vite trouvé cloué au sol, malgré l’achat de pièces de rechange à hauteur de 3 milliards de franc CFA.
Un second Super PUMA avait été acquis à 3,9 milliards de F CFA auprès d’Airbus. Mais les termes et les conditions de ce contrat sont « inconnues » et un cabinet d’audit écrivait que « le document du contrat est tout simplement illisible ».
Ainsi, le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), s’inquiétant et s’indignant de l’ampleur des scandales financiers et leurs répercussions sur la survie de la nation, publié une déclaration dans laquelle le groupement politique interpelle vivement le pouvoir sur ce nouveau scandale. En effet, le FSD estime que : « Il a oublié de préciser que les deux Super Tucano achetés ne sont également pas opérationnels faute de viseurs.
Le président de la Commission Défense de l’Assemblée nationale, le député Karim Keïta, saisit l’occasion d’un colloque à Paris pour confirmer et renchérir, en des termes sans équivoques que lesdits hélicoptères « ne peuvent plus voler, ça marchait au début mais vraisemblablement on a un problème d’entretien depuis l’achat, je me demande si, on n’a pas été floué à l’achat ».
Que le Mali ait été floué, cela ne semble faire l’objet d’aucun doute. Que ceux qui ont initié les procédures d’achats et qui ont la charge de défendre les intérêts de la nation, annoncent de façon aussi désinvolte que les équipements de l’armée en temps de guerre, ont été compromis, demande plus d’explications devant la nation ».
En effet dans un passé récent, poursuit la déclaration, des faits avérés de surfacturation de matériels et d’équipements militaires avaient été dénoncés par le Fonds Monétaire International en 2014 et attestés par le Rapport du Vérificateur Général sur l’achat des équipements militaires et de l’avion présidentiel.
« Aujourd’hui, faut-il le souligner de forts soupçons de détournements, de surfacturations, d’escroquerie dans la passation des contrats d’achat des hélicoptères PUMA, comme des avions « Super Tucano » pèsent sur le régime IBK », souligne-t-il. Le Front pour la sauvegarde de la démocratie ajoute : « Ainsi, de l’achat des aéronefs et d’autres matériels et d’équipements militaires, à la formation des pilotes, un vaste réseau de spoliation des ressources dégagées pour la mise en œuvre de la loi de programmation militaire, impliquant, généraux, ministres et proches collaborateurs et parents du chef de l’Etat a été mis en place ».
« De graves et dramatiques conséquences en ont découlées pour la nation : aggravation de l’insécurité, des centaines de victimes civiles et militaires tuées dans diverses attaques en raison de l’impuissance d’une armée nationale déterminée mais sans équipements adaptés à la nature des conflits.
Quels sont les responsables de ces tragédies ? Quels sont ceux qui les portent sur leurs consciences ? », s’interroge le FSD.
Par ailleurs, le FSD, analysant l’ampleur des scandales financiers et leurs conséquences sur la survie de la nation, prend à témoin l’opinion nationale et internationale pour : Exiger du Chef de l’Etat, chef suprême des Armées, dont l’avion n’est jamais cloué au sol pour des questions de maintenance, de fournir toutes les explications et éclairages sur les contrats d’équipements et de matériels militaires ; exiger également du Chef de l’Etat, la mise en place d’une commission nationale, indépendante d’enquête, sur les contrats militaires conclus dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire. Aussi le FSD : s’engage résolument à mener le combat pour faire la lumière sur les scandales de détournement des ressources publiques en général et en particulier sur les spoliations des ressources de l’Armée en ce temps de guerre…
Mohamed Sylla
Encadré
Retour sur les scandales sous l’ère IBK
En cinq ans et dix mois de mandat, les scandales financiers se sont multipliés sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta. Malheureusement, ils sont tous restés impunis. Retour sur certaines affaires sulfureuses du premier mandat.
