Une mobilisation inédite depuis près de 20 ans: à l’appel d’une large intersyndicale, des milliers de policiers défilaient mercredi à Paris pour une “marche de la colère” sur fond de malaise de l’institution, de hausse des suicides et de réforme des retraites.
Le cortège, qui est parti de Bastille aux alentours de 13H30 dans une ambiance bon enfant, doit rejoindre la place de la République, au centre de la capitale. Selon les organisations syndicales qui ont réussi l’union sacrée tous corps et tous grades confondus, 22.000 personnes participaient à la mobilisation.
“Le gouvernement qui sous-estimait notre pouvoir de nuisance, va l’expérimenter et il faudra qu’il nous écoute”, avait prévenu Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance.
De mémoire de syndicalistes policiers, on n’avait pas vu un tel appel unitaire depuis 2001. A l’époque, la mobilisation avait été provoquée par le meurtre de deux policiers au Plessis-Trévise (Val-de-Marne) par un braqueur récidiviste.
Cette fois, pas de fait divers sanglant agissant comme élément déclencheur, mais une usure opérationnelle liée au mouvement social des “gilets jaunes”, où la police a été accusée de violences, et un bond des suicides au sein de la police nationale.
“Nous sommes venus ici pour nous battre pour nos conditions de travail, et surtout pour rendre hommage à nos collègues qui ont mis fin à leurs jours”, déclare Damien, 24 ans, policier à la Brigade des réseaux transiliens, à Paris.
“Nous sommes là car c’est un ras-le bol”, explique Yves, 54 ans, policier à Montpellier. “On remet en cause la réforme des retraites, les politiques, les médias, le traitement des affaires. Pour nous il n’y a jamais de présomption d’innoncence”.
Quelques “gilets jaunes”, dont Eric Drouet, étaient rassemblés non loin de la place de la Bastille, encadrés par des gendarmes mobiles pour éviter tout incident avec les manifestants, a constaté un journaliste de l’AFP.
On est venu “faire acte de présence” et rappeler qu”il y a aussi eu des violences policières depuis dix mois”, a déclaré cette figure du mouvement social né en novembre 2018.
Cinq points sont au cœur des revendications des policiers: “l’amélioration de la qualité de vie au travail”, “une véritable politique sociale pour les agents du ministère de l’Intérieur”, “une réponse pénale réelle, efficace et dissuasive”, “la défense des retraites” et une future loi d’orientation et de programmation “ambitieuse”.
Les syndicats policiers craignent ainsi une remise en cause de leur avantageux système de bonifications.
– “Remise à niveau” –
Actuellement les policiers bénéficient d’une bonification spéciale dite “du cinquième” ou “quinquennale”, qui leur offre une annuité (quatre trimestres) de cotisation tous les cinq ans. Elle est plafonnée à cinq annuités et, pour y être éligible, le fonctionnaire doit avoir exercé 27 ans.
Or les propos du ministre de l’Intérieur ne dissipent pas les inquiétudes.
“Il y aura une modification de leur régime comme pour tous les Français mais il y aura la prise en compte de la dangerosité de leur métier de policier”, a affirmé Christophe Castaner mercredi sur France 2.
“Il faut faire la différence entre ceux qui sont dans un métier dangereux et l’ensemble des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur qui ne sont pas confrontés aux mêmes réalités”, a aussi déclaré le ministre qui avait promis auparavant de défendre “jusqu’au bout la spécificité du statut” des forces de l’ordre.
Face à cette nouvelle fronde, le ministère de l’Intérieur met en avant les efforts budgétaires et les mesures entreprises depuis l’arrivée du duo Castaner/Nuñez en octobre 2018.
“Il ne s’agit pas du tout de nier les difficultés que peuvent rencontrer les policiers. Depuis un an, on sait qu’ils ont été mis à rude épreuve”, avance l’entourage de Christophe Castaner.
Sur France 2, le ministre a fait valoir la hausse “de plus d’un milliard d’euros” du budget de la Police nationale depuis le début du quinquennat et la promesse du recrutement de 10.000 policiers et gendarmes supplémentaires sur l’ensemble du mandat.
D’autres chantiers sont cependant encore sur la table comme le paiement du gigantesque stock d’heures supplémentaires ou la dramatique question des suicides malgré la mise en place d’un plan d’action global.
AFP