Avec plus de 1000 cas d’AVC par an, le Centre hospitalier universitaire de Gabriel Touré (CHU-GT) a besoin de plus d’équipement et de personnel pour faire face à ce fléau que constituent les AVC. Si des réflexions et actions sont en cours la mise en place d’une Unité neuro-vasculaire pour prendre les AVC à la phase aigüe par la thrombolyse, le Pr a plaidé pour plus d’équipements, de ressources humaines et de formation pour le personnel du service de neurologie qu’il dirige. Le Pr Maïga dit tout sur l’AVC au Mali !
Pr Youssoufa Maïga : je m’appelle Youssoufa Maiga, professeur titulaire de Neurologie à la faculté de médecine d’Odon-stomalogiede Bamako (USTTB). Je suis chef de service neurologie du centre hospitalier universitaire Gabriel Touré de Bamako.Info-Matin : on parle de plus en plus au Mali et surtout dans les structures hospitalières d’AVC. En tant que spécialiste, pouvez-vous nous expliquer cette Maladie ?Pr Youssoufa Maïga : l’AVC veut dire : Accident Vasculaire Cérébral. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit l’AVC comme un dysfonctionnement neurologique brutal et soudain, d’origine présumée vasculaire. C’est une pathologie extrêmement fréquente au Mali à l’instar du reste de la planète. Donc, un dysfonctionnement neurologique de survenue Brutal lié à une atteinte vasculaire. C’est la deuxième cause de mortalité dans le monde. C’est la deuxième cause de handicapacquis dans le monde. C’est la deuxième cause de démence dans le monde après la maladie d’Alzheimer. Il y a des particularités africaines. Les pathologies neuro-vasculaires sont en recrudescence dans notre contexte et sont en passe de dépasser la pathologie infectieuse en termes de mortalité et morbidi
Nous allons dire aux lecteurs qu’il s’agit d’une pathologie qui va endommager les vaisseaux destinés à irriguer le cerveau. Deux éventualités se dégagent : soit le vaisseau se bouche, une éclosion vasculaire cérébrale isthmique (AVCI) ou soit le vaisseau se casse et laisse échapper du sang. C’est ça qu’on appelle un accident vasculaire cérébral hémorragique (AVCH). Dans les deux cas, la conséquence, c’est un dégât de la mort du tissu cérébral.
Info-matin : Quelles sont les tranches d’âge victimes de cette pathologie ?
Pr Maïga : D’abord, il y a beaucoup de facteurs de risque vasculaire. Il ya des facteurs qui sont connus, c’est-à-dire des situations qui prédisposent à la maladie maladie. Nous avons des facteurs modifiables, sur lesquels, nous pouvons jouer et non modifiables sur lesquels, nous ne pouvons pas jouer. Fort heureusement, il y a beaucoup plus de facteurs modifiables que de facteurs non modifiables. Parmi les facteurs modifiables, il y a le tabac ; le diabète ; l’hypertension artérielle (la tueuse silencieuse) ; la sédentarité, l’obésité et je vais insister la consommation du tabac et de l’alcool. Nous n’avons pas insisté sur les facteurs non modifiables qui sont des facteurs sur lesquels, nous ne pouvons pas jouer beaucoup, qui est l’âge et le sexe. Certains types d’AVCsemblent plus important chez l’homme que la femme, mais il faut insister surtout sur les facteurs modifiables que je viens de citer.S’agissant des tranches d’âge, dans la logique l’AVC est une maladie du sujet âgé, mais de plus en plus, surtout dans notre contexte africain, nous voyons la recrudescence de l’AVC chez les sujets jeunes, autrement dit, le sujet en âge d’activités. Donc, l’AVC, au-delà d’un problème de santé publique, devient un problème économique et de développement. Parce que, cette pathologie touche de plus en plus les sujets jeunes. Pour vous dire que selon les statistiques, c’est la première cause d’hospitalisation dans tous les services de neurologie du Mali (au Point G, à Gabriel Touré, à Luxembourg, Hôpital du Mali), l’AVC constitue la première cause d’hospitalisation dans nos services de santé dans les services de neurologie ainsi que dans les services de cardiologie. C’est aussi la première cause d’admission aux urgences du CHU Gabriel Touré après les traumatismes.
Les statistiques notent de manière très claire que cette pathologie atteint les sujets jeunes faisant du coup de cette pathologie, un problème à gérer. Parce qu’au-delà de problème santé publique, c’est vraiment des jeunes en âge d’activités qui sont atteints.
Info-Matin : peut-on savoir les types d’AVC ?
Pr Youssoufa Maiga : il y a deux grands types d’AVC. Il s’agit de l’AVC isthmique qui bouche le vaisseau sanguin et fait souffrir le tissu cérébral. Le sang qui était destiné à nourrir le cerveau est bouché. Donc, le tissu cérébral va souffrir et va avoir comme conséquence, la souffrance de cerveau. Ça, c’est l’AVC ischémique. L’AVC hémorragique, c’est quand le vaisseau se casse. Mais la conséquence sur le plan clinique, c’est quoi ? C’est que quand quelqu’un fait un AVC, il peut y avoir une partie du corps qui ne va pas bouger. Brutalement, la moitié du corps qui va arrêter de fonctionner. L’individu sera incapable de bouger une partie de son corps. C’est-à-dire, l’individu va brutalement perdre le langage. Ensuite, il peut s’agir de trouble de la vigilance allant de la confusion à un coma. L’individu peut aller dans les cas extrêmes de troubles à conscience et tomber d’emblée dans le coma.
Aussi, il peut y avoir d’autres complications comme des troubles sensitifs ou sensoriels (Visuel, odorat, goût, etc. En gros, toute situation d’installation brutale, tout tableau neurologique qui va s’installer de manière brutale et soudain, doit faire penser à un accident vasculaire cérébral.
