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Tracasseries routières à Hèrèmakono: Un chauffeur agressé par un policier attend désespérément réparation

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Ce coup de poing donné au chauffeur Alou Koné de la Compagnie Africa Tours  Trans par le sergent – chef de police Yaya N. Doumbia a marqué une étape supplémentaire dans les abus dont sont victimes les usagers sur les différents corridors du Mali. Si tous les agents présents ce jour-là au Poste frontalier de Hèrèmakono ont été mutés, les dommages subis par le routier tardent à être réparés.

«J’étais surpris de me retrouver à terre », nous confie Alou Koné, chauffeur à   Africa Tours Trans. Ce 27 octobre 2018, il conduisait un bus de cette compagnie de transport à destination du Ghana quand il a eu maille à partir avec les agents de la Police nationale au Poste frontalier de Hèrèmakono, dans la région de Sikasso. Le sergent-chef Yaya N. Doumbia lui donna un violent coup de poing.

Alou Koné  explique : «Nous étions en route pour le Ghana. Arrivés vers 3 heures du matin, nous avons passé deux heures à attendre. Quand les policiers ont commencé à contrôler les documents des passagers, ils ont exigé que chaque passager paie 5. 000 FCFA. Sur les 53 passagers, quatre ont dit qu’ils n’ont que 3 000 FCFA sur eux.

Je suis le premier responsable du véhicule. A ce titre, les passagers sont sous ma responsabilité. C’est pourquoi je suis intervenu au poste afin de demander aux policiers de prendre les 3. 000 FCFA et de nous laisser partir. Histoire de monter aux passagers qu’il ne badinait point du tout, il m’a violemment poussé dehors. Je me suis retiré pour m’asseoir à côté».

Quelques minutes plus tard, le policier vint le trouver et lui lança à la figure : «Impoli ! Quand nous sommes en train de faire notre travail, vous ne devez pas vous mêler». Plus grave et contre toute attente, il lui administra un violent coup de poing au visage. «J’étais surpris de me retrouver à terre. J’ai perdu connaissance m’a –t-on appris plus tard.’’

«On n’est pas tendre avec de telles dérives»

Le car retourna à Sikasso avec les passagers. L’affaire fit un tollé au-delà de la région de Sikasso. Le gouverneur et le président du Conseil régional de Sikasso ont été alertés. Le Bureau de Plaidoyer citoyen (BPC) et la Plateforme de Sikasso pour la libre circulation des personnes et des biens ont été également mis au courant. De même que Mali Justice Project (MJP) !

Si la version des faits du chauffeur nous a été confirmée par Ousmane Coulibaly, l’un des responsables d’Africa Tours et Amadou Touré, le chef d’escale de la compagnie à Sikasso, il est impossible d’obtenir le témoignage  du sergent-chef de police, Yaya N. Doumbia actuellement en service au commissariat de police de Dioila. La cellule de communication de la Direction générale de la Police nationale n’a pas répondu à nos multiples sollicitations. Ne voulant pas réveiller ce qu’il appelle «une vieille affaire», le secrétaire général du Syndicat automne de la Police (Sap), Sergent chef  Bougouna Dembélé met nos appels sur répondeur. Le policier mis en cause est l’un des responsables de son syndicat.

A l’Inspection de la Police nationale, un rapport existe sur ce que l’on appelle « l’incident de Hèrèmakono». L’Inspecteur en chef de la Police à l’époque, Contrôleur général de police Samba Kéïta, actuel patron de l’Inspection des Services de Sécurité et de la Protection Civile, a rédigé à cet effet un rapport administratif. «On n’est pas tendre avec des telles dérives», souligne l’ex inspecteur en chef de la Police nationale.

