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Nord du Mali : Les vraies raisons de la colère contre la France

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Applaudie en 2013, la France a vite perdu l’estime que lui vouaient les populations maliennes. Celles-ci la suspectent de prêter main forte aux rebelles de Kidal. Ainsi, dans les rues de Bamako, on clame désormais haut et fort cette duplicité de l’Hexagone et des manifestations hostiles deviennent fréquentes. Au-delà, des questions sont posées : Que cherche la France au nord du Mali ? Plus précisément : quelles sont les visées de l’Hexagone sur Kidal?

Des questions d’autant plus légitimes que la France se montre intimement attachée à la 8è région administrative du Mali. Subterfuges politiques, dépenses mirobolantes, acheminement de matériels non identifiés, dépôt de déchets nucléaires et stationnement de la force Barkane à Kidal… La France a-t-elle un agenda caché pour le nord du Mali ? Beaucoup de choses se disent à ce sujet.

Du coup, l’essentiel est relégué au second plan, à savoir la stabilisation du Mali. En effet, malgré Barkhane, qui a remplacé, le 1er août 2014, l’opération Serval déclenchée début 2013 au Mali, et la Minusma, le septentrion malien n’a pas vu diminuer les activités des djihadistes et d’autres éléments armés qui s’y sont confortablement installés. Les affrontements récents entre groupes rebelles le certifient de la belle manière, tout comme les embuscades quotidiennes et les explosions des mines dans les régions de Mopti, Tombouctou et Gao. Aujourd’hui au Nord, rien ou presque n’a encore été réglé.

La France avait déjà annoncé ses prétentions en 2013, quand, lors de la libération des régions du nord, l’armée malienne a été laissée au bord de la route par les forces françaises qui les ont empêchées d’entrer à Kidal au moment de la libération du nord en janvier 2013. Ensuite, sur ordre de la France, 250 militaires maliens ont été acceptés à Kidal.

De Serval à Barkhane

Au sein de l’opinion malienne, l’on est convaincu que la rébellion touarègue a fait un compromis avec l’Otan et la France en abandonnant Kadhafi en pleine crise libyenne. Le marché était que si elle quittait le sud de la Libye, la France l’aiderait au mieux dans ses revendications au Mali. Vrai ou Faux ? Au vu de certains évènements troublants, l’on est tenté de croire à la thèse du complot contre la République du Mali.  Et pour cause, la rébellion du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui a commencé ses attaques le 17 janvier, a été aussitôt condamnée par la Cedeao, l’Union africaine (UA) et les États-Unis. Mais pas explicitement par la France.

Aussi, combattu par leurs alliés djihadistes, Serval dans son intervention pour libérer le Mali a permis la régénération du Mnla. Et certains médias français se sont investis pour séparer théoriquement ce mouvement des djihadistes. Alors que lors de l’occupation du Nord, les populations se sentaient plus en sécurité avec Aqmi et Mujao qu’avec le Mnla qui violait, pillait, volait et tuait sans état d’âme.

Autant d’actes qui ont longtemps cristallisé la colère des Maliens contre la puissance colonisatrice. Et le fossé s’élargisse, au rythme des actions de Barkhane en faveur de la Coordination des mouvements de l’Azawad, chaque fois que celle-ci est menacée. Pas aussi lointain que la semaine dernière, de violents affrontements avaient opposé les combattants du Gatia (Groupe d’auto-défense touareg Imghad et alliés) aux éléments de la CMA. La suite est connue… Le Gatia a fini par abandonner la ville de Ménaka et de Kidal. En réalité, le Gatia avait subi la pression (l’intervention ?) des forces françaises et de la Minusma. Ce n’était pas une première.

