Près d’une semaine après le spectaculaire incendie de l’usine chimique Lubrizol de Rouen, l’origine du feu reste à découvrir, et de nombreuses questions demeurent sur ses conséquences sanitaires et environnementales. Passage en revue de ce que l’on sait de cet accident.
Origine de l’incendie ?
La cause de la catastrophe n’est pas encore connue. Le parquet de Rouen s’est dessaisi de l’enquête au profit du pôle de santé publique de Paris, précisant que l’origine du feu était pour l’heure impossible à déterminer “avec certitude”.
Lubrizol, qui se base sur “la vidéosurveillance et des témoins oculaires”, a affirmé que l’incendie avait vraisemblablement commencé à l’extérieur du site.
L’air est-il pollué ?
24 heures après l’incendie, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a évoqué à Rouen une ville “clairement polluée” et reconnu que “des produits peuvent être irritants sur le moment”.
Selon le préfet de Normandie Pierre-Yves Durand, les résultats d’analyses de l’air démontrent un “état habituel de la qualité de l’air à Rouen”. Mardi, il a précisé ses propos. “Je ne dis pas que la qualité de l’air à Rouen est satisfaisante”, a dit le préfet, soulignant qu’avant l’incendie “à Rouen il n’y avait pas une qualité de l’air satisfaisante”.
Selon Patrick Berg, de la Dreeal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), il y a eu “identification d’un niveau significatif de benzène” le 26 septembre à 12h38, “une valeur un peu plus élevée que la limite” de détection sur le site de l’usine mais selon le préfet “cela ne permet pas de dire que l’air est anormal”.
Quels symptômes ressentis ?
Depuis jeudi, la population est incommodée par des odeurs qui restent marquées. De nombreux témoins interrogés par l’AFP ont fait état de gorges qui grattent, maux de têtes, nausées, vomissements et vertiges.
Ces odeurs “sont liées aux hydrocarbures, mercaptans et résidus d’hydrocarbures présents en grande quantité sur le site et qui ont été impactés par l’incendie”, selon la préfecture.
Quels produits ont brûlé ?
Lubrizol produisant des lubrifiants pour automobile, il s’agissait de substances qui entraient dans la composition d’huiles moteurs.
On connaît depuis mardi la liste de ces substances et leurs quantités: 5.253 tonnes ont brûlé et la préfecture a publié 479 fiches “qui précisent les caractéristiques des produits et les risques associés” en cas de combustion.
Pour près des deux tiers (62,88%, soit 3.308 tonnes), ces produits étaient des “additifs multiusages” composés à 44% d’huile minérale obtenue par raffinage de pétrole, indique un tableau communiqué par les autorités.
Des substances dangereuses ?
Des rapports officiels consultés par Mediapart évoquaient en 2016 la présence dans l’usine Lubrizol de produits “très dangereux pour l’environnement” et “nocifs”, et estimaient qu’un incendie pourrait donner lieu à la “formation de substances toxiques”.
Mercredi, Agnès Buzyn a indiqué que les produits “les plus dangereux” s’agissant des “hydrocarbures polycycliques qui sont des produits éventuellement cancérigènes”, n’ont pas été trouvés dans les fumées et suies.
Concernant les très toxiques dioxines, des molécules cancérogènes qui peuvent aussi interférer sur le système hormonal, les résultats des recherches sont attendues dans la semaine.
Des recherches ont aussi porté sur l’amiante qui composait le toit de l’usine. Selon la préfecture, il n’y a pas de “risque avéré” lié à l’amiante dans l’air.
Une eau potable ?
L’eau des 71 communes de la Métropole de Rouen Normandie est potable. “Aucune trace de contamination n’a été relevée”, après les rumeurs et spéculations concernant une prétendue eau noire du robinet, selon la Métropole.
Les produits agricoles sont-ils comestibles ?
Au moins 1.800 agriculteurs ont été touchés par les suies en Normandie et dans les Hauts-de-France. La récolte est interdite dans une centaine de communes. La préfecture recommande aux riverains de “ne pas consommer les produits et légumes souillés par les suies” dans les jardins.
Quels risques pour la santé à court et long terme ?
Monoxyde de carbone, dioxyde de soufre et hydrogène sulfuré: les mesures effectuées par les pompiers, “afin de vérifier le risque immédiat” pour leurs interventions et les riverains, “n’ont pas mis en évidence de risque pour la population”, assure la préfecture.
Agnès Buzyn a reconnu mercredi, à propos des substances qui se sont consumées, que “personne” ne savait aujourd’hui “ce que donnent ces produits mélangés quand ils brûlent”.
AFP