Une semaine après l’incendie qui a détruit plus 5.000 tonnes de produits chimiques à l’usine Lubrizol de Rouen, les produits qui ont brûlé sont désormais connus mais il faudra encore du temps pour répondre à toutes les inquiétudes.
La ministre de la Santé Agnès Buzyn l’a reconnu mercredi matin. “En réalité, aujourd’hui, personne ne sait exactement ce que donnent ces produits mélangés lorsqu’ils brûlent. C’est la demande que nous allons faire à l’Ineris, qui est l’agence chargée de l’évaluation des risques industriels”, a-t-elle dit.
“L’État aujourd’hui ne peut pas répondre à cette question”, a-t-elle dit.
Selon la ministre, “cette pollution qui est réelle, pour l’instant elle n’entraîne pas de risques pour la santé, avec ce que nous connaissons aujourd’hui”.
Alors que la population rouennaise a manifesté son inquiétude mardi soir dans la rue, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a estimé “normal qu’une enquête judiciaire ne
se fasse pas d’un claquement de doigt”.
C’est désormais le pôle santé publique du parquet de Paris qui est en charge du dossier.
Fidèle à sa promesse de “transparence”, la préfecture de Normandie a publié la liste des produits qui ont brûlé, assurant que “tous les produits ne sont pas dangereux” et mis en ligne 479 fiches sur “les caractéristiques des produits et les risques associés” en cas de combustion.
Pour près des deux tiers (62,88%, soit 3.308 tonnes), ces produits étaient des “additifs multiusages” composés à 44% d’huile minérale obtenue par raffinage de pétrole, indique un tableau communiqué par les autorités.
Selon Jean-François Narbonne, professeur honoraire de toxicologie à l’université de Bordeaux, sur cette liste, “il y a des produits qui en eux-mêmes ne sont pas extrêmement dangereux”. “La grande question, ce sont les produits issus de la combustion, de type dioxines. Cela peut donner des mélanges, des cocktails. Quand ça brûle, ça fait des choses qu’il faut identifier, ça peut produire des interactions”, a-t-il expliqué à l’AFP.
Fabrizio Pariselli, toxicologue à l’unité de prévention du risque chimique du CNRS, a expliqué de son côté que “pour savoir s’il y a vraiment un risque sanitaire, il faut avoir des données quantifiables d’exposition”.
“On a des produits dangereux, on a des produits de combustion dangereux, après pour savoir s’il y a un risque sanitaire il faut des données d’exposition, et là pour l’instant on est en manque, mais ça va arriver car des prélèvements ont été faits”, a-t-il dit à l’AFP.
– “On ne sait pas grand chose” –
A Rouen, mercredi, persistait une forte odeur d’hydrocarbures par endroits, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Lucas Perrin, un lycéen rencontré mercredi, a raconté que les élèves “défilaient à l’infirmerie” et que l’odeur était “pire à l’intérieur de l’établissement”. “C’est forcément nocif”, selon lui.
De son côté, Véronique Chassagne, 59 ans, a observé qu'”en vérité on ne sait pas grand-chose” et refusé de “tomber dans la psychose”. “On ne va pas quitter Rouen, qui est une des villes les plus polluées de France et dont l’industrie fait partie de l’histoire de la ville”, a-t-elle dit à l’AFP.
Il reste à évacuer de l’usine 160 fûts endommagés, qui “participent aux émanations d’odeurs”, avait indiqué mardi le préfet, qui doit faire un nouveau point mercredi.
Plus de 100 maires et élus normands ont demandé mercredi au gouvernement la reconnaissance rapide de “l’état de catastrophe technologique” et la mise en place d’un registre de suivi médical.
Les députés ont de leur côté décidé de créer une mission d’information. Ils doivent auditionner la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne mercredi soir.
Par ailleurs, le gouvernement “va demander dans les heures qui viennent à l’ensemble des dirigeants des sites Seveso d’effectuer des contrôles de sécurité, de manière à nous assurer que l’ensemble des installations sont bien en sécurité”, a annoncé mercredi la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.
Elle a aussi annoncé la mise en place d’un numéro vert pour répondre aux questions sur les conséquences de l’incendie (0800 009 785).
Quant à l’usine Borealis, classée Seveso seuil haut, mise à l’arrêt mardi matin en raison d’un incident électrique, elle l’était toujours mercredi à la mi-journée. “La reprise de l’activité sera donc effectuée une fois que (les analyses) seront terminées”, a indiqué à l’AFP l’entreprise, ajoutant que “la priorité est bien sûr d’assurer la sécurité d’abord”.