Ils étaient nombreux les Maliens qui s’attendaient à voir le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, tendre véritablement sa main à une frange importante de la société qui boycotte le dialogue national inclusif, en acceptant tout simplement, face aux urgences de l’heure et à la nécessité que les Maliens se trouvent pour sauver le Mali, les conditions exigées par celle-ci ! Mais hélas, il s’est juste contenté de faire un remake des refrains habituels, à croire que le premier des maliens n’a toujours pas véritablement pris la mesure de la menace qui pèse sur le Mali !
Et quelles sont les exigences de ceux qui boycottent le dialogue ? Rien de si herculéen, ils souhaitent juste que les conclusions et les recommandations issues du dialogue national aient un caractère exécutoire et contraignant pour le pouvoir et pour tous les maliens, et dont le suivi doit être fait par un Comité paritaire indépendant, cela pour ne pas subir le même sort réservé aux conclusions de la Conférence d’entente nationale (CEN) de 2017.
Mais comme l’a dit IBK lui-même, «voici que pour la troisième fois en six (06) mois, l’enjeu particulier du moment m’amène à m’adresser à vous. Ce soir (ndlr: samedi soir) également, ce soir comme les fois précédentes, comme à chaque fois où j’ai pris la parole, j’appelle au rassemblement et au sursaut, en droite ligne de ce que chaque dirigeant de cette vieille terre a fait quand les temps l’exigeaient, et en droite ligne de ce que ce peuple résilient a su faire contre tous les périls qui menaçaient son unité et son identité. Or, aujourd’hui notre unité et notre identité sont en jeu. Le pays est en guerre, je ne cesserai de le rappeler…», le discours aurait dû être d’un autre ton, celui de l’acceptation des contraintes qui boquent l’adhésion de tous au dialogue !
Il n’y avait lieu que IBK nous narre la crise, sinon la guerre qui nous est imposée de 2012 à nos jours, car les maliens sont courant de cette situation, et tous les maliens vivent de plein fouet les conséquences de cette situation et conviennent qu’il faut s’unir pour la conjurer. Il avait juste besoin de nous faire savoir qu’il était, en tant que le premier des Maliens, prêt à toutes les concessions possibles pour sauver le Mali !
Le préambule, concédons-le au Président IBK, a été long, mais pas à la hauteur de la gravité du moment, qui impose à tous, à commencer par le premier magistrat du pays, un Dialogue National véritablement Inclusif. Tel est loin d’être le cas, même si Président IBK persiste et signe dans le déni, en affirmant que «depuis quelques mois, les concertations se déroulent dans ce cadre, à tous les échelons de notre pays, avec en arrière-plan la triple crise institutionnelle, sécuritaire et politique de 2012, qui a révélé toutes nos forces mais aussi toutes nos faiblesses». En effet, il oublie que toutes les composantes de notre société n’ont pas pris part à ces concertations qui étaient supposées nous amener à parler de la même voix à la phase nationale du dialogue.
Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, se plante également pour ce qui concerne le «massâla» à la malienne, car au peuple de Kouroukan Fougan dans le Mandé, Soundjata Kéita ne s’est jamais imposé en Alpha et Oméga, il n’a négligé le droit à la parole et de se faire comprendre à aucun compartiment de notre société. Ce n’est donc pas pour rien si la charte de Kourougan Fouga a consacré le respect des droits humains des siècles avant la déclaration universelle des droits de l’homme ! Pareil pour le peuple du batou mawdo dans le Macina, où le point de vue de chacun dans sa différence était pris en compte !
Demander aux Maliens d’évaluer sans complaisance le chemin parcouru par la 3è République née dans les clameurs, dans la fureur et dans le sang, pour saisir l’opportunité offerte de la mise à plat, et du diagnostic profond, dans la plus grande courtoisie et dans la plus grande convivialité…
Demander aux Maliens de voir la solidité du pays, de vérifier ses piliers et de faire en sorte qu’aucune lézarde, qu’aucune fissure ne les échappe, devrait interdire à notre Président, au Président de tous les Maliens de parler de «velléités, y compris celles de faire bande à part parce qu’une minorité armée ou vocale» cherche à en imposer à une majorité silencieuse !
IBK n’est pas plus Malien que ceux qui exigent aujourd’hui un dialogue national véritablement inclusif et des garanties nécessaires pour ce faire. C’est un déni de réalité que d’affirmer que les responsables politiques et les acteurs de la Société civile qui exigent de tels paravents sont une minorité qui cherche à en imposer à la majorité. Ce sont juste des maliens qui ne croient plus en la parole de leur Président, celui qui dit «tchou» aujourd’hui, et «tcha» demain, et qui voudraient le voir consentir, pour une fois, le sacrifice d’être avec son peuple, aujourd’hui meurtri par ses agissements, par sa gouvernance chaotique avec son corolaire de scandales et de corruption !
C’est d’ailleurs pourquoi, «tout garant de la Constitution qu’il est et qui tient à rassurer l’ensemble national que la mise en œuvre des conclusions et résolutions issues de ce Dialogue National Inclusif (DNI) sera assurée par le mécanisme indépendant de suivi-évaluation dont les Congressistes lui proposeront», Ibrahim Boubacar Kéita ne rassure et ne convainc personne, car le mécanisme indépendant de suivi-évaluation dont il parle aurait dû être défini et clairement mentionné dans les termes de référence du dialogue. Or c’est un secret de polichinelle que de dire que c’est bien sa majorité, avec sa caution personnelle, qui a refusé que cela soit inclus dans les termes de référence du dialogue !
Des lors, à quoi sert, et quel crédit accordé à cet appel de pied : « Je réitère mon appel au Chef de file de l’opposition, aux partis politiques et associations à regagner ce grand moment, qui n’appartient pas à Ibrahim Boubacar Keita, lequel passera, mais au peuple du Mali et à son avenir.
J’en appelle également à mes frères de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), de la Plateforme et de tous les autres mouvements qui participent au processus de paix, pour qu’ils viennent à ce carrefour d’échanges que je pressens féconds et refondateurs…» ? Rien !
Et sans être fataliste, cette adresse du Président IBK aux Maliens a été tout simplement un rendez-vous manqué de plus ! En effet, sans l’adhésion de tous les partis politiques et de l’ensemble des organisations de la société civile, le dialogue national est voué à l’échec ! Si le dialogue national est voué à l’échec, comment réviser alors, et l’accord d’Alger, et la Constitution du 25 Février 1992 ? Sans oublier que IBK lui-même ne cesse de nous dire que sommes en guerre… Peut-on vraiment parler de révision constitutionnelle alors que nous sommes en guerre ?
K.S
Source : L’Express de Bamako