Au moins 43 personnes ont été tuées lundi en Syrie dans des raids aériens sur la province d’Idleb, l’écrasante majorité dans des frappes contre un marché imputées à Moscou, le régime pilonnant depuis trois mois avec son allié russe cette région du nord-ouest.
Les bombardements dans la ville de Maaret al-Noomane ont fait 37 morts sur un marché de légumes et un secteur résidentiel attenant, dont 35 civils et deux personnes non identifiées, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). L’ONG a pointé du doigt l’aviation russe, mais Moscou a démenti toute implication.
Dans cette ville, des secouristes des Casques blancs aidés par des habitants évacuaient des blessés couverts de sang, les transportant à bout de bras ou sur des matelas transformés en civières de fortune, a constaté un photographe collaborant avec l’AFP.
Un homme gisait sans vie sur la chaussée couverte de décombres, au milieu d’un paysage de ruines. Le visage couvert de poussière grise, un blessé était escorté par deux hommes qui le tenaient par les bras. D’autres habitants fuyaient la zone, portant des enfants, souvent pieds nus, selon le photographe.
Le régime du président syrien Bachar al-Assad et son allié russe ont intensifié depuis fin avril leurs bombardements sur la province d’Idleb et sur des zones adjacentes dans les provinces limitrophes d’Alep, de Hama et de Lattaquié.
Cette vaste région du nord-ouest échappe toujours au contrôle du régime et reste dominée par les jihadistes du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda). D’autres factions rebelles et jihadistes y sont présentes.
Lundi, six civils ont aussi été tués dans des raids du régime syrien sur la localité de Saraqeb, selon l’OSDH, qui dispose d’un vaste réseau de sources dans le pays en guerre.
Les bombardements ont fait plus d’une centaines de blessés dans les deux villes, d’après la même source.
– “Conditions dramatiques” –
L’OSDH détermine les auteurs des raids à partir du type d’avion et des munitions utilisés, du lieu de la frappe et des plans de vol.
L’armée russe a démenti avoir mené des raids sur Maaret al-Noomane, dénonçant des accusations des Casques blancs, les secouristes en zone rebelle, qui ont par ailleurs rapporté la mort d’un de leurs bénévoles dans ces frappes.
“Les déclarations de représentants anonymes de l’organisation des +Casques blancs+, financée par le Royaume-Uni et les Etats-Unis, sur de soi-disant frappes de l’aviation russe sur un marché de Maaret al-Noomane sont fausses”, a déclaré le ministère russe de la Défense dans un communiqué.
Dimanche, 18 civils dont sept enfants ont été tués dans la région d’Idleb dans des raids imputés par l’OSDH au régime et à son allié russe.
Parmi les victimes figure un journaliste citoyen de 22 ans. Anas Dyab, photographe et vidéaste ayant collaboré avec l’AFP, était également un bénévole des Casques blancs.
En près de trois mois, plus de 650 civils ont été tués dans les bombardements sur Idleb, selon l’OSDH, et 330.000 personnes ont fui les violences, d’après l’ONU.
Deux cardinaux du Vatican étaient lundi à Damas pour rencontrer le président Assad. Ils lui ont remis une lettre du pape François, qui a exprimé sa “profonde préoccupation pour la situation humanitaire en Syrie, en particulier pour les conditions dramatiques de la population civile à Idleb”, selon un communiqué du Vatican.
– “Tragédie” –
Cette recrudescence de violence intervient malgré un accord conclu en septembre 2018 entre la Russie et la Turquie, parrain de certains groupes rebelles, visant à éviter à Idleb une offensive d’envergure des forces loyales à Damas.
L’initiative prévoyait une “zone démilitarisée” pour séparer les territoires tenus par les jihadistes et les rebelles des zones gouvernementales attenantes.
“La zone de désescalade est rapidement devenue un des endroits les plus dangereux au monde pour les civils”, a asséné lundi un porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), David Swanson, réclamant un cessez-le-feu pour “mettre fin à la tragédie”.
Pour Sam Heller, du centre de réflexion International Crisis Group, les violences devraient se poursuivre jusqu’à ce que “la Russie et la Turquie arrivent à un accord établissant le calme sur le front”.
De leur côté, les jihadistes et les rebelles tirent sporadiquement des roquettes et des obus sur les régions gouvernementales. Ces tirs ont déjà tué une cinquantaine de civils.
Lundi, sept civils, dont deux enfants, ont péri dans des tirs de roquettes de groupes rebelles et jihadistes sur un village sous contrôle du régime dans le nord de la province de Hama, ont rapporté les médias d’Etat.
Déclenchée en 2011, la guerre en Syrie a fait plus de 370.000 morts et déplacé des millions de personnes.
AFP