A l’instar de ses sœurs du monde entier, la communauté chrétienne catholique du Mali, a commencé, le mercredi 27 février 2020, le cheminement du temps de carême. Durant quarante jours, les chrétiens sont appelés, à la pénitence, la prière, la charité et l’aumône pour un véritable changement de cœur. « Qu’est-ce que le carême chrétien ? En quoi consiste, le mercredi des cendres ? comment s’observe le jeûne chrétien ? Quelle différence y a – t -il entre le jeûne chrétien et les autres types de jeûnes ? » Telle sont entre autres questions, au centre d’un entretien, que le Vicaire à la paroisse Sacré-Cœur, l’Abbé Marcelin Diarra, a bien voulu nous accorder, le jeudi 27 février 2020. Lisez plutôt!
Le Sursaut : Mercredi 27 février, la communauté chrétienne catholique du Mali, à l’instar de ses sœurs du monde a commencé le carême. Qu’est-ce que le Carême ?
Abbé Marcelin : le carême, c’est une mise en quarantaine. Carême vient de quarante. Pendant quarante jours les fidèles chrétiens sont amenés à vivre la pénitence et la conversion pour se préparer à la grande fête de Pâques. Pâques, c’est le centre de la foi chrétienne. Donc, il nous faut, nous préparer sérieusement pour préparer Paques.
Le mercredi des cendres marque le début de ce temps de carême. Que représente ce jour?
Abbé Marcelin : Oui ! Mercredi des cendres représente le début du carême. Dans le temps, on commençait par les premiers dimanches. On s’est rendu compte, que dans ces temps, les dimanches ne devraient pas être jours de jeûne, par ce que c’est le jour du seigneur. Le jour de la résurrection du seigneur est un jour de fête pour nous les chrétiens.
Donc, il ne fallait pas compter ces jours parmi les jours de pénitence. On est revenu aux mercredis des cendres, pour pouvoir remplacer les dimanches. D’hier (mercredi 27 février 2020), si tu comptes c’est plus que quarante jours. Mais, en enlevant les dimanches, tu as le nombre exact. Tu as quarante jours.
Quand on parle de carême, cela sous-entend le jeûne. Que faut –il comprendre dans le jeûne chrétien ?
Abbé Marcelin : Traditionnellement, l’Eglise nous donne une pratique. Cette pratique consiste à la prière, l’aumône et le jeûne. Qui ne valent pas grande chose sans la charité. Le jeûne proprement dit, est l’aumône, le partage et la charité fraternelle, ce sont des actes, je dirais traditionnels. On a l’intention aussi. Par ce que, si la pratique est là, l’intention aussi est là. C’est une pratique et une intention qui est la discrétion. ‘’ Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite. Pour nous les chrétiens, le jeûne n’est pas une affaire d’extériorité. C’est peut-être l’abondance du cœur, qui peut se manifester extérieurement. Sinon, le carême chrétien, concerne le cœur humain, le cœur de l’homme. L’apôtre, nous dit que ce qui rentre dans l’homme ne le souille pas, mais c’est surtout ce qui sort de lui. Il faut chercher à purifier son cœur, être en phase avec Dieu et être en phase avec son prochain.
Donc, le carême nous permet de revenir à Dieu. C’est cela la conversion. C’est un temps de conversion, un temps de retour à Dieu. Par ce que avec nos activités, nous oublions l’essentiel. Nous courrons derrière, ce qui est inutile. Ce temps, nous permet de faire face à l’essentiel. Quand, je jeûne, c’est pour parvenir à l’essentiel. Je me débarrasse de tout ce qui est inutile dans ma vie. Je vis dans la simplicité.
Une véritable confusion est souvent entretenue autour du jeûne chrétien, spécifiquement par rapport à l’heure de son commencement et celle de sa rupture. Qu’avez-vous à dire par rapport à cela ?
Abbé Marcelin : une fois que le carême est lancé, le mercredi des cendres, c’est pour tout le temps. Il n’y a pas lieu de dire, bon voilà, je commence à 4h00 ou 5h00 du matin pour rompre à telle heure. Non !
