Le pape François a encouragé vendredi l’Église catholique de Thaïlande -pays majoritairement bouddhiste- à ne “pas avoir peur” d’adapter son discours à la culture locale pour attirer de nouveaux fidèles, particulièrement des jeunes obsédés par le consumérisme et la technologie.
L’un des leitmotiv du pontificat du pape argentin est de se rendre dans les “périphéries” de la planète pour y “encourager” des communautés isolées mais susceptibles de croître.
Sur plus de 1,3 milliard de catholiques recensés dans le monde, l’Asie compte seulement 145 millions de baptisés (3,28% de la population).
Et, moins de 0,6% de la population est catholique dans la Thaïlande bouddhiste, soit quelque 400.000 personnes.
Dans ce contexte, le souverain pontife a incité les religieux et religieuses thaïlandais à ne pas baisser les bras, même s’ils sont “peu nombreux”.
Il les a encouragés – comme les missionnaires qui ont commencé à évangéliser le pays au XVIe siècle- à “ne pas avoir peur de chercher de nouveaux symboles et images”, une “musique particulière” pouvant parler aux Thaïlandais.
Dans la tradition chrétienne, “l’inculturation” consiste à intégrer dans l’enseignement de l’Église les traditions et la culture locales.
“Pour beaucoup la foi chrétienne est une foi étrangère, la religion des étrangers”, décrit le pape. Il faut donc “oser” parler de foi “en dialecte” local et aller bien au-delà des simples traductions des textes.
François ne prône pas le prosélytisme agressif qui a marqué le passé de l’Église catholique, une attitude qui serait d’ailleurs très périlleuse pour les chrétiens minoritaires de certains pays moins tolérants que la Thaïlande.
Mais il répète sans cesse qu’il faut attirer les fidèles en agissant concrètement sur le terrain.
En Thaïlande, les prêtres et évêques doivent se préoccuper du “fléau des drogues et de la traite des personnes” dont le pape a déploré les ravages lors de son voyage thaïlandais. Ils doivent aussi s’attaquer aux “inégalités économiques et sociales”, a-t-il dit.
– Consumérisme de jeunes –
S’exprimant devant les évêques de Thaïlande et la Fédération des conférences épiscopales asiatiques (FABC), le souverain pontife a toutefois reconnu la difficulté de leur tâche face à “un consumérisme et un matérialisme grandissants, surtout dans les rangs des jeunes” fascinés par les nouvelles technologies.
Les Thaïlandais passent déjà plus de neuf heures par jour à consulter internet sur leur smartphone, ce qui les place dans le club des cinq pays les plus gros consommateurs au monde, d’après différentes études.
Le pape doit clore sa journée en célébrant une messe pour les jeunes dans la cathédrale de Bangkok au lendemain de l’office dans le grand stade de la capitale devant quelque 60.000 fidèles.
Vendredi, le souverain pontife a encore été accueilli par une foule nombreuse et enthousiaste, certains scandant “Viva Il papa!”.
Bunthom Bun-arunraksa, 90 ans, qui avait aidé à organiser la dernière visite d’un pape en Thaïlande, celle de Jean Paul II en 1984, était aux anges. “Voir le pape François aujourd’hui est comme un don de Dieu”, a-t-il confié à l’AFP.
Armee Chermuer, 46 ans, issue de la minorité ethnique Akha a, elle, voyagé pendant dix heures pour venir du nord du pays, regrettant que ses amis n’aient pas pu quitter le travail pour l’accompagner. “C’est une occasion unique. Ma vie et ma santé seront protégées”.
Et, parmi l’équipe de volontaires qui organise la visite papale, une adolescente bouddhiste, Thipwaree Aunruean, ne cachait pas son admiration pour François, 82 ans, saluant la foule. Pour elle, “le pape est un modèle, un grand homme. Il aime les enfants et les jeunes, il ne fait pas de discrimination entre religions”.
Fervent adepte du dialogue interreligieux, le pape a rencontré jeudi le 20e patriarche suprême, Somdej Phra Maha Muneewong, dans un haut lieu du bouddhisme, pratiqué à plus de 95% dans le royaume.
Les catholiques ont toujours “joui de la liberté dans leur pratique religieuse” dans ce pays, a loué le pape, dans un temple dominé par un bouddha géant doré.
Vendredi, de jeunes musulmans du sud de la Thaïlande, en proie à un conflit séparatiste qui a fait quelque 7.000 morts depuis 2004, chanteront pour lui dans une grande université de Bangkok.
François s’envole samedi pour le Japon, une deuxième étape beaucoup plus politique puisqu’il se rendra à Nagasaki et Hiroshima, où il y a 74 ans deux bombes atomiques américaines firent respectivement 74.000 et 140.000 morts.
AFP