Actuellement le Mali traverse une grande crise avec les vagues de déplacement et la condition climatique. Cela n’est un secret pour personne. Tous les indicateurs sont au rouge. La situation va de mal en pire, au point de laisser craindre une grande famine. A Bamako, comme à l’intérieur du pays, entre janvier et août 2019, l’insécurité alimentaire guette près de 3,9 millions de personnes, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires. Urgence.
C’est alarmant. La famine est à nos portes. Environ quatre millions de Maliens vivent désormais la peur au ventre. Différentes questions taraudent leur esprit : qu’allons-nous manger demain ? Où partir ? A qui se confier ? Comment soulager nos enfants ? Cette situation, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires au Mali, est la conséquence des conflits, des aléas climatiques et des difficultés socio-économiques. Selon un communiqué de ce Bureau, le nombre de personnes dans le besoin est passé de 3,2 millions en janvier à 3,9 millions à la suite de la révision du Plan de réponse humanitaire (PRH) en août.
Le plus alarmant se joue dans les régions du centre, à Mopti et à Ségou. Les déplacés internes vivant dans la capitale et ses alentours ne sont pas épargnés. Au camp de Niamana et Dialakorobougou, la faim commence déjà à gagner les familles. Avec les difficultés financières, certaines familles déplacées, arrivées depuis six mois, ont déjà quitté le camp. Selon les responsables du camp de Dialakorobougou, elles sont quatre familles à rejoindre Bamako pour trouver refuge chez des parents ou quémander de la nourriture dans la rue.
“Nous ne vivons que des dons de certaines personnes de bonne volonté, de nos amis et parents et de l’assistance de certaines associations dont Tapital Pulaaku”, déclare Boubacar Bah, un soutien du camp. Il précise : “souvent, nous évitons le pire à cause des dons de Maliens qui viennent de manière spontané. C’est un calvaire”.
Dans ce camp de Dialakorobougou, où vivent plus de 200 familles, toutes déplacées du Centre, tout le monde ne mange pas à satiété. Selon Dado, une femme du camp, les plats sont préparés selon la disponibilité. “Nourrir plus de 300 personnes tous les jours n’est pas facile, sans beaucoup de moyens. Nous, les femmes, cuisinons ce que nous avons. Et tous ce que nous avons, ce sont des dons. Nous vivons la peur au ventre, car si la ration est finie, on ne sait jamais quand est-ce qu’on en aura d’autre”, explique-t-elle, sollicitant l’appui des plus hautes autorités et des ONG pour sauver leur camp.
A Niamana, le constat est le même : vivres insuffisants avec une absence criarde d’espoir. “Chaque jour, nous craignons le pire, celui de voir nos stocks finir complètement. On ne sait jamais quand la situation sera régularisée et nous n’avons pas de travail ici”, affirme Aïssata Bocoum, déplacée de Sadja Peulh (cercle de Bankas). Ici, selon Mme Bocoum, c’est plus de 140 vies qui sont menacées.
A Mopti, la situation est encore plus compliquée. Avec les lots d’attaques dans les brousses, les populations quittent leur village pour rejoindre les zones urbaines où ils sont reçus par des proches ayant peu de moyen. “C’est le calvaire depuis l’éclatement de cette crise. Constamment des populations se déplacent vers Bandiagara et Mopti ville”, regrette Amadou Tolo, un habitant de Sévaré, un quartier de Mopti. Il informe avoir déjà reçu, chez lui, une dizaine de proches. “Je n’étais pas prêt pour ça”, ajoute-t-il, précisant qu’il n’a plus les moyens pour subvenir à leurs besoins. “Dans deux mois, je n’aurais plus rien à manger chez moi”, annonce M. Tolo qui estime que les humanitaires et les décideurs doivent tenir en compte ces aspects. “Au Mali, le social est très développé. Nous pouvons jouer sur cette corde pour soulager nos parents. Les partenaires doivent donc encourager et soutenir les familles d’accueil pour amorcer la situation. Cela est une possibilité”, propose M. Tolo.
Comme lui, beaucoup d’autres ressortissants du Centre vivant à Mopti où à Bamako sont confrontés au même phénomène. D’où l’initiative du Premier ministre du Mali, Dr. Boubou Cissé, le 10 octobre dernier, de rencontrer les organismes humanitaires et des agences des Nations unies, dont la Minusma, en présence de Mme Mbaranga Gasarabwe, Coordonnatrice de l’action humanitaire et Coordonnatrice résidente du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Une réponse urgente
Le but de cette rencontre était de renforcer les axes de collaboration entre le gouvernement et ses partenaires pour une meilleure coordination des actions sur le terrain. En effet, selon le Bureau de la coordination des actions humanitaires, l’assistance humanitaire au Mali est compromise par l’insuffisance des financements dans un contexte où les besoins et les fonds requis ont augmenté́. Alors que la mobilisation immédiate de financement additionnel est nécessaire pour poursuivre et étendre l’assistance à plus de personnes ciblées afin d’atténuer leur vulnérabilité́ tout en les accompagnants sur le chemin de la résilience.
Pour ce faire, indique le même communiqué publié en septembre 2019, le Mali et ses partenaires devront mobiliser 228 millions de dollars. “Même si nous nous réjouissons de l’assistance déjà̀ apportée à des centaines de milliers de personnes, nous déplorons le fait de devoir limiter notre assistance si les fonds ne sont pas reçus à temps”, déclare Mme Mbaranga Gasarabwe, Coordonnatrice Humanitaire pour le Mali.
Malgré la prise en charge de plus de 500 000 personnes sur le plan alimentaire, environ 144 000 pour l’accès à l’eau potable, 150 000 enfants, touchés par la malnutrition aiguë, traités ; le faussé s’agrandit et beaucoup reste à faire surtout avec les exemples des camps de Dialakorobougou et de Niamana.
“Je lance un appel à la communauté́ internationale pour que la réponse aux besoins humanitaires et les actions pour renforcer la résilience des communautés soient davantage soutenues”, déclare Mme Gasarabwe. Son cri de cœur est soutenu par le maire la commune urbaine de Mopti, Issa Kanssaye qui insiste : “l’insécurité alimentaire dans la région est une priorité pour l’ensemble des communes de Mopti. Il faut une solution efficace, sinon nous craignons le pire : la grande famine“.
Sory I. Konaté
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(encadré): Encadré
CONTRE L’INSECURITE ALIMENTAIRE : Pourquoi ne pas redynamiser les banques de céréales ?
La solution proposée par l’ONG Secours islamique (Sif-Mali) et soutenue par l’Agence française pour le développement (AFD) est la redynamisation des banques de céréales. Cette semaine, l’ONG a même lancé un important projet dans ce sens.
Pour un montant estimé à plus de 1,400 milliard de F CFA, ce projet vise à approvisionner les banques de 379 tonnes de riz et 769 tonnes de mil. La deuxième année, Sif ajoutera 15 % de l’investissement initial et 10 % pour la troisième année. Le projet touchera 5 692 ménages, soit 45 530 personnes vulnérables. Ce projet permettra aux familles vulnérables de payer les vivres à un prix social pendant la période de soudure. Il lutera efficacement contre l’insécurité alimentaire dans les zones d’implémentation.
Cette initiative, bien soutenue par les autres partenaires dans la lutte contre l’insécurité alimentaire, pourrait soulager la population, explique des organisations de la société civile de Mopti.
Sory I. Konaté
Mali Tribune