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Tribune : Mali : Mon jardin de chrysanthèmes

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L’axe Yirmadjo- Nyamana est un capharnaüm indescriptible, un enfer pour tous les usagers de cette route nationale reliant Ségou et toutes les villes du centre et du nord du pas à Bamako, même pour les simples piétons. Du Stade du 26 Mars au fameux “Wara ka sira fara” : camions gros porteurs, citernes et autres véhicules sont garés dans un désordre total de part et d’autre de la route. Le matin, en venant de Nyamana, 3 à 4 files de voitures se suivent en file indienne (au lieu de deux, la norme). Le soir, même scénario du côté opposé. Tout cela sans compter le marché de Yirimadjo, lequel occupe la moitié de la voie publique. Sans compter les kiosques. Oui, sans compter… Et tant pis pour le code de la route. Tant pis pour les usagers d’engins à deux routes. La police n’y peut rien. Personne, apparemment, n’y peut rien.

C’est peut-être pour tout cela mais aussi pour d’autres raisons obscures que le vieil enseignant roulant en moto s’est fait physiquement et violemment agressé ce matin du 11 octobre 2019 devant la mosquée du marché de Nyamana, vers 7h 30. A moto comme l’agressé, le jeune homme avait forcé la circulation et s’était enfoncé entre le vieil enseignant et trois files de voitures, (la quatrième, composée de motocyclistes et de Sotrama) et avait frôlé sa victime au point de le déséquilibrer. Il avait suffi au vieil enseignant de protester pour que le jeune homme balance sa moto et se rue sur lui comme un taureau fou furieux et le terrasse. Autre temps, autre réalité. Le vieil enseignant est plaqué au sol et roué de coups de poings, son casque est brisé.

Une partie de la foule accourue avait aidé le vieil homme à se relever tandis que l’autre avait aidé l’agresseur à disparaître.

Quand j’ai approché le vieil enseignant, en larmes après son agression, il m’a dit qu’il y songe de plus en plus, lui qui a passé 40 années de sa vie à éduquer les jeunes Maliens, à leur enseigner l’histoire, la géographie et les valeurs de leur pays, qu’il songe à s’armer à son tour. Il a dit aussi regretter d’avoir négligé les arts martiaux et toutes formes de violence au profit des choses de l’esprit. Mais il ne s’avait pas que son pays allait tomber aussi bas. Que l’âge, le savoir et le sacrifice de soi pour le bien commun n’étaient plus garants du respect dans la nouvelle jungle malienne

A quelques dizaines de mètres de là, un policier dirigeait tranquillement la circulation.

Une arme, oui, continuait de fulminer le vieil enseignant, non pas sa vie mais son honneur. Puisque désormais, au Mali, ce jardin des chrysanthèmes, la force physique et la fortune sont les seules valeurs capables de se faire respecter. Sinon, un jeune imberbe, en circulation, n’aurait pas agressé un vieillard de l’âge de son père.

 

La raison du plus fort

On ne sait pas si l’agression du vieil enseignant est un simple incident, ou un attentat déguisé. Avec, en attendant de passer à la vitesse supérieure, dans le but d’humilier ou intimider la victime. Car humilier ceux qui les gênent dans leur entreprise d’abêtissement de notre peuple fait aussi partie des stratégies mises en place par les nouveaux janissaires de ce nouvel islam arrogant, sectaire irrévérencieux et bête, à l’œuvre pour la démolition nos sociétés et de notre pays. Qui jure d’éradiquer toute intelligence, tout talent du pays. Car le jeune homme, avec son accoutrement, avait tout l’air de ceux qui pensent que leur version de l’islam est appelée à s’imposer à tout le monde, et que pour sa victime, un vieux de l’âge de son père, un vendredi saint, ne devait pas s’habiller en costume… C’est aussi peut-être pourquoi une partie de la foule l’a laissé faire. Pendant que l’autre s’interposait. Peut-être pourquoi aussi la même foule l’a fait exfiltré avant que le vieil homme sorte de sa surprise et retrouve ses esprits.

 

Ousmane Diarra

Ecrivain

Mali Tribune

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