Info- Matin : comment se passe la prise en charge de l’AVC à l’hôpital Gabriel Touré ?
Pr Youssoufa Maïga : Pour la prise en charge de cette pathologie, les pays africains, ces dernières années, font beaucoup d’efforts en termes de formation. Les jeunes sont de mieux en mieux formés pour la prise en charge cette pathologie. Ensuite, l’hôpital Gabriel Touré et la ville de Bamako ont qu’à même, depuis quelques années, gagné en termes de neuro-imagerie. Le scanner étant le premier examen de l’AVC est disponible un peu partout dans Bamako. Ce n’est plus un outil de luxe, même si le prix est à revoir, mais le scanner est un outil accessible aujourd’hui dans les hôpitaux de Bamako. Sur le plan diagnostic, nous sommes dotés d’outil à Bamako qui est capable de faire un diagnostic très rapidement. C’est encore mieux de voir le patient dans les trois premières heures. Donc, la prise en charge dans sa grande ligne est bien assurée et il y a des efforts dans la prise en charge des patients à la phase aiguë. À l’hôpital Gabriel Touré, nous sommes en train de travailler pour la mise en place d’une Unité neuro-vasculaire qui va nous permettre de prendre en charge les patients en phase aiguë. Si cette phase est bien gérée, on évite les conséquences à long terme.
Donc, la prise en charge se fait à trois étapes, la phase aiguë, qui est une phase vraiment extrême urgence, il faut un scanner très rapidement et dans certains cas, on peut empêcher l’installation de dégât. Et quand les dégâts sont installés, il y a une prise en charge qui est bien faite, bien codifiée dans nos hôpitaux. Et la troisième phase est la rééducation. À cela, nous avons des kinésithérapeutes. Il y a un effort de formation à faire pour que ces gens soient mieux outillés pour prendre en charge cette pathologie.
Info-Matin : Est-ce que vous arrivez à satisfaire toutes les sollicitations ici à Gabriel Touré ?
Pr Youssoufa Maïga : nous sommes inondés. Nous n’arrivons pas, aujourd’hui à faire face aux sollicitations des patients de cette pathologie. Si vous regardez le service des urgences de Gabriel Touré, vous trouverez que les deux tiers des lits sont occupés par des patients d’AVC. Après la pathologie des accidents de la voie publique (AVP), la deuxième cause d’hospitalisation aux urgences, c’est l’Accident Vasculaire Cérébral. À l’hôpital Gabriel Touré, nous recensons dans le service de neurologie, plus de 1000 cas d’AVC par an. Donc, c’est énorme comme pathologie. Le service de neurologie n’a pas de lit à suffisance pour pouvoir prendre en charge tous les cas d’AVC au Mali.Donc, il y a de gros efforts d’investissements en équipements et de formation à faire par les autorités, dans ce sens.
Info-Matin : Est-ce que vous avez un plateau technique à hauteur de souhait si Oui qu’en est-il aussi avec le personnel ?
Pr Youssoufa Maïga : Pour donner satisfaction aux malades, il faut reconnaitre qu’il y a un gros effort de formation du personnel à faire pour prendre en charge certains cas en phase aigüe, à savoir la réalisation de la thrombolyse (injecter un produit qui permet de déboucher le vaisseau). Nous montons en puissance et voulons dans un proche avenir, monter une Unité de thrombolyse à Gabriel Touré. Nous avons des éléments, techniquement. Parce qu’il faut juste un plateau technique adéquat. En matière de neuro-imagerie, l’hôpital Gabriel Touré est en train de se moderniser pour recevoir de nouveaux équipements qui vont nous permettre de faire des diagnostics précoces. Aussi, il nous manque beaucoup, en termes de personnel. Parce que ce sont des pathologies lourdes. Donc, il nous faut beaucoup de personnel infirmier et paramédical et des neurologues pour prendre en charge cette pathologie.
Info-Matin : Est-ce que vous rencontrez des difficultés dans l’exercice de ce travail sensible ?
Pr YoussoufaMaïga : Nous rencontrons beaucoup de difficultés pour la prise en charge de cette pathologie. Elles sont d’abord liées aux patients. Parce que, ces pathologies, quand elles sont prises tôt charge, on a des chances de les guérir. Certains patients récupèrent sans séquelles. Donc, des patients viennent très tardivement souvent, à Gabriel Touré. L’autre difficulté est d’ordre diagnostic, nous n’avons pas suffisamment d’outils pour faire le diagnostic tôt et de manière précoce. Il nous manque aussi des outils pour le diagnostic étiologique.
Info-Matin : votre dernier mot
Pr YoussoufaMaïga : si j’ai un message à lancer, c’est d’inviter la population à lutter contre les facteurs de risque. Il faut que les gens se fassent dépister tôt. Parce que, s’il y a un seul coupable, c’est hypertension artérielle. Et pour éviter l’hypertension artérielle, il faut réduire la consommation de sel. Car, il a été prouvé que nous consommons trop de sel. Il faut manger aussi moins gras. Arrêtons de fumer si possible et de boire de l’alcool. Nous devons faire l’exercice physique, la pratique du sport est excellente pour lutter contre les pathologies cardiovasculaires et éviter les AVC. Quand un AVC survient, c’est de consulter le médecin très tôt. Les patients ont la chance d’être sauvés, quand ils sont pris tôt en charge par des spécialistes. Enfin, je vous rappelle un terme anglo-saxon qui dit « Time isbrain » le temps c’est du cerveau. Plus, on gagne du temps, plus on a la chance de sauver le cerveau.
PAR SABA BALLO
source:info matin