En effet, en juillet 2016, des responsables du Gatia et de la Plateforme avaient dénoncé l’ingérence française en ces termes : « les français ont sauvé leurs protégés ». C’était à la suite de violents combats à Kidal. On se souvient aussi que la plateforme avait pris la localité de Ménaka, le 27 avril 2015. Elle sera contrainte, à la faveur d’un « arrangement sécuritaire » de quitter cette localité. Il s’est avéré que la pression de la médiation visait surtout à satisfaire les désidératas de la CMA, qui avait fait de ce retrait un préalable à la signature de l’accord de paix déjà entériné le 15 mai 2015 par le gouvernement malien et ses alliés. Également, toujours sur fond de chantages et de fourberies, la CMA avait aussi réussi à retrouver ses positions à Anéfis, d’où elle avait été chassée par la Plateforme, en septembre 2015. Pour y revenir, la Cma a dû faire appel à ses soutiens occultes. Après les évènements d’Anéfis, survint ceux de Kidal. Là également, les casques bleus de la Minusma ont unilatéralement établi (18 août 2015) une zone de sécurité autour de la ville de Kidal, afin d’empêcher le Gatia d’entrer dans la ville de Kidal. En réalité, le jeu était orchestré par la France qui fait tout pour maintenir Kidal sous le contrôle des rebelles de la CMA. Conséquence : l’autorité de l’État n’a pas été retrouvée (à Kidal) et ne peut pas l’être, puisque la France l’interdit.

Au-delà, la question majeure qui se pose aujourd’hui est : que font les militaires français déployés au nord du Mali?

 

Prédiction du Guide Kadhafi

Certains Maliens pensent que les terroristes ne sont pas l’objectif de cette guerre. Ils sont seulement le prétexte. Pour eux, l’intervention française au Mali camoufle un projet d’accaparement des richesses naturelles du pays. Le nord du Mali est considéré par beaucoup de spécialistes de la question comme une zone extrêmement riche en uranium et autres ressources minières.

Ainsi, l’objectif de cette guerre serait, à long terme, de maintenir en permanence sa présence militaire au Mali, en faire un Etat sous tutelle des Occidentaux pour leur réserver l’exclusivité des richesses du pays.

Le Guide de la Révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, avait (en 2010) alerté sur les prétentions des Occidents dans le Sahara. Particulièrement, il avait attiré l’attention sur la présence dans le nord du Mali des trafiquants, des animistes et des Salafistes qui offrent des prétextes aux Occidentaux pour s’installer dans le Sahara. Le dirigeant libyen était toujours resté convaincu que tout conflit dans les pays du grand Sahara ne sert en réalité que des intérêts occidentaux. «Malheureusement, nos ressources sont pillées par les occidentaux et on les laisse faire. Au même moment, nos enfants souffrent de manque de soins, d’éducation et de chômage. Ils sont sur le chemin de l’émigration», s’indignait-il. Ce message était adressé aux représentants des communautés de Gao, reçus chez lui dans son palais. Ce 25 août 2010-là, le Guide avait averti les invités à propos du nord du Mali. Ils devaient s’entendre, dit-il et déposer les armes, pour ne pas ouvrir définitivement le chemin à la France.

En vrai visionnaire, le Guide avait l’intime certitude que les Occidentaux (pour ne pas nommer les Français) utiliseraient le double prétexte de l’insécurité et du sous-développement pour envahir le nord du Mali.

 

Grosse colère des Maliens…

Aujourd’hui, le pouvoir à Bamako n’a ni le courage ni la force, encore moins les tripes solides pour accuser Paris de soutenir la rébellion touarègue. Laquelle a bien compris la complexité des enjeux, en insistant dans sa communication sur son opposition aux djihadistes. Et en prétendant réussir à lutter contre ces derniers, là où précisément le Mali a jusqu’à présent échoué.

Cependant, le peuple malien ne cache pas sa colère et ne mâche pas non plus ses mots.

Dans les colonnes des journaux et/ou à travers des manifestations, des Maliens dénoncent le jeu trouble de la France. La dernière manifestation en date : sit-in des jeunes devant l’ambassade de la France, le 3 août dernier. Ce jour-là, ils étaient une centaine à dénoncer ce qu’ils appellent « la partialité de la France » dans le conflit qui opposent l’Etat malien aux groupes armés. Sur les pancartes des manifestants, on pouvait lire « France = Mnla ». Des messages accusateurs qui remettent en cause la mission de lutte contre le terrorisme de la France au Mali. « Lorsque les français sont venus, ils ont libéré Gao, Tombouctou sauf Kidal. Pourquoi pas Kidal ? », s’interrogeaient les manifestants. « Kidal la cité interdite. Kidal avec un autre drapeau différent de celui du Mali sous les yeux de la Minusma et de la force Serval devenu entre-temps force Barkhane », s’indignait un autre manifestant.

Sambou Diarra

(L’Aube 914 du  14 aout 2017)

SourceL’Aube

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