Accueil Afrique Les Guinéens partagés sur la réforme de la Constitution

Les Guinéens partagés sur la réforme de la Constitution

94
0
PARTAGER

Près de 7 millions de Guinéens sont appelés aux urnes ce dimanche 1er mars. Ils devront élire les députés afin de renouveler l’Assemblée nationale et approuver ou non un projet de nouvelle Constitution. Un projet qui, s’il est adopté, permettrait au président sortant Alpha Condé de briguer un troisième mandat lors de la présidentielle d’octobre.

Ce double scrutin divise la classe politique. L’opposition appelle au boycott. Le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), le parti du président, continue de battre campagne jusqu’au 28 février. Le tout au milieu de citoyens pris de lassitude à cause du contexte économique et social morose.

Nous sommes à « la casse » : c’est un garage à ciel ouvert, dans le quartier de Dixinn. Les mécaniciens désossent de vieux véhicules pour récupérer des pièces automobiles. Ici, rien ne se perd. Chaque élément est classé : les pare-chocs, les pare-brises, les sièges et les enjoliveurs sont nettoyés puis soigneusement empilés pour être revendus à bas prix. Au moment de la pause, la politique domine les débats. Plusieurs mécaniciens sont séduits par un changement qui figure dans le projet de nouvelle Constitution : l’abaissement de l’âge des candidats à 18 ans pour des postes de députés. « Avec la nouvelle Constitution, les jeunes peuvent monter dans les différents départements », s’enthousiasme Ismaël Kanté, qui s’imagine déjà voir plus de jeunes assumer la fonction de ministre ou de député à l’Assemblée nationale.

Adopter cette nouvelle Constitution, c’est « marquer son adhésion aux projets du président », surenchérit l’imam Camara de la mosquée de Dixinn centre. Ce responsable coutumier affirme prêcher l’entente chaque semaine auprès des fidèles qui fréquentent sa mosquée. Mais à Conakry, le projet de nouvelle Constitution suscite aussi beaucoup d’amertume. Plusieurs citoyens regrettent une campagne monotone. En effet, par défiance vis-à-vis du fichier électoral, les partis d’opposition ont appelé au boycott. Résultat, sur le terrain, seul le parti du président, le RPG, a battu campagne.

« Cette nouvelle Constitution est un non-événement », peste Mamadou Diallo, qui a boudé la campagne pour le référendum. Ce vendeur d’articles de bureautique estime que le texte relève du « charabia ». « Nous avons besoin de concret et d’activités pour les jeunes », poursuit ce commerçant.

Ce projet soulève des débats dans la sphère intellectuelle. Plusieurs experts s’accordent sur un point : le projet apporte des nouveautés sur le plan social, avec par exemple, la gratuité de la scolarité et la lutte contre les mutilations génitales féminines.

En revanche, le volet consacré aux institutions ne fait pas l’unanimité. Notamment en ce qui concerne les conditions imposées aux candidats pour la présidence. La mention « nul ne peut exercer plus de deux mandats, consécutifs ou non », présente dans l’actuelle Constitution, disparait dans le nouveau texte.

« Cela signifie que les anciens présidents ont le droit de revenir pour se présenter aux élections présidentielles », analyse Kalil Keïta, enseignant en droit public, qui y voit « une forme de régression ». « Cette possibilité pour les anciens présidents de se représenter n’est pas gage de stabilité et ne renforce pas le sens de la démocratie », avertit ce juriste.

Climat social tendu

Depuis mi-janvier, société civile et partis d’opposition multiplient les journées de mobilisation contre les deux scrutinsprévus le dimanche 1er mars. Ces mobilisations prennent l’allure de journées villes mortes : les commerces et les banques ferment, les routes se vident et les habitants restent chez eux. Des journées parfois émaillées de heurts dans certaines communes de Conakry et certaines villes de l’intérieur du pays. Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) déplore près d’une trentaine de victimes et dénonce plusieurs dizaines d’« arrestations arbitraires ».

Ce contexte ne favorise pas le climat des affaires. Plusieurs commerçants se plaignent du ralentissement de leurs activités et de dégradations matérielles. « L’insécurité et les incendies à répétition engendrent d’énormes pertes », regrette Cherif Abdallah, le président du Groupe organisé des hommes d’affaires. Si les clients continuent de fréquenter les allées étroites du marché Madina, poumon économique de la capitale, les commerçants, eux, retranchés dans leurs boutiques, font grise mine.

Abdou Salam Barry, un vendeur de tissus, affirme que sa clientèle provenant de la Sierra Leone ne vient plus à cause des multiples journées de manifestations à l’appel du FNDC. À quelques encablures, des femmes interpellent les passants à la criée. Parmi elles, Massouma, qui taille avec poigne, des feuilles de patates. « Chaque jour, je parcours trente kilomètres pour venir travailler dans ce marché. C’est une question de survie : sans cela je ne peux pas nourrir ma famille », explique cette veuve d’une cinquantaine d’années. Bien loin des débats qui animent les politiques, la seule préoccupation de cette veuve, c’est la reprise des activités du pays.

RFI

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here