Alors qu’elle croule sous le poids des bourdes qu’elle accumule et qui n’en finissent pas d’avilir la Cour constitutionnelle à l’instar de sa scandaleuse lettre du 22 octobre 2019 sommant Alpha Oumar KONARE de la rejoindre dans l’arène politique où elle semble s’être profondément embourbée, Manassa DANIOKO continue de braver l’indépendance de la Cour constitutionnelle du Mali.
C’est ainsi que sur le site Web de la Cour décidément abonnée de manière gratuite aux bourdes de sa Présidente encombrante, on découvre ce qui suit en cliquant sur la fenêtre « Actualité » : « Cour constitutionnelle du Mali : Spots d’information et de sensibilisation du vote référendaire de 2019 ».
Voici donc la Cour constitutionnelle qui s’illustre par le coup de pub d’un vote référendaire dont les préalables ne sont pas validés au regard des dispositions constitutionnelles. Ce document n’est certainement pas un torchon et c’est tant mieux ! Il soulève toutefois de sérieuses inquiétudes et interrogations d’autant plus légitimes qu’il n’est pas courant, encore moins républicain, de voir une Cour constitutionnelle élaborer et publier des spots d’information et de sensibilisation sur le référendum d’une révision constitutionnelle controversée sans loi constitutionnelle votée ni collège électoral convoqué jusqu’à ce jour. C’est pourtant ce que la Cour constitutionnelle a osé infliger à la démocratie malienne en publiant des « Spots d’information et de sensibilisation du vote référendaire de 2019 ». En quoi Manassa DANIOKO serait-elle fondée, au regard des principes et valeurs de la République, à assurer, tel un agent marketing à travers des spots publicitaires, le service après-vente d’un chimérique « vote référendaire prévu pour 2019 » ? La réponse est évidemment un « non » catégorique, sauf à ne pas avoir comme au Mali, une Présidente de Cour constitutionnelle passablement convertie aux rigueurs de la démocratie et de l’Etat de droit et à la posture institutionnelle plus politicienne que juridique.
Des Spots publicitaires sur fond d’erreur de définition du référendum
Dans le fond, les « Spots d’information et de sensibilisation du vote référendaire de 2019 » renvoient au triste souvenir d’un fâcheux précédent amateurisme juridique de la Cour constitutionnelle. Ce charlatanisme juridique avait consisté de sa part à prétexter d’un rôle pédagogique douteux, pour pondre trois fascicules bourrés d’erreurs d’interprétation fantaisiste de la loi électorale dans le cadre d’un soi-disant « Programme pédagogique d’action de formation et d’information sur les élections de 2018 ». Les Spots relèvent de la même bévue parrainée par une Présidente juridiquement et institutionnellement obsolète. Ce que l’on retient davantage des Spots, c’est moins leur côté grotesque que le fait que le coup de Pub de Manassa DANIOKO se plante sur le référendum qu’il définit comme « un vote qui permet au citoyen de choisir, de s’exprimer par oui ou par non sur une loi de révision constitutionnelle ! ». Cette définition que Manassa DANIOKO donne du référendum est scandaleusement réductrice de la portée juridique réelle de ce mode de votation. Elle véhicule à tort, l’idée aberrante et juridiquement bancale comme quoi le référendum se réduirait uniquement « au vote d’une loi de révision constitutionnelle ». Or, il n’en est rien, même pour l’étudiant de Licence en droit qui ne s’y tromperait guère. De manière évidente, Manassa DANIOKO abuse ici de la toge de la Présidente de Cour pour écouler la pacotille juridique d’une définition escamotée du référendum tirée par les cheveux, qui se ramène à un déni de reconnaissance de la réalité juridique des deux formes de référendum que sont le référendum législatif prévu à l’article 41 de la Constitution et le référendum constituant prévu en son article 118. La définition affichée sur le panneau publicitaire de Manassa DANIOKO comme étant celle du référendum, s’avère en fait celle d’un type particulier de référendum qui s’appelle le référendum constituant. Mais outre les légèretés juridiques qu’ils colportent, les Spots de Manassa DANIOKO témoignent éloquemment du parti pris évident de la Cour constitutionnelle dans des enjeux politiciens qui ne la regardent pas et où elle n’a point à se fourrer le nez.
