Le président du Parti FARE-An Ka Wuli à la ferme conviction que pour une sortie de crise au Mali, il n’y a de solution durable que malienne. Pour Modibo Sidibé, le dialogue et le débat ouverts et publics doivent être remis au cœur d’une action politique rénovée, avec cette urgence à engager un vrai processus inclusif de refondation de l’Etat au regard de l’état d’urgence au Mali. Lisez plutôt !
Le Reporter : Bonjour Monsieur le président, est-ce que vous diriez comme Ticken Jah Fakoly «que le pays va mal» ou comme l’autre «que le Mali avance» ?
Modibo Sidibé : D’abord, nous constatons tous ensemble que les germes véritables d’une crise identitaire, sécuritaire et institutionnelle grave pour notre pays, l’absence de vision et de perspectives d’avenir aggravent les inquiétudes et les incertitudes que ressentent nos compatriotes. Face à ce constat donc, les solutions publiques visibles sont les replâtrages et les faux-fuyants. Lesquels auront vite atteint leurs limites objectives, sans avoir rien apporté à la résolution des problèmes du pays et ce depuis 2013. Non, le pays ne va pas mal, le Mali est en danger et il y a urgence.
Nous voudrions alors savoir comment et/où le Mali avance. Notre pays vit la crise la plus grave, la plus profonde et la plus dangereuse de son histoire contemporaine. C’est cela la réalité. Pour peu, le Mali a davantage sombré au plan social, sécuritaire. Il s’est enfoncé à des niveaux insoupçonnés de violences et d’atrocités, Koulongo, Ogossagou, pour ne citer que ceux-là et aujourd’hui Sobane Da, de conflits intercommunautaires, l’économie criminelle qui s’étend, la détresse des déplacés de plus en plus nombreux, les menaces d’insécurité alimentaire, l’extension au Sahel occidental et dans la sous-région.
Le Reporter : À vous écouter, on peine à dessiner un schéma de sortie de crise !
Modibo Sidibé : Et pourtant, il y en a bien un. La seule exigence de l’heure, c’est de dégager des perspectives solides de sortie de crise, de restaurer la confiance des Maliens de l’intérieur et de l’extérieur en eux-mêmes et en leur Etat. Ceci implique une reprise en main par nous- mêmes, de notre destin commun, parce qu’il n’y a de solution durable que malienne. Aussi le gouvernement et les forces politiques et sociales doivent avoir la lucidité de poser les jalons d’une véritable sortie de crise structurelle de notre pays.
Pour nous, il y a urgence que notre peuple puisse se réunir dans la sérénité, pour parler et se parler, en toute responsabilité, de la base au sommet ; que tous, gouvernants, partis politiques, organisations de la société civile, y compris les organisations féminines, citoyens maliens de l’intérieur du pays comme de la diaspora, nous ayons une conscience claire de l’urgence à mettre en œuvre les décisions courageuses et patriotiques devant permettre aux filles et aux fils du Mali de conjuguer ensemble leurs intelligences et leurs efforts pour sortir le pays de la trappe dans laquelle il est tombé.
Le Reporter : C’est cela que vous appelez la construction d’un agenda du Mali !
Modibo Sidibé : Vous devez savoir que les réformes politiques, institutionnelles et sociales, infrastructurelles et d’aménagement de notre territoire, tout comme les défis démographiques et écologiques, doivent faire l’objet d’une large concertation de l’ensemble des citoyens maliens, résidant au pays et de la Diaspora, en vue de construire une vision commune du Mali de nos espoirs et de nos rêves. Tel est le sens du Dialogue national refondateur : permettre à notre peuple de se réunir pour parler, de la base au sommet, afin de revisiter nos institutions et nos pratiques démocratiques et apporter des réponses endogènes aux maux dont souffre le pays.
Pour nous, le processus qui conduira le Mali à une véritable sortie de crise structurelle, durable et refondatrice ne pourra faire l’économie d’une prise en compte déterminée et d’un traitement de fond de l’ensemble des causalités ayant engendré et alimenté la grave crise que connaît le pays depuis quelques années. Tant que les citoyens sont partie prenante des constructions institutionnelles endogènes dans lesquelles ils se reconnaissent, ils auront le sentiment qu’ils appartiennent véritablement à un ensemble, une nation, parce qu’ils sont considérés et acteurs, parce qu’ils sont protégés où qu’ils soient, parce qu’ils peuvent compter sur un Etat solidaire, efficace et juste.
Le Reporter : Est-ce bien pour cela que vous appelez aussi à des réformes indispensables ?
Modibo Sidibé : Oui, il est temps, vraiment temps d’envisager ensemble, dans la sérénité et dans le respect des principes républicains, une nouvelle légitimation de l’Etat qui s’inscrirait dans le cadre d’une vision partagée du Mali de demain. Sortons des crispations politiques qui n’offrent aucune perspective de sortie de crise. Evitons tout autant les «ententes politiques à l’amiable» qui ne feront qu’aggraver la situation et rendre plus difficile la résolution de la crise. Il est temps que nous nous donnions le temps de penser le Mali, pour le refonder.
Mettons donc à profit notre temps, notre énergie et nos intelligences pour prendre nos problèmes à bras-le-corps, solidairement, sans complaisance et avec la détermination commune d’en venir à bout. Ne vous trompez pas, sans projet, ni lisibilité de l’action politique, encore moins un agenda politique clair et consensuel de sortie de crise, c’est le chemin vers l’inconnue.
Le Reporter : Peut-être pas, Monsieur le président, car face ou contre vous et votre plateforme pour l’élaboration de cet agenda du Mali, il y a un triumvirat, initié et installé par le président IBK, qui s’évertue aussi à «soigner le Mali» de ses grands maux que vous venez d’évoquer. On a l’impression que réunir les Maliens pour le Mali divise autant.
Modibo Sidibé : Non, nous devons sauver l’essentiel, le Mali. Et, il n’y a de solution durable que malienne.
Propos recueillis par Békhaye DEMBELE
Le Reporter