L’armée malienne et ses alliés recherchent activement dans le centre du pays des dizaines de soldats disparus à l’issue de combats contre les jihadistes, parmi les plus meurtriers depuis des mois pour Bamako et ses partenaires africains.
Deux jours d’intense bataille autour des camps de Boulkessy et Mondoro, près du Burkina Faso, se sont soldés par la mort d’au moins 25 soldats maliens, selon un bilan officiel provisoire.
Quinze jihadistes ont été tués, selon le gouvernement malien.
Mais ce qui est déjà le coup le plus dur essuyé par les forces maliennes depuis mars risque d’être encore plus douloureux. Une soixantaine de soldats selon le gouvernement et même 78 selon une source sécuritaire sont portés manquants. Rien ne permet de dire s’ils ont été tués ou capturés.
Seuls 13 soldats maliens en auraient réchappé dans des circonstances qui restent confuses avant l’intervention des forces spéciales maliennes et de leurs alliés, soutenus selon une source diplomatique par des frappes aériennes de la force française antijihadiste Barkhane.
Motif supplementaire d’alarme: les jihadistes se seraient emparés d’importantes quantités d’armes, de munitions et de matériel.
Ces hostilités sont une nouvelle illustration de la dégradation continue de la situation sécuritaire dans le pays en proie depuis 2012 aux insurrections indépendantistes, salafistes et jihadistes, et aux violences interethniques meurtrières.
Les forces maliennes n’avaient pas connu un tel bain de sang depuis le 17 mars quand une attaque jihadiste contre un camp de l’armée à Dioura (centre) avait fait près de 30 morts.
– Course aux armes –
C’est aussi une claque pour la Force conjointe du G5 Sahel créée en 2017 par le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad pour faire face à la propagation de la menace à travers la sous-région.
Le bataillon malien attaqué à Boulkessy relevait de cette Force conjointe encore embryonnaire. Cette dernière n’avait encore jamais subi d’aussi lourdes pertes.
Les informations en provenance de cette zone dangereuse sont rares et la vérification rapide en est difficile.
Mais, selon les éléments disponibles, les combats ont éclaté dans la nuit de dimanche à lundi quand des assaillants montés sur des véhicules équipés d’armes lourdes ont attaqué Boulkessy et Mondoro, à une centaine de kilomètres de distance.
Le secrétariat de la Force conjointe a désigné les assaillants comme appartenant à Ansaroul Islam, un groupe accusé de semer la terreur dans le nord du Burkina voisin.
Cette affirmation n’a pu être confirmée par d’autres sources.
De lourds moyens, y compris aériens, et des forces spéciales ont été engagés pour reprendre Boulkessy et Mondoro même si, selon un schéma éprouvé, l’une des motivations des assaillants semble avoir résidé dans la capture d’équipements.
Mardi matin, Mondoro avait été repris. Il a fallu une journée d’affontements pour qu’il en soit de même mardi soir à Boulkessy.
– Impuissance –
Une opération conjointe Mali-Burkina appuyée par Barkhane continuait mercredi, selon une source diplomatique.
“Avec les partenaires du Mali, les opérations de sécurisation se poursuivent”, disait une source militaire malienne. “Notre objectif est de consolider notre présence sur place à Boulkessy, et de nous occuper des soldats dont nous sommes sans nouvelles pour le moment”.
En mars, l’attaque jihadiste contre le camp militaire de Dioura suivie une semaine après par le massacre de 160 villageois peuls au cours de violences intercommunautaires avait débouché sur le limogeage des principaux chefs d’état-major. Le gouvernement avait démissionné en avril sous la pression de manifestations contre l’impuissance de l’Etat.
Mais les solutions sécuritaire et politique à la détérioration paraissent pour l’heure introuvables. De larges pans du territoire échappent au contrôle du pouvoir central. Les violences jihadistes persistent, et se sont propagées du nord vers le centre et le sud du Mali, puis au Burkina Faso et au Niger voisins, se mêlant à des conflits intercommunautaires qui ont fait des centaines de morts.
La dégradation va de pair avec une crise humanitaire.
L’impuissance face à la propagation des violences au Mali et au Sahel faisait dire il y a une semaine au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, que la communauté internationale était “en train de perdre du terrain face à la violence et au terrorisme”. “Le nombre de morts civiles entre 2012 et 2018 a été multiplié par quatre” dans les pays du G5 Sahel, avait souligné M. Guterres.
AFP