Des Spots publicitaires anticipés sur un référendum dont la procédure de révision constitutionnelle n’est pas validée par la Cour
Au Mali, la révision constitutionnelle est soumise à des limites de fond et de temps ainsi qu’à des conditions de forme. Les entorses à ces limites ainsi que le non-respect de ces conditions peuvent amener le juge constitutionnel à infliger des sanctions susceptibles d’hypothéquer de manière irrémédiable toute opération de révision constitutionnelle y compris la phase référendaire qui en découle. L’Arrêt CC-n°01-128 du 12 décembre 2001 invalidant la loi de révision constitutionnelle sous le Président Alpha Oumar KONARE en est la preuve matérielle irréfutable. Cet Arrêt rappelle fort opportunément que « le contrôle de constitutionnalité de la loi portant révision de la constitution consiste à l’analyser pour déterminer si l’autorité qui en a pris l’initiative est habilitée à le faire de par la Constitution, si le quorum indiqué par la Constitution a été atteint lors de son vote par l’Assemblée nationale, si son vote n’a pas eu lieu alors qu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire et enfin si elle n’a pas révisé les normes qui de par la Constitution ne peuvent faire l’objet d’une révision… ». La Cour va ainsi conclure à l’inconstitutionnalité de la loi de révision constitutionnelle du Président Alpha Oumar KONARE en ces termes : « Considérant que si le texte publié est différent de celui voté par l’Assemblée nationale il est en toute logique inconstitutionnel car n’ayant pas été voté dans son entièreté et tel quel par l’Assemblée nationale à la majorité requise conformément à la Constitution ; qu’en l’espèce le texte publié dans le Journal Officiel le 18 octobre 2001 est différent en plusieurs de ses dispositions du texte voté par l’Assemblée nationale le 21 juillet 2000 ; qu’il y a donc lieu de déclarer la loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 telle que publiée au Journal Officiel spécial n° 5 du 18 octobre 2001 inconstitutionnelle ». S’il arrive que la loi de révision constitutionnelle soit déclarée inconstitutionnelle, il ne peut être tenu aucun référendum constitutionnel. C’est ainsi que l’initiative de révision constitutionnelle du Président Alpha sévèrement stoppée par la Cour constitutionnelle, a été avortée et n’a pu de ce fait aborder la phase référendaire. Manassa qui plébiscite le référendum constitutionnel de IBK a-t-elle déjà validé en amont la procédure de révision constitutionnelle dont dépend cette opération référendaire ?
Des Spots de parti pris anticipé en faveur du référendum de IBK !
La question vaut son pesant d’or, car Manassa DANIOKO ne se contente pas seulement de servir d’agent commercial du référendum avarié de IBK qu’elle tente d’écouler sur le marché politique. Au mépris de l’indépendance de la Cour constitutionnelle qu’elle préside, elle prend position dans sa campagne référendaire anticipée en faisant l’éloge du projet présidentiel de tripatouillage de la Constitution du Mali. Ce parti pris de la part d’une institution indépendante apparaît clairement dans la propagande des Spots. Les Spots ne se limitent pas à reproduire quelques banalités tirées de la Constitution : indépendance, souveraineté, indivisibilité, laïcité, droits fondamentaux… Ils s’arrangent surtout à mettre sous le boisseau, les implications néfastes évidentes sur ces principes et garanties fondamentales, d’une révision constitutionnelle anti démocratique et rétrograde que le Président IBK tente d’imposer au peuple malien. Mais plus grave, les Spots divaguent sur le « pourquoi du pourquoi » de la révision et du référendum. S’agissant de la révision de la Constitution, il paraît que « c’est pour l’adapter au contexte socio-politique ; parce que les constitutions reflètent les sociétés, les modes de vie qui évoluent ». Quant au référendum constitutionnel, nous apprenons comme si cela n’était pas évident, que « c’est pour réviser la Constitution du 25 février 1992 ». Manassa DANIOKO finit par lever le voile de sa pub en présentant le référendum que les Spots exposent aux enchères comme un « facteur d’union et de réconciliation ». Y participer, selon la même propagande de mauvais goût, « c’est participer à l’édification d’un Mali nouveau, un Mali réconcilié, un Mali en paix, un Mali moderne en harmonie avec le monde moderne » ! Rien que des baratins …. Et dire que ces affabulations à dormir debout tombent de la bouche d’une Cour constitutionnelle ! La Cour constitutionnelle érigée en officine au service du Président IBK ?
