L’Organisation mondiale de la santé (OMS), critiquée pour ses atermoiements, a déclaré jeudi l’urgence internationale face à l’épidémie du nouveau coronavirus apparu en décembre, dont le bilan s’est alourdi à 213 morts en Chine alors que les cas de contamination locale se multiplient dans le monde.
Les autorités chinoises ont fait état vendredi matin de 43 décès enregistrés en 24 heures, tous sauf un dans la province du Hubei, soit la plus forte progression quotidienne depuis le début de l’épidémie. Le nombre de patients contaminés est par ailleurs monté à près de 10.000 en Chine continentale (hors Hong Kong).
Et 102.000 personnes sont en observation avec de possibles symptômes de la maladie, selon les autorités.
Une centaine de cas, dont des cas de contamination locale par des malades venus de Chine, ont été déclarés dans les autres pays du monde, y compris en Europe et en Amérique du Nord.
“Je déclare l’épidémie une urgence de santé publique de portée internationale”, a lancé le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, à l’issue d’une nouvelle réunion à Genève jeudi.
L’organisation s’était refusée la semaine dernière à déclarer cette urgence, et n’avait admis que lundi que la menace était “élevée” à l’international, attribuant son appréciation précédente d’un risque “modéré” à une erreur de formulation.
“Il ne s’agit pas d’un vote de défiance à l’égard de la Chine”, a cependant souligné jeudi le directeur de l’organisation, estimant qu’il n’y avait pas lieu de limiter les voyages et les échanges commerciaux avec ce pays.
“Notre plus grande préoccupation est la possibilité que le virus se propage dans des pays dont les systèmes de santé sont plus faibles”, a-t-il expliqué.
De nombreux pays ne sont pas prêts à faire face à l’épidémie, avait auparavant mis en garde le Conseil de supervision de la préparation globale (GPMB), un organe de contrôle international basé à Genève.
Si l’immense majorité des cas restent localisés en Chine, au premier chef dans la province du Hubei et la ville de Wuhan où est apparu le virus, dix-huit autres pays, selon l’OMS, ont déclaré des cas, le plus souvent sur des personnes arrivant de Chine.
– Contamination locale –
Mais des cas de contamination ont aussi été annoncés sur tous les continents par les autorités sanitaires locales.
Aux Etats-Unis, c’est le mari d’une sexagénaire ayant contracté le virus en Chine qui a été contaminé à son tour dans l’Illinois, portant le nombre de cas à six au total, dans plusieurs Etats. En France, un sixième cas d’infection a été annoncé: celui d’un médecin contaminé par une personne ensuite rentrée en Chine, où elle a déclaré la maladie. En Allemagne, sur cinq cas déclarés parmi les employés d’une entreprise, l’un, un homme de 33 ans, a été contaminé par une collègue venue de Chine.
L’Italie, où aucun cas n’a été finalement détecté parmi les 7.000 passagers d’un navire de croisière qui avaient été confinés à bord, a déclaré deux cas jeudi soir, ceux de deux touristes chinois.
La Russie, qui n’a pour l’instant déclaré aucun cas, a cependant annoncé la fermeture de sa frontière longue de plus de 4.000 kilomètres avec la Chine.
En Chine même, Wuhan, métropole du centre du pays d’où est partie l’épidémie, est coupée du monde depuis une semaine, comme la quasi-totalité de la province environnante du Hubei.
Alors que ce cordon sanitaire imposé le 23 février interdit à quelque 56 millions d’habitants de quitter la région, les Etats-Unis et le Japon ont évacué mercredi une partie de leurs ressortissants.
Un avion français a décollé de Wuhan vendredi matin, peu après 07h00, rapatriant 200 Français qui seront confinés pendant 14 jours.
Un avion espagnol affrété en coopération avec Londres va aussi rapatrier vendredi environ 200 personnes, dont 150 Britanniques, une vingtaine d’Espagnols et d’autres Européens.
Wuhan, où la circulation des véhicules non essentiels est interdite, gardait jeudi des allures de ville fantôme. Si les magasins et restaurants restaient pratiquement tous fermés, on voyait toutefois dans les rues un peu plus de piétons que les jours précédents, selon des journalistes de l’AFP.
D’autres pays planifient des opérations. L’Italie a annoncé l’envoi d’un avion, Berlin prévoit l’évacuation de quelque 90 Allemands “dans les prochains jours”, le Canada comme la Nouvelle-Zélande veulent organiser des vols.
Des milliers d’autres étrangers piégés à Wuhan restent sans certitude de pouvoir partir. “J’ai l’impression qu’ils ne se soucient pas de nous. Je pourrais mourir de faim, je pourrais aussi être infectée et mourir”, se désole Aphinya Thasripech, une Thaïlandaise trentenaire enceinte, alors que Bangkok n’a dévoilé aucun plan de rapatriement.
Aucun des 195 Américains arrivés mercredi sur une base militaire californienne ne présente les symptômes du virus mais tous y resteront en quarantaine pendant 72 heures.
Parmi les 206 Japonais rapatriés mercredi, trois ont été contaminés, ce qui porte à 14 le nombre de cas recensés dans l’archipel. Tokyo n’a pas imposé de quarantaine à ses rapatriés.
– Rapatriés en quarantaine –
Les rapatriés français seront, eux, placés en quarantaine dans un centre de vacances du sud du pays pendant 14 jours. Les Britanniques subiront la même mesure sur une base militaire près de Londres.
Les mesures de précaution internationales se durcissent: l’Italie a annoncé la suspension de tous les vols “de et vers” la Chine. Plusieurs compagnies aériennes, dont Air France, British Airways et Lufthansa, ont suspendu leurs vols vers la Chine continentale. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Etats-Unis déconseillent de s’y rendre.
Dans toute la Chine, où les congés du Nouvel an lunaire sont prolongés jusqu’au 2 février, les habitants, effrayés, désertent centres commerciaux, cinémas et restaurants.
Des villages se barricadent derrière des barrages sauvages dans l’espoir d’échapper à l’épidémie, et les personnes originaires de Wuhan et sa région se heurtent partout à la suspicion.
Pékin a ordonné jeudi aux agriculteurs et aux abattoirs d’augmenter leur production alors que l’épidémie perturbe les réseaux de distribution et que les prix des légumes s’envolent.
Après l’annulation de plusieurs compétitions sportives internationales, la Chine a reporté sa saison 2020 de football.
Le Fonds monétaire international a indiqué qu’il surveillait “en temps réel” l’épidémie, soulignant que son incidence sur l’économie mondiale dépendra notamment de la durée de l’épidémie. De nombreuses entreprises et usines chinoises resteront fermées jusqu’au 9 février au moins.
AFP