Selon ce document interne de la Police nationale, trois cars des Compagnies Nour, Folona, Africa Tours sont arrivés ce jour-là au poste frontalier de Hèrèmakono. Au moment des faits, seuls trois (3) policiers étaient réveillés. Le 31 octobre 2018, soit quatre jours après l’incident, tous les agents présents au poste ce jour sont mis à la disposition de l’Inspection de la Police. Le chef de poste, le capitaine de police Moussa Sangaré a été entendu à Bamako. Le 1er novembre 2018, le policier, auteur des coups, est extrait de sa cellule pour être conduit devant les inspecteurs pour faire sa déposition, détaille le Contrôleur général de police Samba Kéïta.

Selon la déposition faite par l’agent mis en cause devant les inspecteurs, « le chauffeur a violemment pris à partie les policiers au motif que le contrôle est lent. Il a proféré aussi des injures. Un autre agent demanda alors au chauffeur de regagner son véhicule. Le chauffeur partit s’asseoir sous un hangar et barra le chemin à Yaya N. Doumbia qui apportait des documents au chef de poste, le capitaine de Police, Moussa Sangaré. Le chauffeur a voulu arracher les documents des mains de l’agent et tenta de lui donner un coup de poing. Yaya Doumbia esquiva le coup et administra un coup de poing au chauffeur». Autre détail fourni par l’Inspection de la Police : l’une des pièces retenues par les policiers ne comportait aucune photo. Alou Koné réfute cette version et insiste : «toutes les pièces étaient au complet».

Dans son rapport, l’Inspection de la police avait fait un certain nombre de recommandations à la Direction générale de la Police comme la traduction de l’agent devant le conseil de discipline, l’envoi d’une Lettre circulaire au niveau de tous les postes frontaliers et l’élaboration d’un Code de bonne conduite des agents. L’Inspection de la Police avait aussi attiré l’attention de la Direction sur les renseignements faisant état des rackets des usagers au niveau des postes frontaliers. Et l’ancien inspecteur en chef de la Police de nous expliquer qu’une punition de 40 jours de prison a été infligée au sergent chef Yaya N. Doumbia et que tous les policiers en fonction au poste de Hèrèmakono ont subi une mutation.

Les fonds extorqués….non remboursés !

L’Inspection de la Police s’est limitée seulement à auditionner les policiers. Ni le chauffeur victime du coup ni un témoin ni aucun responsable de la compagnie ne sont passés devant la Police des Polices. Le Directeur régional de la Police nationale de Sikasso de l’époque, actuellement inspecteur à l’Inspection des services de sécurité et de la protection, Contrôleur général de Police Jean Pierre Poma Dembélé, ne confirme ni n’infirme les accusations d’extorsions de fonds formulées par le chauffeur. Sékouba Coulibaly de la Plateforme de Sikasso pour la libre circulation des personnes et des biens met en avant l’irresponsabilité des directeurs régionaux de Police. «A l’heure où je vous parle, les rackets continuent au niveau de tous les corridors. Chaque jour, la Plateforme se fait des ennemis», lance-t-il.

A en croire Ousmane Coulibaly, l’un des responsables de la Compagnie, les fonds extorqués aux passagers n’ont pas été remboursés. Même son de cloche auprès du chef d’escale d’Africa Tours Trans à Sikasso. Amadou Touré va plus loin. Les frais de consultation et d’ordonnance n’ont pas été remboursés par la Police nationale, a expliqué le chef d’escale. Parmi les passagers, a ajouté Amadou Touré, il y a quinze (15) personnes qui se sont retournées contre la compagnie pour le remboursement de leurs tickets de transport. «Elles ne supportaient plus la longue attente», a fait savoir Amadou Touré. Ce montant s’élève à 375. 000 FCFA.

Le Chauffeur a déposé le même jour, c’est-à-dire le 27 octobre 2018, une plainte pour coups et blessures volontaires contre Yaya N. Doumbia. Les auditions ont été faites par la Brigade territoriale de gendarmerie de Sikasso (le 27 octobre pour Alou Koné et Amadou Touré et le 14 janvier 2019 pour le policier mis en cause). Depuis, les gestionnaires du dossier se hâtent… lentement et tout porte à croire que la plainte est perdue dans les méandres du parquet du Tribunal de Grande instance de Sikasso.

Chiaka Doumbia

Source: Le Challenger

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