Achat de l’avion présidentiel : la casse du trésor public
Alors que la présidence malienne disposait déjà d’un avion Boeing (727) en bon état et dont l’assurance contractée auprès de l’assureur londonien, Allianz, avait été renouvelée jusqu’en 2015, IBK fait acheter en 2014 un Boeing 737 dont personne ne sait à présent le prix exact. Des montants allant 18 milliards F CFA à 20 milliards F CFA ont été avances… Une opération des plus opaques qui s’effectue via une société écran basée à Aruba, un paradis fiscal des Caraïbes (Mali BBJ Limited) et qui justifie le versement d’une commission de 1,4 milliard de F CFA. A cela s’ajoute un contrat de maintenance de 3 milliards de F CFA par an signé avec la société Jet Magic Limite. Cet achat s’est effectué hors de toute inscription budgétaire, à la suite d’un montage financier opaque de type mafieux mêlant sociétés-écrans et hommes d’affaires douteux. Le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale étaient sortis de leur réserve pour exprimer leur mécontentement. Le Bureau du Vérificateur général a été commis par le FMI pour auditer cette affaire, ainsi que la section des comptes de la Cour suprême par le gouvernement malien. Les rapports de ces deux structures de contrôle sont accablants des surfacturations comprises entre 29 milliards et 38 milliards sont décelées. Pis, aujourd’hui encore, nul ne sait si l’avion appartient au Mali.
Scandales autour d’achat d’équipements militaires
Au même moment, était révélée aux Maliens et au monde entier la nature d’un marché de gré à gré de 69 milliards de F CFA attribué, en violation des règles des marchés publics, à un proche de la famille présidentielle, Sidi Mohamed Kagnassy, directeur général de la société Guo-Star Sarl et promu aussitôt conseiller spécial du président. Avec l’avenant, le marché a finalement porté sur 108 milliards de F CFA. Le fait que le marché soit attribué de gré à gré est un piétinement flagrant des principes élémentaires de passation de marché public. Pire, dans le même contrat, les Maliens apprendront que le ministre des Finances de l’époque, Mme Fily Bouaré, a couvert ce marché par une garantie de 100 milliards de francs CFA. Des personnalités, avaient profité de ces affaires pour se livrer à des surfacturations dont seules les Républiques bananières ont le secret.
Bien d’autres marchés de ce genre existent, surfacturés et couverts par l’impunité. En avril 2016, le gouvernement a remis au MOC (Mécanisme opérationnel de coordination) 42 véhicules destinés aux patrouilles mixtes. La presse a rapporté que lesdits véhicules ont coûté à l’État 2, 300 milliards de F CFA, soit plus de 50 millions l’unité. Le Parena (Parti pour la renaissance) a publiquement critiqué ce marché et sollicité l’intervention des pouvoirs publics pour sauver l’argent public. En vain!
Détournements sur le dos de l’armée
En février 2018, la Cour suprême avait condamné l’Etat à payer plus de 20 milliards de F CFA à un fournisseur de l’armée. Aujourd’hui encore de nombreuses questions sont posées autour de cette affaire et surtout de cette décision judiciaire qui profite à des gens soupçonnés de surfacturation. Comme si cela ne suffisait pas, le mercredi 25 avril 2018, lors d’une conférence de presse, le Parti pour la renaissance nationale (Parena) fait état de détournements et de magouilles à grande échelle dans l’achat d’hélicoptère et d’avions de combat pour l’armée malienne.
Les Maliens “ont le devoir de s’interroger sur la vraie destination des centaines de milliards votés par l’Assemblée nationale pour mettre l’armée dans les conditions” pour faire face à la menace djihadiste, a déclaré le Parena, en référence à la loi quinquennale de programmation militaire adoptée en 2015, d’un montant de 1.230 milliards de F CFA (1,875 milliard d’euros). Ainsi, dans un document étoffé, le leader du Parena s’est en particulier interrogé sur l’exécution d’un contrat signé en juin 2015 au salon du Bourget (France) avec l’entreprise brésilienne Embraer pour la vente de six avions de combat A-29 Super Tucano.
La société s’apprête “à livrer quatre appareils”, a-t-il indiqué, ajoutant : “Où sont donc passés les deux autres avions?”. Il a également dénoncé les conditions d’achat de deux hélicoptères Super Puma, dont un d’occasion, en espèces. Selon lui, exigeant que le président Ibrahim Boubacar Keita rende publics des rapports attestant de détournements des dépenses militaires. Le rapport a aussi mis en exergue des disfonctionnement au niveau de la formation des pilotes. La formation d’un pilote, selon des experts américains se situe entre 20 et 35 millions de F CFA. Mais, selon le document du Parena, le Mali a signé un contrat de 3,78 milliards de F CFA pour la formation de 15 pilotes. Ce qui fait que la formation de chaque pilote est facturée à 250 millions FCFA…
L’Aube