Accueil Société Barkhane : Coupable ou Victime ? Le prix du mépris !

Barkhane : Coupable ou Victime ? Le prix du mépris !

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Si le sentiment antifrançais s’explique parfaitement aujourd’hui au Mali et au Sahel en général suite aux errements de Barkhane, il serait exagéré, en tout cas hasardeux de tenir cette armée seule et unique responsable du déboire des pays du Sahel.  Et pour cause, il existe-là des forces obscures évoluant parallèlement aux côtés de Barkhane et poursuivant des enjeux autant économiques que stratégiques et à l’origine de graves confusions. Toute chose cependant loin de disculper la France. Au contraire ! Décryptage !

Plus d’un siècle de «relation», de «cohabitation» et surtout empreint de domination et d’exploitation, ne peut engendrer que des sentiments amicaux. Comme pour dire qu’il existe forcément un contentieux historique entre Maliens et Français et susceptible, selon les aléas politiques, de prendre des dimensions inattendues. Aujourd’hui avec la «promiscuité» du fait de la présence de Barkhane, il n’est pas rare que ce contentieux se manifeste plus fréquemment, les Maliens tenant pour responsables l’ancien colonisateur de tous leurs déboires et ce dernier, visiblement perdu dans ses propres calculs «stratégiques».

Ces errements de la France au Mali !

Kidal est manifestement le problème entre Maliens et Français.  Venue en libérateur, l’armée française a plutôt pris position et réconforté la rébellion touarègue dans sa tendance sécessionniste. Et si les choses en restent-là, les Maliens ne lui pardonneront jamais cette trahison.  Jamais !

La sincérité des Français sera encore mise à rude épreuve suite à l’enlèvement suivie de l’exécution des confrères Ghislaine Dupont et Claude Verlon en novembre 2013 près de Kidal. Les Maliens ne sont pas seuls à soupçonner les forces spécialistes françaises d’être mêlées à cette opération. La mère de Ghislaine, Marie-Solange Poinsot en personne a déclaré à l’ONU que «l’armée [Française] détient la vérité» dans cette affaire.

Aujourd’hui, 7 ans après le double assassinat, une certaine opacité entoure toujours le dossier nonobstant la présence de Barkhane dans la ville interdite. Selon des indiscrétions, les deux journalistes de RFI auraient tout simplement mis à jour la complicité de l’Elysée dans la situation actuelle de Kidal.  L’armée française les aurait donc livrés à leurs bourreaux lesquels n’ont encore été retrouvés malgré les moyens colossaux mis en œuvre par Barkhane en vue de les retrouver. Vous connaissez la fameuse histoire du chercheur d’aguille dont le pied couvre l’objet perdu ?

Le troisième constat d’ordre sécuritaire à l’origine des soupçons maliens est relatif à Iyad Ag Aly et Amadou Kouffa. Le Premier a été plusieurs fois aperçu à Kidal, (la ville pourtant interdite aux FAMAS), sous contrôle du MNLA avec ce qu’il convient appeler la bénédiction de la France.

Voyez-vous ? Barkhane prétend activement rechercher Iyad et justifie sa présence à Kidal par ce motif, entre autres raisons. Et pourtant, le 27 janvier 2013, l’aviation française a localisé et bombardé avec précision la maison de celui-ci(Ag Ghali)àKidal. Autant dire qu’ils (les Français) disposent de moyens de localisation et d’identification appropriés pour mettre Iyad hors d’état de nuire !

Aussi, l’on sait avec certitude que le prétendu homme le plus recherché par la France séjourne très souvent à Kidal, ville sous contrôle du MNLA allié de cette France. Le paradoxe est évident et est très logiquement à l’origine du doute et de la colère des Maliens !

S’agissant de l’autre ennemi public N° 1 des Maliens, à savoir Amadou Koufa, la Ministre des armées françaises l’a fait «abattre» en Novembre 2018 avant de le faire «ressusciter» quelques mois plus tard.

