Du gouvernement, le ministre de l’Intégration africaine, Me Baber Gano se prépare à siéger à l’Assemblée nationale. Un fait qui paraît normal et anodin si le candidat à la députation ne cherchait pas ainsi une immunité parlementaire, car traînant des casseroles.
Depuis la validation des listes de candidatures aux législatives (dont le 1er tour est fixé au 29 mars) par la Cour constitutionnelle le samedi 29 février, il n’y a pas de doute, le ministre de l’Intégration africaine et Secrétaire général du RPM est candidat dans sa localité de Djenné, sur la liste RPM-URD, le parti de Soumaïla Cissé, chef de l’opposition politique. Il faut signaler que ce dernier s’est classé 1er à l’élection présidentielle de 2018 à Djenné (la ville natale de Me Baber Gano) avec respectivement 35, 27 % pour le candidat du RPM contre 36, 25 % pour celui de l’URD au premier tour et 47,63 % (RPM) contre 52,37 % (URD) au second tour.
Me Gano est d’ailleurs le seul membre du gouvernement du Dr. Boubou Cissé à vouloir troquer son maroquin contre un mandat de député. Les deux fonctions étant incompatibles dans notre législation, il ne peut pas les exercer ensemble.
Même si Me Baber Gano use de ses droits civiques comme tout citoyen, sa candidature suscite bien des interrogations au même titre que d’autres qui sont soit inculpés soit accusés de détournement ou autres crimes. Notre confrère “Le Prétoire” a dans une de ses récentes parutions, mis l’accent sur ces nombreuses candidatures dont la finalité est l’immunité. Il y a bien sûr parmi ces candidats un mis sous mandat de dépôt, en l’occurrence Bakary Togola, président de l’Apcam (en prison depuis septembre dernier), candidat du parti RPM à Bougouni. D’autres sont sous information ou enquête judiciaire pour des faits de corruption comme l’ancien ministre et DG de l’ORTM, Sidiki N’Fa Konaté (candidat à Kolondiéba), Modibo Kane Doumbia, promoteur de lycée (candidat à Kayes), Seydou Coulibaly et Tiassé Coulibaly tous deux élus Adéma de Kati, qui cherchent à renouveler leur bail dans leur localité. Ces deux derniers sont soupçonnés de détournement des ristournes de coton dans l’affaire Bakary Togola. Etant députés, des procédures étaient même lancées pour la levée de leur immunité parlementaire.
Le cas particulier de Me Gano est explicite. Pour des présomptions de corruption, il était parvenu à échapper au mois de mai dernier à la justice avec son entrée au gouvernement en vue d’une protection judiciaire. En plus, la mise en accusation d’un ministre obéit à une procédure spéciale devant la Haute Cour de Justice.
Puisque le portefeuille ministériel est aléatoire en ce sens que le titulaire est lié au gré des remaniements ministériels, il faut trouver mieux. La meilleure trouvaille est d’être élu député pour 5 ans avec à la clef l’immunité parlementaire. Tout comme les ministres, l’inculpation d’un député n’est non plus chose aisée. Pour qu’un député passe devant le juge, son immunité doit au préalable être levée par ses collègues députés. Ce qui sera difficile à obtenir s’agissant d’un cadre du parti au pouvoir. En 2013, 9 députés dont 6 Touaregs élus à Gao et Kidal, membres du MNLA et du HCUA avaient vu leur immunité levée pour association de malfaiteurs et soutien à la rébellion.
En avril 2019, Me Baber Gano avait été confronté à une accusation de corruption. L’histoire avait fait les choux gras de la presse à travers les dénonciations du Syndicat autonome de l’Office du Niger (Saon).
Le cabinet de Me Baber Gano a un contrat d’assistance judiciaire avec l’Office du Niger depuis 2015. Un travail pour lequel il perçoit 15 millions de F CFA par an. Indépendamment de cette rétribution, il a reçu dans ses comptes en 2017 la somme de 400 millions de F CFA. Le syndicat qui a eu vent de la transaction se saisit du dossier qu’il transmet au Pôle économique et financier puis à l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de services publics (ARMDS). Ces sorties d’argent ont été justifiées comme étant des ristournes payées sur des interventions du cabinet dans un contentieux relatif au règlement à l’amiable d’un contentieux d’apurement d’impayés (des impôts d’un montant de 3,5 milliards de F CFA et de cotisations INPS d’environ 379 millions de F CFA).
Cette explication qui visait à masquer les faits n’a convaincu ni le Procureur chargé du Pôle économique et financier (à l’époque Mahamadou Bandiougou Diawara) ni le président de l’ARMDS, Dr. Alassane Ba. Ceux-ci en ont vu une forme de “corruption”, de “trafic d’influence” dans la mesure où l’explication portant sur les ristournes pour motiver le paiement des 400 millions de F CFA n’a pas été convaincante.
Des auditions au niveau du Pôle économique et financier ont été enclenchées. Le Secrétaire général du Saon, auteur de la dénonciation et le PDG de l’époque étaient passés devant le Procureur Diawara. Me Gano était à un pas de la procédure d’inculpation.
Conformément à la procédure en la matière, le Procureur anti-corruption d’alors avait saisi le Bâtonnier de l’Ordre des avocats pour l’entendre. Mais avant que le Bâtonnier ne donne son accord de principe pour la convocation du suspect du délit de corruption est intervenue la formation du nouveau gouvernement le 30 mai 2019.
Me Baber Gano a été nommé ministre de l’Intégration africaine. Nomination pour laquelle il s’est battu pour les mêmes raisons certainement.
Abdrahamane Dicko
Mali Tribune