La mission de réconciliation entre la Minusma et les populations des cercles de Bandiagara, Bankass et Koro ; le Dialogue national inclusif ; les adhésions à la Codem ; les élections législatives à venir ; le sommet de Pau ; la présence des forces étrangères au Mali sont, entre autres, les sujets évoqués lors d’une interview que nous a accordée le président du parti de la quenouille, Housseïni Amion Guindo, le week-end dernier à son domicile.
Le Pays : Vous venez d’effectuer une mission de quelques jours dans les cercles de Bandiagara, Bankass et Koro. Peut-on savoir l’objectif de ladite mission ?
Housseïni Amion Guindo : L’objectif de la mission, c’était d’écouter les populations et trouver un apaisement par rapport à la situation tendue entre elles et la Minusma. Elles reprochent à la Minusma le manque de collaboration avec l’administration, avec l’armée et avec les populations, donc les élus. Avant de m’y rendre, je suis parti voir la Minusma à son siège pour demander si elle doit, dans ses missions, agir sans l’administration malienne, sans l’armée et sans les élus. Ses responsables m’ont clairement dit qu’ils doivent collaborer avec les autorités maliennes.
Que s’est-il passé sur le terrain ?
Sur le terrain, les populations sont revenues sur ce qu’elles reprochent à la Minusma. Quant au représentant de la Minusma, il a promis qu’ils vont changer leur façon de faire. Il a précisé que la Minusma ne doit rien faire sans l’armée du Mali et sans l’administration malienne. Nous avons pu obtenir la compréhension des populations à Bandiagara, Bankass et Koro. Nous avons aussi évoqué aux populations les véritables missions de la Minusma. Nous avons mis en place un comité de suivi composé des représentants des populations, de l’administration, de l’armée pour que la Minusma ne fasse rien désormais sans les autorités locales.
Avez-vous été mandaté par le président de la République pour cette mission ?
C’est compte tenu de mon ancrage social au niveau de ces trois cercles que j’ai été faire la mission. J’ai été à cette mission parce que ce sont mes parents, je pouvais leur parler et je pouvais avoir leur compréhension. Je suis parti leur tenir un langage de vérité et elles ont bien compris. Sinon ce n’est pas la mission d’un ministre de l’Environnement de faire la paix entre la Minusma et les populations. Ce qu’il faut retenir : un ministre ne peut pas faire de telle mission sans que le président ne soit au courant.
M. le ministre, c’est une bonne nouvelle d’apprendre que vous êtes arrivé à faire la paix entre la Minusma et la population. Mais le risque politique est grand… Avez-vous pensé à vos relations avec ces populations si la Minusma ne respectait pas ses engagements ?
C’est un risque politique, social et même sécuritaire que j’ai pris pour y aller. J’aurais pu rencontrer des difficultés sécuritaires en cours de route ; j’aurais pu aussi croiser l’incompréhension des populations sur le terrain, mais tout s’est bien passé. Aujourd’hui, je pense que chacun, que ce soit l’État, la Minusma et les populations, a intérêt à ce que la feuille de route soit respectée. Nous avons prévu, dans les semaines à venir, d’organiser un forum dans chacun des trois cercles : Bandiagara, Bankass et Koro. C’est la Minusma même qui va organiser ces foras pour une meilleure appropriation de ses missions et de ses engagements par les populations. Il n’est pas souhaitable que les populations qui font face au terrorisme d’avoir aussi la Minusma, et plus tard l’État, comme adversaire. Il faut que des efforts soient faits de chaque côté pour que ce qui est convenu soit respecté.
L’ancien président de la République, ATT, entretient une bonne relation avec les populations du centre. Peut-il, selon vous, contribuer au renforcement de la cohésion entre les différentes communautés dans cette localité ?
Toutes les personnes de bonne foi peuvent aider à apaiser les cœurs, que ce soit au centre, au nord ou au sud. Il s’agit simplement d’être une personne de bonne foi. ATT est de la région de Mopti, et a lui-même déclaré « se mettre au service de son pays ». Donc je pense qu’aucune contribution ne sera de trop pour sortir notre pays de cette situation.
Parlant de la coopération internationale, que pensez-vous des engagements pris à Pau par le président français, Emanuel Macron et les chefs d’État des pays du G5 Sahel ?
