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Interview : “Il n’est pas indiqué de mettre sur la table la relecture de l’Accord”, dixit Oumar Ibrahim Touré, président de l’APR

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À Kayes où il se trouvait, il y une dizaine de jours, dans le cadre d’une rentrée politique de son parti, l’ancien ministre Oumar I Touré, a savouré l’accueil triomphal de militants et de responsables de la coordination régionale de l’APR, dont les rangs venaient d’être grossis par des adhésions nouvelles. Sous la bannière du “Perroquet” se trouvent désormais cinq nouvelles communes du cercle, une donne qu’Oumar Touré abordé avec beaucoup de satisfactions tout en se prêtant à d’autres questions de l’actualité brûlante : le dialogue politique, la question de Kidal, la lutte contre la corruption, etc.

Le Témoin : Dans quel cadre se situe votre présence à Kayes ?

Oumar I Touré : Nous sommes à Kayes dans le cadre de ce qu’on peut appeler une rentrée politique. En fait, nous avons eu des nouvelles adhésions. Le parti était implanté dans dix-neuf communes sur les vingt-huit et tout récemment nous avons enregistré de fortes adhésions dans cinq autres communes très importantes, grâce à l’apport de nos militants de France, qui sont venus sensibiliser leurs parents pour les faire adhérer. Nous sommes donc là pour accueillir ces nouvelles adhésions à bras ouvert et les remercier, faire en sorte qu’ils collaborent bien avec ceux qu’ils ont rejoints et les amener à mettre les intérêts du parti au-dessus parce qu’il n’y a pas d’anciens et de nouveaux militants à l’APR.

Et dans quel état se trouvait jusqu’alors votre parti dans cette contrée ? 

Auparavant, l’APR était implanté mais pas à notre satisfaction. Comme je le disais tantôt, Kayes fait partie des cercles dans lesquels l’implantation de notre parti n’était pas assez forte. Dans tous les cas, qu’un jeune parti soit représenté dans dix-neuf communes sur vingt-huit est un pas important mais qu’il faut consolider. C’est pour cela que ceux-là qui viennent, qui sont des notabilités démarchés de façon très sincère, pourrait apporter davantage au parti. Nous comptons en tout cas sur leur arrivée pour que l’APR compte sur l’échiquier local à Kayes, même si cela reste encore un travail de longue haleine parce que jusqu’ici nous n’avons pas réellement installé la section. Nous avons des sous-sections et une coordination régionale, mais avec la nouvelle donne nous allons pouvoir planifier une conférence de section en bonne et due forme pour définitivement se consacrer à l’implantation du parti.

Et avec quel message vous venez à la rencontre de vos militants, dans le contexte actuel du pays ? 

Quand nous venons à nos militants, nous ne pouvons pas faire l’économie de leur parler du dialogue politique en préparation et dont les termes de référence ont été récemment adoptés. Si nous sommes là, il est tout à fait indiqué que nous en parlions pour demander à nos camarades de s’impliquer davantage. Le dialogue va se tenir aux niveaux local et régional et nous demandons à tous nos militants de participer et de contribuer à sa réussite parce que nous sommes convaincus d’une chose : quelles que soient les divergences, les Maliens doivent se retrouver, se parler… et on ne peut se parler que dans le cadre d’une dialogue. Certes il y a des réserves de la part de l’opposition ou de certains de ses composantes – et la CMA a également marqué sa désapprobation – mais nous devons sensibiliser et démarcher davantage car nous avons besoin de tout le monde. En tout cas, ce que nous demandons à nos camarades, c’est de s’impliquer fortement et de contribuer de façon positive au dialogue inclusif.

Vous venez de l’évoquer vous-même, Monsieur le président, peut-on en définitive parler de dialogue avec tant de défections ?

Je crois qu’on a besoin de tout le monde et qu’en démarchant ceux-là qui ont des réserves, on peut avoir des points d’accord et de compréhension possibles. Dans tous les cas, le processus doit être conduit jusqu’au bout. L’idéal c’est de trouver tout le monde mais, le cas échéant, c’est d’aller avec ceux-là qui sont prêts, en attendant que les autres acceptent quand leurs préoccupations seront prises en compte car cela aussi est possible. À mon avis, le dialogue doit rester ouvert jusqu’à ce que l’ensemble des fins et filles du Mali apportent leurs contributions. Je considère que le président de la République, qui en est l’initiateur, n’ignore pas qu’il a besoin de l’ensemble des Maliens pour atteindre l’objectif.

Et voyez-vous la tendance évoluer dans le sens de cette nécessaire inclusivité ?

Je souhaite, pour ma part, qu’il y ait une forte implication de l’autorité gouvernementale et du président de la République. Pour le moment – je peux tromper -, je ne vois de signes qui m’annoncent et qui me convainquent que des démarches sont faites pour ramener au dialogue ceux-là qui désapprouvent. Je pense que des mesures, des déclarations et démarches fortes doivent être faites en leur direction pour les convaincre. Evidemment en prenant en charge des questions qui ne me paraissent pas insurmontables. Ce sont des réserves pour lesquelles des réponses peuvent être trouvées, pourvu de laisser les égos, mettre de côté certaines considérations et mettre le pays en avant car c’est le Mali qui devrait importer pour nous tous.

