Alors que des élections législatives ont lieu au Mali fin mars, Moussa Mara incarne une nouvelle génération politique, qui s’émancipe de la tutelle française, tout en revendiquant une proximité avec l’ancienne puissance coloniale.
Un portrait signé par la rédaction de Mondafrique
Né le 2 mars 75 à Bamako, dans la bonne société malienne, d’un père chrétien et d’une mère musulmane- un double héritage qui lui donne une approche sensible et apaisée des gravec conflits communautaires que traverse le Mali-, Moussa Mara bouscule aujourd’hui le marigot politique malien et interroge les nombreux amis français qui sont les siens.
Le projet politique que l’ex Premier ministre a ciselé, ces derniers mois, en multipliant les déplacements en Afrique tranche avec les double discours du pouvoir politique malien. Invité fin février à Paris par un aéropage de militaires, d’hommes d’affaires et d’experts, l’ancien Premier ministre a jeté quelques pavés dans la mare. Oui, les régimes africains doivent prendre leurs destins en mains en renforçant leurs institutions régionales! Non, le G5 Sahel n’est pas la meilleure organisation possible des forces anti terroristes dans la région.
Dans une approche nuancée et sans jamais élever la voix, Moussa Mara a réaffirmé son attachement à la France tout en plaidant pour de nouveaux accords avec l’ex puissance coloniale. A l’entendre, l’armée française est appelée désormais à venir en appui des forces africaines et non en gendarme du continent.
Le plus jeune Premier ministre malien
Bachelier à 15 ans, expert comptable stagiaire à 22 ans, il débute sa carrière professionnelle à la société Diarra. Quelques années plus tard, il en est devenu le directeur associé pour l’Afrique, poste qu’il occupera jusqu’à son entrée au gouvernement au ministère de l’Urbanisme. Ce parcours de haut fonctionnaire associé à un indéniable sens de l’Etat le laissent aujourd’hui assez amer face à la faillite des institutions étatiques dans l’ensemble du Mali.
Lorsqu’il est nommé, le 5 avril 2014, Premier ministre du Mali, il n’a que 39 ans. Ce qui fait de lui le plus jeune Premier ministre de l’histoire de ce pays, quatre ans après avoir créé son propre parti, Yelema, « le changement » en bambara. Neuf mois plus tard, le 8 janvier 2015, il remet sa lettre de démission au Président Ibrahim Boubacar Keita.
Pressé mais résilient, Moussa Mara apprend – vite – de ses erreurs. En 2004, sa liste indépendante aux communales de la commune IV de Bamako est invalidée. Il revient en 2009 et arrive en tête. Mais l’élection est à nouveau annulée. Il revient en 2011. Et rafle enfin la mairie de la commune IV, avec un large soutien.
Décentralisation, développement local, proximité, redevabilité, solidarité, développement des infrastructures et de l’énergie, sécurité de proximité sont les grands axes de son projet politique national, plutôt classique.
La lutte contre la corruption
A la commune IV, il se rend surtout célèbre pour la charte de l’usager, qui permet aux citoyens d’échapper aux intermédiaires pourris jusque là omniprésents. Il s’engage pour la solidarité avec les plus démunis, notamment les personnes victimes de spéculation foncière, intente et gagne 12 procès contre la mairie de district relatifs à la protection des espaces publics de la commune.
Moussa Mara se mobilise sur les questions de gestion urbaine, notamment le traitement des déchets qui mobilise de plus en plus les jeunesses du Sahel. Comme les classes moyennes citadines du Sahel, son idéologie est un mélange de modernité et de libéralisme économique.
Partisan d’une gouvernance moderne, ouverte sur les usagers et sur les jeunes – qui représentent la moitié de la population, il dit aussi avoir été élevé dans la tradition « sous l’autorité très stricte et la bienveillance » de sa mère, « dans un environnement où la discipline, l’humilité, le respect d’autrui et de la différence étaient de rigueur. »
Des débuts difficiles
Il a trois ans lorsque son père, le colonel Joseph Mara, membre du Comité militaire de libération nationale qui renversa Modibo Keita en 1968, ministre de la Justice et maire de Kati, est condamné à cinq ans d’emprisonnement pour malversations. Dès lors, son éducation est surtout assurée par sa mère, issue d’une famille aisée de Bamako, qui quitte son poste de fonctionnaire aux affaires sociales pour se lancer dans le commerce. Dans une interview au site 30minutes.net, Moussa Mara racontera notamment ses débuts universitaires difficiles en France, à l’âge de 17 ans.
« Ma mère voulait même que je rentre au pays. Mais j’ai dit non. Il faut que je me batte pour ne rien regretter à l’avenir. Ce combat, je l’ai gagné grâce aux efforts. J’ai commencé 16e sur 35mais à la fin, je me suis hissé à la première place, jusqu’à la fin de mon cursus. »
« Le corps humain s’adapte à tout. Je suis au bureau dès 6 h du matin et tous les jours que Dieu fait (…) Moi, je ne crois pas du tout à l’intelligence. Je crois au travail. Un homme qui travaille plus que les autres, il est plus fort qu’eux. »
Le travail, encore et toujours. L’ambition, forcément Des facilités en communication indéniables. Un sens certain de la synthèse : les jeunes, la tradition, les mosquées. Quelques dérapages aussi, qu’on lui reproche fatalement. A la commune IV, il s’est fourvoyé dans quelques affaires de spéculation foncière. Puis, il a défendu bec et ongles le Président Ibrahim Boubacar Keita, au moment du scandale sur l’achat à prix d’or d’un nouvel avion présidentiel.
Le rôle de fusible
Cela n’a pas empêché IBK de se débarrasser du jeune Premier ministre quelques mois après l’avoir promu. Certains disent qu’il ne pouvait lui pardonner de l’avoir mis en ballotage aux élections législatives en 2007, à la tête d’une liste indépendante. D’autres, qu’il l’avait hissé à ses côtés pour mieux le briser.
L’erreur majeure de Moussa Mara, ce sera une visite – prématurée – le 17 mai 2014 à Kidal, qui renverse le fragile équilibre de la paix dans le fief des Ifoghas. Les forces armées maliennes sont mises en déroute. Les rebelles touaregs et leurs alliés reprennent le contrôle de Kidal et s’emparent d’autres villes du Nord.
Même si la décision a été prise en conseil des ministres, où Moussa Mara aurait même été applaudi, il n’empêche que les conséquences de son voyage sont catastrophiques. Il devra jouer le rôle de fusible.
Le divorce avec IBK
Le divorce est désormais consommé entre Moussa Mara et le président malien. Lors du sommet annuel sur la sécurité qui se tient chaque année à Bamako, lex Premier ministre quitte ostensiblement la salle de débats quand IBK fait son apparition. En cause, la volonté du patron de Mali de lancer des pourparlers avec une partie des groupes djihadistes. Moussa Mara dénonce fermement cet impossible compromis avec ceux quil qualifie de terroristes (voir la libre opinion ci dessous, « un terroriste reste un terroriste »).
Les élections législatives qui auront lieu le 29 mars prochain donneront la mesure du poids politique actuel de Moussa Mara, qui se présente aux législatives dans la circonscription de la commune IV de Bamako.
Après avoir désisté de sa candidature aux dernières présidentielles pour barrer la route, mais sans succès, à IBK, lex jeune homme pressé a su patienter pour rebondir. Désormais ce fin politique, qui affute ses scuds contre le pouvoir discrédité du président malien, est en première ligne.
Chacun sait à Bamako et à Paris. Il faudra compter avec Moussa Mara.
By La redaction de Mondafrique
Source: mond afrique