Depuis 2012, le Mali connait l’une des crises les plus graves de son histoire. Cette crise politico sécuritaire qui a commencé dans les régions nord du pays s’est progressivement déplacée dans les régions du centre, notamment Mopti et Ségou. La menace terroriste et jihadiste dans ces régions présente une situation de trouble de plus en plus généralisée avec comme corolaire les violations graves des droits de l’homme, l’enlèvement et l’assassinat des enseignants. Furieux de cet état de fait, le Syndicat national de l’éducation et de la culture (SNEC) dirigé par Moustapha Guittèye a produit un communiqué le 11 novembre 2019 pour demander à ses membres de quitter les lieux d’insécurité pour leur sécurité. «Nous invitons les autorités à prendre toutes les dispositions qui s’imposent pour sécuriser les écoles et le personnel enseignants », a martelé le secrétaire général du bureau exécutif national du Syndicat national de l’éducation et de la culture (SNEC), Moustapha Guittèye.
Suite à des menaces jihadistes contre certains de leurs collègues du CAP (Centre d’animation pédagogique) de Farako dans la région de Ségou, villages de Souba et de Sandji, les syndicalistes réagissent. « Nous demandons à nos collègues de quitter les lieux pour leur sécurité. Nous invitons les autorités à prendre toutes les dispositions qui s’imposent pour sécuriser les écoles et le personnel enseignants qui y travaille », a déclaré le secrétaire général du bureau exécutif national du Syndicat national de l’éducation et de la culture (SNEC), Moustapha Guitteye dans un communiqué en date du 11 novembre 2019.
Contacté par nos soins, hier, mardi 12 novembre 2019, dans l’après midi, le secrétaire général du bureau exécutif national du Syndicat national de l’éducation et de la culture (SNEC), Moustapha Guittèye a déploré les cas d’enlèvement et d’assassinat des enseignants à cause l’insécurité au Mali. Selon lui, le 22 décembre 2018, l’enseignant Siabou Togo a été enlevé entre Tenenkou et Mopti. A ses dires, cet enseignant est toujours en détention. Le 04 mars 2019, dit-il, leur collègue Abdrahamane Haïdara, enseignant généraliste, a été enlevé entre Tenenkou et Mopti et il est toujours en détention. « Le 09 juin 2019, Sory Maïga, enlevé à Hombori par des hommes armés, libéré quelques jours plus tard. Le 08 août 2019, Issoufi Hafitou Maiga, inspecteur coordinateur de la région de Gao, a été assassiné entre Gao et Hombori. Le lundi, 14 octobre 2019, le collègue Bocary Kisso, enseignant généraliste et Directeur par intérim de l’école fondamentale d’Arabébé, cercle de Niafunké, enlevé aux environs de 20 heures par des individus non identifiés et est toujours en détention », a déploré Moustapha Guitteye. Auparavant, dit-il, trois enseignants ont été abattus entre Diré et Niafunké. En outre, il a rappelé que le 25 octobre 2019, les enseignants Sekou Ba, Alassane Kolongon, Ibrahim Mahamadou Maïga, Aliou Mahamadou Guindo, Boubacar S Keïta et Moussa Ombotimbé ont été enlevés à Korientzé, ville située à 105 km de Mopti et libérés le 27 octobre 2019. «Des menaces par rapport à la fermeture des écoles par les jihadistes dans les localités comme Banamba, Macina, Farako. Nous, on veut prévenir pour dire à ces enseignants de rester hors de l’école en ce moment pour leur propre sécurité. Et ils ne vont pas retourner tant que l’Etat ne sécurise pas les écoles », a précisé Moustapha Guitteye.
Par ailleurs, il a fait savoir que le SNEC est affilié à l’internationale de l’Education (IE) qui regroupe 150 syndicats au monde de 170 pays. Au dernier congrès de l’IE à Bangkok, Moustapha Guitteye a signalé qu’une Résolution a été prise par rapport à la sécurisation des écoles et du personnel enseignant. « Nous, c’est une interpellation, nous demandons à nos enseignants de ne pas aller à l’école où ils sont menacés », a conclu Moustapha Guitteye.
