Le cycle de violences ne faiblit pas au Mali, et dans la zone du Sahel de manière générale. Malgré la fédération des pays concernés autour de ce que l’on pourrait qualifier de MINUSMA du Sahel, les moyens à disposition sont loin d’être à la hauteur des ambitions affichées. Le nerf de la guerre manque cruellement, et le vide abyssal laissé au grand désert par les Etats concernés a fait place à un véritable sanctuaire où terroristes et narcotrafiquants sévissent assez facilement.
Lors du Forum international de Dakar sur la paix, l’accent a été mis par le président sénégalais Macky Sall sur l’incohérence sécuritaire que constitue le nord malien. On y trouve les casques bleus de la MINUSMA, les troupes Barkhane ainsi que désormais celles du G5 Sahel. Malgré cette forte militarisation, les soldats maliens tombent par dizaines. En même temps, la mission onusienne au Mali est la plus meurtrière pour les casques bleus (129 à la date d’octobre 2019). Constat évident, l’état de santé sécuritaire de la zone s’est rarement aussi mal porté.
Face à ce constat d’échec, la France qui semble être la mieux armée pour mettre hors d’état de nuire les narcoterroristes cherche peu à peu à trouver des alliés au sein de la communauté internationale. Elle qui faisait mordre la poussière à la bande à Abou Zeid et autre Mokhtar BelMokhtar, n’imaginait pas que sa guerre au nord malien allait connaitre un tel enlisement. Grosse erreur diplomatique, l’après-affrontement avec les groupes terroristes en 2013 a très peu été anticipé, voire pas du tout. Avec Barkhane, la France espérait se désengager peu à peu du Mali (seulement 4500 hommes), car la guerre coute très cher. La MINUSMA installée entre temps devait contribuer à une relative stabilité. Plus de cinq ans après, la France est comme piégée. Les casques bleus sont prisonniers d’un mandat « léger », la montée en puissance des FAMa tarde et Barkhane n’est pas assez fourni en troupes pour faire la guerre partout au Mali, à fortiori couvrir tout le Sahel.
Les appels à l’aide camouflés envers la communauté internationale se multiplient. Par le biais des Etats du Sahel, la France demande au Conseil de Sécurité des Nations-Unies de doter la MINUSMA d’un mandat robuste. Ainsi, les casques bleus en place au Mali pourront activement participer à des missions militaires et mener des offensives contre tout contrevenant à la paix. Elle fait appel aussi à la solidarité de ses pairs européens notamment l’Allemagne qui est déjà présente au sein de la MINUSMA, mais de façon assez marginale. En fait, toute aide militaire venant de la communauté internationale est la bienvenue.
Mais le changement de mandat des casques bleus en place au Mali ne peut se faire avec les mêmes éléments en place car composés pour la plupart de soldats très peu aguerris à la guerre. Dans un tel cas de figure, il faudrait revoir une grande partie de la composition des casques bleus de la MINUSMA et sonder les pays à fort potentiel militaire afin qu’ils envoient sur le territoire malien leurs éléments les plus aguerris. Le tout avec une stratégie militaire claire et une bonne connaissance de l’environnement sécuritaire. Il s’agirait là d’une toute autre démarche diplomatique au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU. Dans un contexte international marqué par le nationalisme, le repli sur soi et une très grande méfiance envers toute initiative va-t-en guerre, très difficilement, une telle initiative emporterait l’adhésion des Etats disposant du veto.
Hélas, personne ne veut prendre la peine de s’emmêler les pinceaux dans ce bourbier diplomatico-sécuritaire. Le Mali et la zone du Sahel représenteraient très peu d’intérêts sur le plan de la géopolitique. De plus, la région paraitrait aux yeux de beaucoup comme des territoires toujours sous domination française exclusive.
Toutefois, la communauté internationale a une grande part de responsabilité, elle qui s’était aveuglement lancé dans une chasse à l’homme dans la Grande Jamahiriya. Pour rappel, la Lybie post-khadafi s’était transformée en une véritable armurerie à ciel ouvert, sans oublier la légion étrangère de l’ancien guide composée pour beaucoup par des combattants touaregs d’origine malienne. De ce fait, elle se doit de pleinement aider les pays du G5 Sahel à relever leur défi sécuritaire.
Mais en attendant cette prise de conscience internationale, les pays de la zone peuvent essayer de régler le problème autrement. Car le fond du problème n’est pas que militaire. Il est aussi et surtout socio-économique. Les Etats du Sahel devront donc tenter de combler le vide laissé par eux dans le grand désert en créant des opportunités d’emplois et de développement, une crédible alternative pour un jeune de la zone qui adhère aux groupes armés surtout par nécessité.
Ahmed M. Thiam
Inf@sept