En novembre 2018, Florence Parly déclarait en effet sans ambages : «Cette nuit l’opération Barkhane a mené une action d’ampleur complexe et audacieuse qui a permis de neutraliser un important détachement terroriste au sein duquel se trouvait probablement l’un des principaux adjoints de Iyad ag Ghali, HamadounKouffa, chef de la katibaMassina».

Mais patatras ! En Février 2019, réapparait le fantôme, bien en chair et en os. De quoi discréditer les officiels français aux yeux des Maliens et surtout, de faire naître un doute affreux dans les esprits malins, pardon, Maliens !

Ces errements, disions-nous, sont à l’origine du récent sentiment antifrançais, sans parler, bien entendu, de la colère et de la frustration liées au scandale du F CFA. Au Sahel, l’on s’accommodait et vivait pourtant bien avec cet aléa économique. Ce sont les incertitudes nées de Barkhane (SERVAL fut plutôt bon-enfant) qui ont trahi les espoirs au Sahel et réveillé le démon.  Pour autant…

La France n’est pas seule… Il y a bien une guerre par procuration au Sahel

Le Mali ne disposant de flotte aérienne pour cause d’avions «cloués au sol faute de maintenance», tout hélico aperçu dans le ciel ou dont la présence est annoncée sur un théâtre d’opérations, est systématiquement catalogué français. Et tout jihadiste de type européen, combattant de l’Etat Islamique (DAECH) ou autre entité d’obédience jihadiste est de facto français, voire de l’opération Barkhane ! La situation est hélas, loin d’être simple !  Ces stéréotypes ne sont pas très souvent conformes à la réalité !

En vérité, tout hélico en activité dans le ciel sahélien n’appartient pas à Barkhane et tout combattant jihadiste étranger de type européen n’est pas français ! C’est la triste réalité !

Dans les faits, le Sahel est devenu eldorado pour les prétendus professionnels de la sécurité (lire article «Le Sahel, nouvel eldorado pour les compagnies militaires privées».

En clair, il existe sur le terrain de très nombreuses entreprises privées dont les services sont souvent loués par des puissances étrangères (France, USA, Russie, etc.), et même par l’ONU. Ces entreprises sont Russes, américaines, Ukrainiennes, françaises, etc. La situation est jusque-là, quelque peu simple.

Elle se complique à partir de l’instant où les jihadistes arrivent aux affaires dans les pays d’origine de ces entreprises privées ou négocient eux-aussi, des contrats. C’est le cas de l’Ukraine, ce pays de l’ex-Union Soviétique aujourd’hui envahi par les combattants de DAECH de retour de Syrie, d’Irak et autres points chauds du globe.

Ces combattants de DAECH, toujours actifs y sont bien accueillis parce que censés participer à la guerre contre les indépendantistes russes en Ukraine. Ainsi, ils sont censés sous contrat avec les autorités ukrainiennes, ici et ailleurs, dans le but de compromettre l’hégémonie russe, aidés en cela par les détracteurs de Moscou.

Et bien évidemment, de la même manière, toutes les puissances étrangères, y compris la Russie, entretiennent des contrats avec ces sociétés privées, selon leurs spécificités, orientations et intérêts. Toutes disposent de moyens colossaux (des hélicos de combats, avions de transport de troupes, ou médicalisés, et surtout de combattants, etc.).

Aussi, par le truchement de ces sociétés privées pour la plupart dirigées par d’anciens officiers des pays concernés, les puissances étrangères espèrent bien régler de petits comptes entre elles. Ni vu, ni connu !

En marge donc de la «guerre contre le terrorisme au Sahel», se cachent bien d’enjeux géopolitiques, stratégiques et surtout miniers et par conséquent, d’opérations. Plusieurs guerres dans une guerre !

Et tous les intervenants commettent la même erreur que la France : le mépris à l’endroit des armées nationales. Et tous, comme la France, risqueront bien d’en payer le prix. Ce n’est qu’une question de temps !

B.S. Diarra

SourceLa Sentinelle

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