Le Premier ministre indien Narendra Modi a appelé mercredi au calme face à des violences intercommunautaires qui ont fait 22 morts à New Delhi, marquant un des pires embrasements de la capitale indienne depuis des décennies.
Commerces mis à feu, drapeau hindou hissé sur une mosquée, Coran brûlé: des émeutiers armés de pierres, de sabres et parfois de pistolets, sèment le chaos et la terreur depuis dimanche dans des faubourgs populaires du nord-est de la mégapole, éloignés d’une dizaine de kilomètres du centre.
“J’appelle mes sœurs et frères de Delhi à maintenir en tout temps la paix et la fraternité. Il est important que le calme et la normalité soient rétablis au plus vite”, a déclaré le dirigeant nationaliste hindou sur son compte Twitter.
Des heurts entre partisans et opposants d’une loi controversée sur la citoyenneté, jugée discriminatoire envers les musulmans par ses détracteurs, ont dégénéré en affrontements communautaires, entre hindous et musulmans.
Lors de multiples incidents rapportés par la presse indienne, des groupes armés hindous s’en sont pris à des lieux et à des personnes identifiés comme musulmans. Des témoignages concordants font état de bandes criant “Jai Shri Ram” (“Vive le dieu Ram”).
Le principal hôpital de la zone a recensé 22 décès et traité 200 blessés jusqu’à mercredi après-midi, a indiqué à l’AFP l’un de ses responsables. Une partie conséquente des patients souffraient de blessures par balles.
Mercredi, la situation sur le terrain était tendue mais aucune violence n’avait été signalée en milieu d’après-midi. Les autorités indiennes ont déployé en nombre des policiers en tenue antiémeutes.
Les forces de l’ordre demandaient aux habitants de se barricader chez eux, ont constaté des journalistes de l’AFP. Des pompiers arrosaient de leur lance à eau des échoppes brûlées la nuit précédente.
Dans un marché dévasté et calciné, le commerçant Abdul Hafees était venu constater les dégâts. Lundi, des émeutiers “ont utilisé l’essence de motos garées là et des pneus en caoutchouc pour s’assurer que tout brûlait”, a-t-il raconté. Les vandales sont revenus mardi pour incendier des boutiques épargnées la veille.
“Je pense que toute échoppe encore intacte dans le marché, ils la brûleront ce soir”, redoute-t-il.
– Mise en garde pakistanaise –
S’inquiétant de la “situation alarmante”, le ministre en chef de Delhi, Arvind Kejriwal, a enjoint le gouvernement de Narendra Modi de mettre en place un couvre-feu dans la zone et déployer l’armée.
Un drapeau hindou, représentant le dieu-singe Hanuman, flottait mercredi matin au sommet d’une mosquée de quartier vandalisée, a vu une équipe de l’AFP. Des vidéos tournées la veille et circulant sur les réseaux sociaux, dont l’AFP a vérifié l’authenticité, montrent des hommes grimpant au minaret pour y arracher le haut-parleur et y installer le drapeau, sous les vivats.
Mohammad Muslim, un résident du quartier, a extrait un Coran en feu de la mosquée saccagée. “Vous pouvez voir que mes mains sont devenues noires pour avoir porté le Coran brûlé”, a-t-il expliqué à l’AFP.
Narendra Modi est confronté depuis décembre à un vaste mouvement de contestation contre une nouvelle législation qui facilite l’attribution de la citoyenneté indienne à des réfugiés, à condition qu’ils ne soient pas musulmans.
Ce texte a cristallisé les craintes de la minorité musulmane d’être reléguée au rang de citoyens de seconde classe, dans cette nation où les hindous représentent 80% de la population.
La loi a provoqué les plus importantes manifestations dans le pays d’Asie du Sud depuis l’arrivée au pouvoir en 2014 de l’actuel chef de gouvernement, largement réélu l’année dernière.
Réagissant aux événements à New Delhi, le Premier ministre pakistanais Imran Khan a jugé mercredi que “lorsqu’une idéologie raciste fondée sur la haine prend le pouvoir, cela mène au bain de sang”, en référence au nationalisme hindou.
Le dirigeant de la république islamique a mis en garde ses concitoyens contre des représailles sur la minorité hindoue au Pakistan. “Nos minorités sont des citoyens égaux dans ce pays”, a-t-il tweeté.
AFP