Par-delà le dialogue, il y a aussi un rebondissement des malaises de Kidal, depuis qu’il est question de procéder à la relecture de l’Accord. Quelle est votre impression là-dessus ?

Le comportement actuel de certains responsables de la région de Kidal n’est pas tolérable. Il y en a par exemple qui considèrent que Kidal est indépendant du reste du Mali. Cela est inacceptable et je considère que les plus hauts responsables de la CMA ne peuvent pas emprunter cette direction. Dans tous les cas, ma principale inquiétude se situe au niveau des points contenus dans les termes de référence du dialogue qui font référence à l’application de l’Accord pour la paix. Mon point de vue à ce niveau est qu’il s’agit pour nous de discuter des points de blocage qui empêchent la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. A mon avis, il n’est pas indiqué de mettre sur la table la relecture d’un accord signé en présence de médiateurs, de partenaires internationaux et des différentes parties. Il me paraît difficile donc que le Dialogue se l’approprie dans le sens d’une relecture. Le danger est que ceux qui défendent la relecture ou qui suggèrent même de déchirer l’Accord n’ont pas d’autres propositions alternatives. Des hommes et des femmes qui ont occupé de hautes fonctions dans ce pays se trouvent dans cette posture et c’est dommage. Il y a lieu de comprendre plutôt que l’Accord est un outil important et qu’il s’agit pour nous de voir quels en sont les blocages et les lever. On ne peut tout simplement pas relire quelque chose qui n’a pas été appliqué.

Et pourtant le président de la République en personne s’est prononcé dans le même sens 

Je ne l’ai entendu qu’à travers les médias; je ne peux pas porter un jugement. C’était lors de son adresse à la nation à l’occasion de la commémoration du 22 Septembre. Et pourtant j’ai suivi tout le discours. Peut-être que j’étais distrait à ce moment et je ne crois pas que le président de la République puisse s’inscrire dans cette logique. J’ai entendu dire aussi que la réaction de la CMA est consécutive à cette déclaration. Dans tous les cas, personnellement je ne suis pas de cet avis.

Quel jugement portez-vous sur le sujet qui défraie actuellement la chronique, la lutte contre la corruption ?

Je pense que si la lutte contre la corruption peut prospérer c’est l’idéal. Mais il ne s’agit pas de procédé à un tri. Tous les dossiers importants qui sont connus doivent être traités de la même façon, de façon équitable. Depuis quelques temps, un certain nombre de dossiers défraient le chronique; il faut que tous ceux qui sont pendants à la justice soient traités comme ce qui est en train d’être fait avec l’arrestation de Bakary Togola. On ne pas se limiter à ce niveau : il faut que tous ceux qui se trouvent dans une situation similaire soient dans les filets de la justice et que justice soit rendue. Pas de justice sélective susceptible de créer des problèmes, en donnant l’impression de s’acharner contre certains, tandis que d’autres se la coulent douce. J’estime que la lutte doit être globale et que tous ceux qui sont concernés doivent être dans les mailles de la justice.

Avez-vous un appel aux concitoyens en rapport avec la situation actuelle du pays ? 

Que les Maliennes et les Maliens comprennent que le dialogue est nécessaire dans la situation que traverse le pays, des moments extrêmement compliqués. C’est l’existence du Mali même qui est en cause. Que ça soit sur le plan sécuritaire ou sur le front social, etc., tout est en ébullition. Quand on voit par exemple la crise des routes, on se rend compte que nos gouvernants doivent se réveiller. Il n’est pas admissible qu’on ait des routes de ce genre dans la capitale du Mali ou que des axes aussi importants comme celui de Kayes se trouvent dans un tel état. C’est franchement incompréhensible et je ne peut comprendre également qu’en dépit de tout ce qui a été dit, les Maliens continuent de tomber. C’est vraiment difficile, mais toutes ces questions pourraient trouver leurs réponses dans le dialogue.

Quid de l’extension du dialogue à des acteurs jugés infréquentables comme Iyad et Kouffa ?  

Mon point de vue sur la question – qu’il s’agisse d’Iyad ou de Koufffa – est que ce sont des Maliens. Si le dialogue avec eux peut les ramener à reconsidérer leur position, à sortir du radicalisme, je crois qu’il importe de le faire. En ma connaissance, à aucun moment Iyad n’a cherché à être indépendant, ni n’a cherché à se mettre en marge de la République, contrairement à ceux du Mnla qui cherchent l’indépendance. Je pense de que si ça peut nous faire avancer, nous amener la paix pour l’ensemble des files et fils du Mali et qu’on retrouve notre pays, c’est un prix qu’il faut accepter de payer.

Et que pensez-vous du massif qu’ils traînent en termes de présomptions d’actes criminels en tous genres ?

S’il y a des crimes la justice va passer, mais après la justice il va y avoir aussi la réconciliation. Ça n’est pour rien qu’on a mis en place le CVJR. Il doit travailler pour que tous ces crimes soient identifiés, que leurs auteurs soient également identifiés et que les jugements soient faits conformément aux règles en vigueur en République du Mali. Évidemment, il faut après tout  passer à la réconciliation parce que rien n’est possible sans réconciliation. Car il faut quelque part que les Maliens se pardonnent pour pouvoir avancer ensemble.

Réalisé par A KEÏTA 

SourceLe Témoin

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