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Lutte contre la corruption au Mali : Sale temps pour les prédateurs

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Dans la vaste jungle de la corruption, l’âge d’or prolongé de l’impunité a peut-être entamé sa période de déclin.

Entre le jeudi 12 et le vendredi 13 septembre, Bakary Togola, l’un des porte-clés du temple de la mal gouvernance, est lourdement tombé de son piédestal.

Les échos de son arrestation et de son incarcération, vite répandus dans le Tout-Bamako, ont eu l’effet d’un tremblement de terre au cœur du paradis des ripoux. En 24h chrono, TOGOLA, qui prenait un enivrant plaisir à afficher crânement sa réussite, a presque tout perdu sur trois tableaux. 

Deuxièmement, sur le plan politique, lui qui faisait de la proximité ostentatoire avec l’exécutif sa carte de visite, est désormais bien seul sur son île des déconvenues, car, on a du mal à voir quel membre du gouvernement ou de la majorité commettrait le suicide politique de lui apporter publiquement un soutien. Là-dessus, l’opinion publique nationale, excédée de l’incompétence et de la mal gouvernance des élites, ne pardonnerait aucune interférence tendant à étouffer l’affaire. La position des Maliens est sans ambages, dans ce dossier : le bras implacable de la Justice doit sévir contre les indélicats qui vampirisent les deniers publics depuis trop longtemps.

Troisièmement, sur le tableau de la perception et de l’émotion populaires. Aux yeux du citoyen lambda, M. TOGOLA aura du mal à se faire passer pour une victime. Adepte des sorties médiatiques provocatrices, personnage clivant et sans modestie, « le paysan TOGOLA » a fini par cultiver une image d’oligarque cynique et arrogant. Ce dernier aspect va probablement lui coûter cher dans l’opinion. Car, en surexploitant délibérément sa connivence avec le pouvoir, il s’est auto-collé l’étiquette de « ceux d’en haut » dont les bottes écrasent arbitrairement les mains des pauvres paysans.

Cette fois-ci, mêmes les prévisions du célèbre Jean de La Fontaine risquent de ne pas se confirmer pour le sieur TOGOLA. Tout « puissant » qu’il est, « les jugements de cour » ont peu de chances de le « rendre blanc ».

L’autre enseignement qu’on peut tirer de cette affaire est le possible retour en grâce de la Justice dans le cœur des Maliens. En s’attaquant à un « intouchable », le procureur KASSOGUÉ et son équipe ont prouvé que le sens du devoir coulait encore dans les veines de nos magistrats.

A présent que la machine judiciaire s’est mise en marche sereine dans ce qui s’annonce comme le feuilleton judiciaire de l’année, aucune manœuvre venue d’on ne sait où ne doit entraver la procédure. Plus encore, l’action du pôle financier doit s’élargir afin de prendre d’éventuels complices dans les mailles du filet judiciaire. Tous ceux et celles qui auraient détourné les milliards de la République pour leur usage personnel, doivent faire l’objet de poursuites. Pour ce but, les rapports produits par le Bureau du Vérificateur Général doivent être aussi inscrits dans l’agenda judiciaire.

L’impunité à ciel ouvert et la délinquance financière érigée en vertu constituent le cancer dont les métastases ont rendu la République paraplégique. Toutes les peines qui accablent le peuple, le dénuement qui écrase les classes populaires, les crises qui se succèdent et se ressemblent en gravité, l’embellie économique qui ne se produit jamais, le puits du chômage qui engloutit la jeunesse ; trouvent leur racine commune dans le fait que certains, parvenus au sommet de la pyramide politico-économique, se croient tout permis, tout admis et tout acquis. Leurs agissements condamnables, amplifiés et perfectionnés au fil des décennies, ont pu prospérer parce que la volonté politique de les combattre n’a jamais réellement existé.

C’est pourquoi, la démarche résolue du procureur KASSOGUÉ ainsi que l’énergie réformatrice du Garde des Sceaux, Coulibaly, sont à applaudir d’autant plus que leur chemin vers plus de justice est semé d’embûches.

Le placement en détention de Bakary TOGOLA a constitué un moment de surprise pour beaucoup, d’espoir pour d’autres, et de frayeur pour les champions de la corruption. Il doit maintenant servir de base à la montée en puissance d’un front commun formé par la Justice et les citoyens pour briser définitivement le cycle de l’impunité.

 Mohamed Meba Tembely (Les Echos)

Le 26 Mars

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