Le carême est une démarche. C’est comme une traversée de désert. Tu n’as pas besoin d’avoir un temps de commencement ou un temps de rupture. Mais, tu entres dans cette démarche selon ta foi et aussi même selon tes besoins. Certains vont pouvoir jeûner, pour telle ou telle chose. Il ne s’agit pas seulement de refuser la nourriture ou la boisson, mais de refuser, tout ce qui est inutile. Il s’agit de refuser, tout ce qui qui t’empêche de vivre une bonne relation avec Dieu, de vivre une bonne relation avec le prochain. Le temps de carême est une vie. C’est vraiment un art de vie chrétienne. Normalement, c’est ce qui devrait être notre ordinaire. Mais vu que nous ne restons pas dans cet ordinaire et que nous avons plein d’activités, souvent nous oublions même l’essentiel. Le carême permet de revenir à l’essentiel, qui est Dieu.
Est-ce à croire que, le temps de carême est un temps plein de jeûne ?
Abbé Marcelin. : Je peux dire que c’est un temps plein de jeûne. Puisque, des cendres jusqu’au samedi de pâques, on est dans cette démarche-là. Chacun sait, qu’est- ce qu’il doit vivre, qu’est- ce qu’il peut vivre, pour se rapprocher de Dieu. C’est une recherche de Dieu, puisque nous nous sommes éloignés de lui, à travers nos activités. Nous voulons, nous rapprocher de lui. Chacun à sa façon de faire. Certains peuvent jeûner à la télévision. Si tu sais à 19h00, c’est les feuilletons qui passent, tu dis à cause de cette conversion que, je suis appelé à mener, je renonce à la télévision. Tu peux dire à la place de la télévision, je prie. Tout ce que l’on fait, c’est vraiment pour l’intériorité. Il est demandé à chacun de vivre le carême en secret. Les autres ne doivent même pas savoir, que tu es entrain de jeûner. C’est entre toi et ton Dieu.
Que faut-il cerner en termes de différence entre le jeûne chrétien et les autres types de jeûne ?
Abbé Marcelin : Pour moi, le jeûne consiste à la conversion, à la pénitence. Pour les autres, je pense que c’est une histoire de ce genre. C’est consentir des sacrifices pour un mieux-être. Passer d’un point ‘’ A’’ peut-être mauvais, vers un point ‘’B’’ qui serait bien, peut-être même l’idéal que nous devons partager dans la société.
La grande différence pour moi, c’est le fait que nous les chrétiens, nous tenons beaucoup à la conversion du cœur. Tout ce que nous faisons comme jeûne, comme aumône, tout cela contribue à favoriser ce cœur, qui doit être ouvert à Dieu, ouvert au prochain. Tout le reste est secondaire. Quand tu parviens à mettre le cœur là-dedans, tu deviens miséricordieux, comme Dieu lui-même. C’est en fait ça. Comme l’a dit Saint Paul : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». Donc, le chrétien vit dans cet esprit pendant le carême en préparant la fête de Pâques.
Une démarche de quarante jours dans la pénitence, la prière avec comme objectif un véritable changement de cœur. Qu’avez-vous à conseiller aux chrétiens pour mieux observer ce temps de carême ?
Abbé Marcelin : Cette année, le Pape nous a envoyé une lettre. Dans cette lettre, le Pape nous demande de situer le mystère de Paques au centre de notre vie. Le mystère de Pâques, n’est autre chose que la manifestation de la bonté de Dieu, de l’amour de Dieu pour l’humanité. Nous devons à travers cela comprendre combien Dieu aime l’homme. Combien Dieu veut dialoguer avec l’homme. La prière n’est autre chose que le dialogue entre l’homme et Dieu. Il y’a aussi la gratuité. Puisque Dieu, a envoyé Jésus dans le monde pour le salut de l’humanité par pur gratuité. Qu’est-ce que nous lui avons donné pour qu’Il fasse ça ? C’est gratuitement que Dieu, nous a sauvés en envoyant son fils Jésus christ mort et ressuscité. En reconnaissance envers tout cela, nous sommes appelés, nous aussi à vivre dans cette gratuité. ‘’ Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement’’.
C’est cet esprit de gratuité qui anime l’Eglise. Dieu nous a tout donné, pour que nous aussi nous donnions. Tu vas voir que la miséricorde de Dieu se manifeste à travers la construction de ces hôpitaux, de ces écoles et ces centres de promotion. Tout ça, c’est dans ce sens. C’est par ce que nous voulons répondre à cet amour infini de Dieu. Le chrétien partout doit être le reflet de cet amour de Dieu, qui a besoin d’une réponse. C’est l’invitation que j’adresse à tous les chrétiens de faire leur possible, partout où ils sont, à manifester cet amour de Dieu. Nous devons aboutir à la fraternité universelle.
Propos recueillis par Moïse Keïta
Le Sursaut