Aux combinaisons peu réalistes et contre-productives, les grands partis politiques ont préféré les alliances contre-nature. Il se dessine par conséquent une compétition électorale avec plus de course aux sièges et aux mandats parlementaires que d’affrontements inter-partisan. Au détriment de la démocratie et au péril de d’implosion des grandes formations
Les alliances dites «contre-nature», ça n’est pas une première sur l’échiquier politique malienne, ni ne sont-elles le propre des communales où elles sont légion quoiqu’en passant inaperçues souvent. Au plus fort des adversités entre le vainqueur de la présidentielle de 2013 et son challenger malheureux, les législatives pouvaient déjà étonner par une surprenante combinaison à Teninkou. Il s’agit de l’alliance entre le candidat Amadou Cissé Djadjiri de l’URD et celui du RPM, Abderahamane Niang, prédestiné au perchoir mais devenu par la suite président de la Haute Cour de Justice.
Le phénomène se singularise manifestement cette année par une ampleur beaucoup plus disproportionnée et – telle une génération spontanée – s’est propagé à un point tel que les ramifications locales d’opposition comme de majorité donnent l’air de rivaliser d’aptitude au ralliement de forces politiques antagonistes. L’exception en est devenue la règle, en définitive, tant et si bien que les schémas différents sont parfois perçus de travers et jugés audacieux, à l’image de la liste propre RPM de Dioïla que draine le député Mamadou Diarrassouba.
Ce n’est pourtant ni un effet de mode ni de contagion. Par-delà la prise en compte de réalités locales incontournables dans les caculs, la donne résulte d’une combinaison de divers facteurs dont l’affaiblissement évident des formations politiques les plus nanties – toutes tendances confondues. Les unes éprouvées par le rôle et la position d’opposants, les autres désillusionnées par un cheminement peu productif avec le pouvoir, aucune composante notable de l’arène politique n’a pu se mesurer à l’audace d’une aventure électorale solitaire, exception faite de celles qui n’ont rien à y perdre ou n’en avait pas le choix.
En tout cas, l’incertitude et le combat de survie devraient être passés par là pour que les géants solidement implantées doutent de leur force de frappe dans la quasi -totalité des circonscriptions. Leur renonciation manifeste à la compétition, leur refus d’aller au charbon, sont ainsi à l’origine un peu partout de combinaisons qui ont au moins pour vertu entre autres d’offrir chance à la gent féminine de décrocher des sièges au nom de grandes formations. S’y ajoute en outre que des personnalités de plus grande envergure se sont positionnées pour intégrer la prochaine représentation populaire par le biais des grandes formations.
Pour le reste, le pluralisme et la démocratie représentative malienne prennent un sérieux coup, estiment certains observateurs en décriant au passage la perversion politique que traduit un jeu électoral sans compétition véritable.
Quoi qu’il en soit, il se passe au détriment des nombreux petits poucets, qui ne profiteront guère selon toute évidence des éclats que produisent d’habitude le choc des titans, l’âpre convoitise d’une majorité confortable et d’une suprématie représentantive. Le stratagème du trio de tête de la classe politique malienne aura consisté à préférer un partage réaliste, intelligent et moins boulimique partout où le nombre de sièges et le contexte politique s’y prêtent. C’est le cas dans plus de la moitié des six circonscriptions électorales du District où le duo Adéma-Rpm cheminent ensemble pour un total de 10 sièges sur 14 en Communes I, II, IV et VI notamment, tandis que la commune V fait exception avec une liste du parti présidentiel concurrente un duo Adéma-Urd. La même tendance au rapprochement des ténors a prévalu dans le cercle à Kayes où les 5 sièges en jeu sont convoités par le trio Adema-Rpm-Urd en compagnie d’un autre mastodonte local de l’opposition, en l’occurrence l’ADP-Maliba. En première région, la dynamique est certes nuancée par la liste propre du parti majoritaire à Kita, ainsi que par des combinaisons différentes Bafoulbé, Nioro et Yelimané – mais elle a prévalu à Diéma où les deux principales locomotives de l’EPM briguent ensemble les deux sièges.
La 3 ème Région ne fait pas exception à la règle, à en juger notamment par la coalition des trois grands partis pour les 7 sièges de Kati, l’alliance Adéma-Rpm-Adp pour les 3 de Nara ainsi que celle du Rpm-Urd pour 2 sièges à Koulikoro où rempile le président sortant de l’Hemicycle.
En dehors de Yorosso et Yanfolila (Adema-Rpm) ou encore Kolondiéba et Bougouni (Rpm-Urd), la région de Sikasso se démarque quelque peu de la tendance du moins pour ce qui est des agglomérations les plus pourvoyeuses de sièges que sont les circonscriptions de Sikasso et de Koutiala, auxquelles s’ajoute le cercle de Kadiolo. Idem dans les régions du Nord où le nombre de sièges à pourvoir ne se prête au schéma dominant que dans 5 circonscriptions électorales sur les 13 que totalisent les régions de Gao, Tombouctou et Kidal.
En revanche, le phénomène est plus saillant en 4 ème et 5 èmeregions. Les circonscriptions de Ségou, San, Baraoueli, Macina et Niono sont toutes emportées dans la vague d’un tandem Adema-Rpm complété par endroit par d’autres alliés de la majorité (Um-Rda, Asma), tandis qu’il est ouvert à l’Urd dans les cercles de Mopti et Koro (Rpm-Adema-Urd). Le parti présidentiel fait par ailleurs front commun avec la locomotive de l’opposition pour la conquête de Teninkou et Djenné.
Les trois mastodontes briguent ensemble au moins 25 sièges au total, tandis que le duo Rpm-Adema cheminent main dans la main pour plus d’une quarantaine légèrement en faveur des Tisserands et que le même parti majoritaire mise sur plus d’une quinzaine de députés à partager avec l’Urd dans les mêmes conditions favorables. Il en résulte que les seules alliances du trio de tête portent sur un nombre de sièges nettement au-dessus de la majorité absolue alors que les trois formations pourraient en totaliser plus de la centaine en intégrant les sièges à pouvoir en dehors de leurs listes communes. La portion congrue du partage devrait revenir à certaines formations qui arrivent à sortir la tête de l’eau comme Codem de HousseiniAmionGindo, ADP-Maliba de Aliou Boubacar Diallo, MPM de Hadi Niangadou et l’Asma-Cfp de SoumeylouBoubèye Maïga ou encore l’Um-Rda.
On peut en déduire que plus de quinze années après la dernière saignée significative du PASJ ce sont les forces politiques issues de ses flancs qui continuent de régner sur l’échiquier politique. Après s’être longtemps mutuellement affaiblis et perdu des plumes dans les combats fratricides, leur instinct de survie et de conservation pourrait peut-être ouvrir la voie cette année à la reconstitution de la famille originelle. Pourvu que le mariage de raison des excroissances du PASJ aille au-delà des besoins de circonstance et puisse survivre aux calculs de plus bas étage sur fond de positionnement pour le contrôle des instances de l’Assemblée nationale.
A KEÏTA
Le Témoin