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France Télécom et ses ex-dirigeants condamnés pour “harcèlement moral”

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France Télécom et ses ex-dirigeants, dont l’ancien PDG Didier Lombard, ont été condamnés vendredi pour “harcèlement moral” durant les années 2000, une période marquée par les suicides de plusieurs salariés.

Didier Lombard, PDG entre 2005 et 2010, l’ex-numéro 2 Louis Pierre Wenès et l’ex-DRH Olivier Barberot ont été condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15.000 euros d’amende, pour avoir mis en place d’une politique de réduction des effectifs “jusqu’au boutiste” sur la période 2007-2008.

Didier Lombard va faire appel de cette condamnation, a immédiatement annoncé son avocat Jean Veil, dénonçant une “faute de droit” et une “décision de politique totalement démagogique”.

L’entreprise a été condamnée à l’amende maximale de 75.000 euros.

Au coeur de ce procès inédit, une première pour une entreprise du CAC 40: un harcèlement moral institutionnel qui se serait propagé du sommet à l’ensemble de l’entreprise sans qu’il y ait de lien direct entre les auteurs et les victimes, une première pour une entreprise du CAC 40.

L’affaire remonte à dix ans. France Télécom faisait alors la Une des médias en raison de suicides parmi ses salariés.

En juillet 2009, Michel Deparis, un technicien marseillais mettait fin à ses jours en critiquant dans une lettre le “management par la terreur”. “Je me suicide à cause de France Télécom. C’est la seule cause”, écrivait-il. Deux mois plus tard, une première plainte était déposée par le syndicat Sud, suivie d’autres, et d’un rapport accablant de l’inspection du travail.

Le tribunal a examiné en détail les cas de trente-neuf salariés: dix-neuf se sont suicidés, douze ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail.

Durant ce procès qui s’est tenu du 6 mai au 11 juillet, les témoignages se sont succédé à la barre, donnant une idée précise du travail qui faisait sombrer des employés dans la dépression. Il a été question de mutations fonctionnelles ou géographiques forcées, de baisses de rémunération, de mails répétés incitant au départ etc. L’avocat de la partie civile Jean-Paul Teissonnière a parlé d’un “immense accident du travail organisé par l’employeur”.

– Moyens “interdits” –

AFP / Lionel BONAVENTUREArrivée de Louis-Pierre Wenes (C) ancien numéro 2 de France Télécom au tribunal de Paris, le 20 décembre 2019

Ce procès portait notamment sur la période 2007-2010, et les plans NExT et Act qui visaient à transformer France Télécom en trois ans, avec notamment l’objectif de 22.000 départs et 10.000 mobilités. L’entreprise comptait plus de 100.000 salariés, une centaine de métiers différents, répartis sur près de 23.000 sites.

Pour les prévenus, il devait s’agir de départs “volontaires”, “naturels”, mais au contraire, pour les parties civiles, les ex-dirigeants ont mis la pression sur les salariés pour les pousser à partir. La plupart d’entre eux étaient fonctionnaires et ne pouvaient donc pas être licenciés. En 2006, Didier Lombard disait aux cadres que les départs devaient se faire “par la fenêtre ou par la porte”.

“Les moyens choisis pour atteindre les 22.000 départs étaient interdits”, a jugé le tribunal. C’était une réduction des effectifs “à marche forcée”. Le volontariat des départs n’était qu’un “simple affichage”.

Les trois ex-dirigeants ont mis la “pression sur l’encadrement”, qui “a répercuté cette pression” sur les agents. Ils ont mis en place “un plan concerté pour dégrader les conditions de travail des agents afin d’accélérer leur départs”. Cette politique “a créé un climat anxiogène”.

Les prévenus ont été revanche été relaxés sur la période postérieure à 2008.

Les syndicats de France Télécom souhaitaient “une condamnation maximale, pour que les dirigeants d’entreprises tentés par ces méthodes de management sachent désormais qu’ils ne peuvent agir en toute impunité”.

Ils attendaient aussi “des dommages et intérêts conséquents” en réparation “des immenses préjudices” subis par les salariés et fonctionnaires de l’entreprise, devenue Orange en 2013. Plus de 150 personnes se sont constituées partie civile au procès.

AFP

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