Des Spots publicitaires qui confortent la posture politicienne de la Cour
Cette autre question non moins choquante se pose également. Car, comment une Cour constitutionnelle digne de ce nom, qui ne profane pas les valeurs de l’Etat de droit, peut-elle, sous le fallacieux prétexte d’information et de sensibilisation, se permettre de jouer au porte-voix du référendum d’approbation d’
une révision constitutionnelle juridiquement problématique ? Comment Manassa DANIOKO peut-elle justifier son implication personnelle dans la tenue d’un « vote référendaire de 2019 », dont la révision constitutionnelle qui lui sert d’objet demeure vivement contestée autant au regard de son opportunité que de ses conditions de fond et de forme sur lesquelles la Cour est censée se prononcer en toute indépendance, y compris en stoppant le cas échéant, pour raison d’inconstitutionnalité, tout le processus de révision ?
De quel vote référendaire de 2019 rêve cette Présidente, alors que la procédure de révision constitutionnelle n’en est qu’à ses toutes premières phases marquées par ce lamentable avant- projet de loi de révision mal ficelé dont le sort demeure jusqu’à ce jour incertain ? De quoi se mêle la Présidente de la Cour constitutionnelle alors qu’aucun collège référendaire n’a été convoqué pour 2019 par le gouvernement ? Enfin, quelle réconciliation possible, étant donné l’indépendance statutaire de la Cour constitutionnelle, entre l’engagement politicien des Spots de Manassa DANIOKO communicante improvisée d’un « référendum constitutionnel de 2019 », et la mission constitutionnelle assignée à la Cour qui consiste justement à trancher le contentieux de la régularité de la phase préalable de la procédure de révision constitutionnelle au regard de l’article 118 ? Il va de soi que ces questions fondamentales qui mettent au grand jour la posture politisée de la Cour constitutionnelle du Mali défigurée par une présidence d’amateurisme inqualifiable et d’excentricités juridiques, enlève toute crédibilité à la campagne publicitaire inappropriée des « Spots d’information et de sensibilisation du vote référendaire de 2019 ».
Au total, l’attitude inqualifiable de la Présidente Manassa DANIOKO qui plébiscite le référendum d’une révision dont la régularité de la procédure est sujette à caution, ne peut être comprise que comme la preuve du caractère superfétatoire de toute contestation éventuelle en inconstitutionnalité vouée d’office à l’échec. Il paraît peu vraisemblable que la Cour soit assez stupide pour ne pas valider une révision constitutionnelle dont elle assure déjà elle-même de manière anticipée, la propagande officielle du référendum constitutionnel qui en découle. Les spots publicitaires de la Cour constitutionnelle ne sont ni plus ni moins que l’opération de blanchiment d’une tentative irrégulière et rétrograde de révision constitutionnelle. Manassa DANIOKO qui se libère ainsi des contraintes de la Présidente de Cour constitutionnelle républicaine, est devenue l’idéologue de ce nouveau constitutionnalisme au rabais qui se ramène en fait à la transformation de la légalité constitutionnelle en concept opportuniste et politicien à géométrie variable. Tel un cambrioleur apeuré de se faire prendre la main dans le sac, la Cour constitutionnelle du Mali s’abrite toujours pour ce faire, derrière la « régulation du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ». Pendant combien de temps encore Manassa DANIOKO continuera-t-elle ainsi de bafouer la République et l’Etat de droit sous de tels fallacieux prétextes ? C’est toute la question. Et elle interpelle tous les esprits épris d’éthique républicaine et d’Etat de droit au Mali.
Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences
Juridiques et Politiques de Bamako (USJP)
Source: L’Aube