Les propos rassurants du gouvernement ne leur suffisent pas. Syndicats, associations et écologistes réclament mardi la vérité sur les produits qui ont pris feu jeudi dernier à l’usine Lubrizol, alors qu’un autre site Seveso tout proche a été mis à l’arrêt.
Un rassemblement est prévu mardi à 18H00 devant le palais de justice de Rouen.
Alors que l’inquiétude se manifeste toujours à Rouen sur les conséquences de l’incendie sur la santé et l’environnement, un nouvel incident s’est produit dans une autre usine Seveso classée seuil haut située dans l’agglomération.
La préfecture a annoncé la “mise à l’arrêt” de cette usine Borealis, qui produit des engrais, en raison d’un incident sur l’alimentation électrique, sans que cela nécessite toutefois l’intervention du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis).
Depuis jeudi, les visites ministérielles se succèdent pour tenter de rassurer la population et les agriculteurs dont la production est affectée. Dernière en date, celle du Premier ministre lundi soir: Edouard Philippe a une nouvelle fois promis “l’absolue transparence” et assuré que les odeurs, aussi “gênantes” soient-elles, n’étaient pas “nocives”, sur la foi des analyses effectuées.
Le directeur du site de Lubrizol Laurent Bonvallet a assuré mardi matin sur France Bleu Normandie que “la liste des produits (qui ont brûlé) a été communiquée” aux instances qui l’ont demandée.
Mais les écologistes ne veulent pas en rester là.
L’eurodéputé EELV Yannick Jadot a réclamé “la transparence absolue sur ce qui a brûlé” et la publication de la liste des produits qui étaient stockés dans l’usine. Il a reproché au gouvernement de “participer à l’inquiétude, à l’angoisse des salariés et des riverains” en ne publiant pas cette liste.
“Quelle est la liste des produits qui ont brûlé ?”, a également demandé Delphine Batho, présidente de Génération Ecologie et ex-ministre de l’Ecologie, évoquant “une faute de l’Etat”.
– Multiplication des recours –
Constatant “le climat de suspicion généralisée”, le préfet de Normandie Pierre-André Durand s’est demandé “quel serait l’intérêt des pouvoirs publics de mentir” et rappelé “la ligne du gouvernement +transparence, transparence, transparence+”.
Mardi, à Rouen, l’odeur était encore très marquée dans certains quartiers, a constaté une journaliste de l’AFP.
A l’école Franklin, dans un mail aux parents d’élève que l’AFP a pu consuler, la direction de l’établissement fait état d’une “odeur très prégnante dans et hors l’école” et invitent les parents à venir chercher leur enfant. “Si on savait ce que les enfants respirent, ce serait mieux”, a confié une maman enceinte, venue chercher sa fille de 8 ans dans cet établissement proche de l’usine.
Dans une autre école de la ville normande, Martine, 69 ans, grand-mère de deux petits enfants de trois et quatre ans, juge la situation “insupportable”. “Ils invitent les parents à venir récupérer leurs enfants à cause de l’odeur d’hydrocarbure à l’intérieur. Soit il faut fermer, soit il ne faut pas fermer en milieu de journée. C’est très difficile de s’organiser”. Contacté par l’AFP, le rectorat n’était pas joignable dans l’immédiat pour préciser le nombre d’écoles fermées mardi.
Sur le front judiciaire, plusieurs recours devant les tribunaux sont déjà déposés.
L’association Respire a ainsi engagé lundi soir un référé-constat auprès du tribunal administratif de Rouen pour obtenir la nomination d'”un expert afin de constituer les éléments du dossier de manière contradictoire”, a expliqué à l’AFP Me Corinne Lepage.
“Je ne suis pas complotiste: je ne dis pas que l’Etat ment”. En revanche, “il me semble que toutes les analyses n’ont pas été faites et qu’il y a des produits dont on ne parle pas et dont il faudrait parler comme les dioxines, l’amiante et les métaux lourds”, a ajouté l’ancienne ministre.
Un autre référé-constat, déposé par Me Julia Massardier au nom de deux détenus de la maison d’arrêt de Rouen, demande des relevés dans l’établissement, faisant valoir qu’aucune protection n’a été prise.
Côté police, Yan Bertrand, secrétaire du syndicat SGP police Seine-maritime, a indiqué avoir “saisi par courrier le préfet pour l’organisation d’un CHSCT extraordinaire”. “Nous voulons savoir si toutes les dispositions ont été prises pour assurer la sécurité des fonctionnaires qui sont intervenus au moment du sinistre”.
Des avocats rouennais ont décidé d’organiser “des consultations gratuites spécifiques” sur l’incendie. A titre personnel, plusieurs d’entre eux ont aussi porté plainte.
La ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne sera auditionnée mercredi à l’Assemblée nationale par la commission du Développement durable.
Au moins 1.800 agriculteurs ont été touchés par les suies de l’incendie de l’usine Lubrizol, dont les causes sont toujours inconnues, a indiqué mardi le ministère de l’Agriculture, selon lequel les premières indemnisations pourraient intervenir sous une dizaine de jours.
AFP