L’Etat malien face à ses responsabilités
A signaler que ce n’est pas le SNEC seulement qui a demandé à ses membres de quitter les zones d’insécurité. Pour preuve, le samedi 22 juin 2019, les responsables du Syndicat autonome des administrateurs civils (Synac) et du Syndicat libre des travailleurs du ministère de l’Administration territoriale (Syltmat) ont animé une conférence de presse à la Bourse du travail de Bamako pour exiger la sécurité des représentants de l’Etat (gouverneurs de région, membres des cabinets des gouverneurs, préfets, préfets-adjoints et sous-préfets). Lors de cette conférence de presse, le SYNAC et le SYLTMAT ont demandé, au regard de l’insécurité qui règne au centre du Mali à leurs militants dans les 8 cercles et 55 arrondissements de la région de Mopti à rejoindre la ville de Mopti ou toutes autres localités plus sécurisées, jusqu’au désarmement total de toutes les milices ou jusqu’à la prise de mesure de protection sécuritaire par les autorités compétentes.
Le secrétaire général du SYNAC, Ousmane Christian Diarra soulignait que depuis l’éclatement de la crise multiforme en 2012 au Mali, les représentants de l’Etat ont payé un lourd tribut : des morts, des pertes et destructions de biens de toute une vie, des séquelles physiques indélébiles. «Les représentants de l’Etat sont le deuxième contingent en termes de pertes en vies humaines après les forces armées et de défense. De 1990 à nos jours, au total, 17 représentants de l’Etat, sans les épouses et les enfants, ont été tués du fait des différentes rébellions et des assassinats ciblés », a déploré Ousmane Christian Diarra.
A l’en croire, les représentants de l’Etat sont les plus exposés à l’insécurité que traverse le Mali depuis 2012. Selon lui, c’est au regard de l’insécurité et des menaces de morts que les deux syndicats ont demandé le repli de leurs militants, en attendant le désarmement promis par les plus hautes autorités. A rappeler aussi que face à la détérioration des conditions sécuritaires au Mali, le Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA), à l’issue de leur réunion extraordinaire conjointe du Samedi 16 février 2019 ont appelé leurs militants, se sentant en insécurité à rallier immédiatement Bamako. «Prenant à témoin les sages de la magistrature et l’opinion publique nationale et internationale ; rappelant que la sécurisation des citoyens, particulièrement celle de ses agents en mission, fait partie intégrante des fonctions régaliennes de l’Etat ; Constatent la non mise en œuvre des accords sécuritaires signés avec le gouvernement après expiration du délai convenu, soit le 15 Janvier 2019 ; Constatent aussi avec amertume la détérioration des conditions sécuritaires dans certaines juridictions et cela bien après la signature de l’accord ; Rappellent au gouvernement que le respect strict des engagements pris, est gage de bonne foi ; Appellent leurs militants, se sentant en insécurité dans leur juridiction à rallier immédiatement Bamako ou d’autres localités plus sécurisées », révèle le communiqué conjoint SAM/SYLIMA en date du 16 février 2019.
Il faut noter que depuis le début de l’année 2019, les attaques terroristes ont fait énormément de victimes au Mali. Le 1er janvier 2019, il y a eu l’attaque de Koulongo dans la région de Mopti faisant 37 morts. Le 17 mars 2019, l’attaque de Dioura (Mopti) a fait 30 morts. Le 23 mars 2019, le village d’Ogossagou dans la région de Mopti a été entièrement décimé faisant 160 morts. Le 15 mai 2019, l’attaque de Hèrèmakono dans la région de Ségou a fait 15 morts. Le 10 juin 2019, il a y a eu l’attaque de Sobame Da faisant plus de 30 morts. Le 17 juin 2019, l’attaque de Gangafani (Mopti) a fait 41 morts. Le 1er octobre 2019, ce fut l’attaque du camp militaire de Boulkessi et de Mondoro faisant 40 morts. Le 1er novembre 2019, l’attaque terroriste perpétrée contre le camp militaire des FAMA (Forces armées maliennes) à Indélimane (Ménaka) a fait 54 morts, des blessés et des dégâts matériels importants. L’Etat est donc appelé à prendre ses responsabilités pour assurer la sécurité des personnes et de leurs biens.
Aguibou Sogodogo
Aujourd’hui-Mali