Je pense que s’il y a eu Pau, c’est parce qu’on s’est rendu compte de certaines difficultés de plusieurs ordres, surtout la montée du terrorisme malgré la présence des forces étrangères. Le sommet de Pau a été organisé pour davantage coordonner les positions et rendre la mission des différentes forces plus opérationnelles. Personnellement, je salue le sommet parce que je sais que quoi qu’il arrive, c’est quand même une avancée. Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que nous ne devons jamais compter sur les autres pour nous défendre. Il faut que les Maliens soient conscients que si les autres sont là, c’est parce que nous n’avons pas pu assurer notre sécurité. Nous aimons dire que nous sommes un pays indépendant, souverain… je pense que l’indépendance n’est pas seulement une déclaration. Nous avons déclaré, en 1960, notre indépendance politique. Mais il faut qu’on se rende compte que si on n’est pas indépendant économiquement et militairement, on ne peut pas l’être politiquement. Si les autres sont là, c’est parce que nous avons failli. Nous n’avons jamais construit une armée à la dimension de notre territoire, parce que l’armée, c’est pour la défense du territoire. Il faut aujourd’hui prendre conscience de nos faiblesses et essayer, pour les décennies à venir, de tirer les leçons de tout ce que nous vivons aujourd’hui pour laisser aux générations futures un pays réellement indépendant. Ce n’est pas en voyant la brindille dans les yeux des autres qu’on va relever notre pays. Tous ceux qui sont là disent être venus pour nous aider. Mais la meilleure aide doit venir de nous-mêmes, d’une prise de conscience de nos faiblesses et d’un réarmement moral à corriger ces faiblesses. Le jour où nous serons forts, on pourra faire face à n’importe laquelle des armées.
Vous admettez donc qu’on a besoin des forces étrangères pour sortir de cette situation ?
La preuve est que si ce n’était pas l’extérieur à partir de Konna, Bamako serait occupé. C’est nous qui avons écrit pour solliciter l’intervention de la France à partir de Konna. Cette intervention, en son temps, a été salutaire.
Votre parti, la Codem, a participé au Dialogue national inclusif. N’êtes-vous pas sceptique quant à la mise en œuvre de ses recommandations ?
Je n’ai pas le droit d’être sceptique. Le Dialogue national inclusif a fait des résolutions et des recommandations qui constituent, pour nous, une feuille de route. Si nous voulons faire sortir notre pays de l’abime, il est important de s’entendre sur certaines choses. Le dialogue a mis en priorité l’organisation des législatives et cela a été toujours notre combat à la Codem. Nous soutenons tout ce qui a été dit et nous nous battrons pour que les résolutions soient appliquées au moins à 80%.
Votre parti a enregistré, ces derniers temps, beaucoup de militants dont des élus. Quel est votre secret ?
Il n’y a pas de secret. La Codem est un parti très proche de la base et très ouvert. Nous nous réjouissons des adhésions massives de ces derniers temps, mais les élections nous permettront de savoir exactement ce que vaut le parti. Malgré les adhésions, c’est l’élection qui sera le baromètre. C’est pourquoi nous serons heureux d’aller à ces législatives pour voir l’apport de toutes ces adhésions sur le poids réel du parti au niveau national. Notre parti a été le premier à parler de deux choses qui sont à la mode aujourd’hui : le rajeunissement du leadership jeune au Mali et le tournant générationnel. Notre parti a été bâti avec ces deux slogans. La Codem apparait comme une alternative aux yeux des populations aujourd’hui.
Comment abordez-vous ces élections législatives qui pointent à l’horizon ?
Nous les abordons avec beaucoup de sérénité. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à y travailler au niveau du parti. Je puis vous dire que la Codem est déjà prête à aller à ces législatives et sur toute l’étendue du territoire national.
Peut-on s’attendre à un groupe parlementaire Codem ?
C’est cela notre ambition. Nous pensons que nous pourrons avoir un groupe parlementaire. Notre ambition, c’est de faire en sorte que la Codem batte les records.
Est-ce qu’on peut s’attendre à voir Housseyni Amion Guindo à la tête d’un groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale ?
Ce n’est pas évident. Housseïni Amion Guindo est un jeune retraité de l’Assemblée Nationale après avoir fait deux mandats. Il soutiendra d’autres candidats de son parti pour leur permettre aussi de vivre cette expérience parlementaire.
Réalisée par Boureima Guindo
Source: Le Pays