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Virus: “La seule chose qui m’angoisse, c’est le silence”, confesse un vieux Romain

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Accoudé à sa fenêtre, Roberto regarde à droite puis à gauche, mais sa petite rue au cœur de Rome, où se pressent habituellement touristes et habitants de ce quartier antique, reste désespérément vide.

Depuis la décision drastique du gouvernement de confiner les Italiens chez eux, Roberto Fichera, un fringant octogénaire à l’abondante chevelure blanche, ne sort de chez lui que pour l’essentiel: “les courses, et un saut de temps en temps à la pharmacie pour mes médicaments”.

Alors que l’Italie est un pays de séniors, le plus vieux d’Europe selon les statistiques, et que peu d’entre eux vivent en maisons de retraites, la question de leur isolement se pose avec acuité.

Heureusement pour Roberto, le quartier de Monti où il vit, entre le Colisée et la gare centrale de Termini, est bien pourvu en commerces et il peut tout faire à pied, “une bénédiction” pour lui qui vit seul et n’a pas le permis de conduire.

“Je fais la queue comme tout le monde en respectant la distance de sécurité, mais souvent on me laisse passer devant vu mon grand âge, et je l’accepte volontiers, pour une fois qu’être vieux a un avantage”, lance-t-il en riant aux éclats.

AFP/Archives / Andreas SOLARODes habitants de Rome allument la torche de leur téléphone aux fenêtres le soir, de façon concertée, dans le quartier Garbatella à Rome, le 15 mars 2020

Pour le moment, il supporte bien ce confinement forcé: “Je suis casanier et j’aime bien m’occuper chez moi, donc j’ai commencé par faire un grand ménage de printemps, qui m’a occupé plusieurs jours”. “Evidemment, j’ai dû renoncer à certaines choses, comme une expédition avec un ami chez Ikea pour m’acheter une nouvelle table, mais je survivrai!”, plaisante ce jeune homme de 84 ans.

Il faut le pousser dans ses retranchements pour qu’il consente à reconnaître que cette situation extraordinaire a bouleversé son quotidien. “La seule chose qui m’angoisse, c’est le silence!” admet-il. “On n’entend pas un bruit, pas une voiture, les rues sont vides… Quand on sort marcher et qu’on entend des pas derrière soi, on a presque peur et on se retourne inquiet”, dit-il.

“On entend même les oiseaux chanter, en plein centre, vous vous rendez compte?”, s’exclame-t-il incrédule.

– “Bons petits plats” –

AFP/Archives / MIGUEL MEDINAUn habitant fait quelques courses, à Milan, le 12 mars 2020

La nuit, il dort comme un loir: couché vers 01H00 du matin, il se lève vers 09H00, et tous les matins il s’ausculte, car les anciens, plus fragiles, sont la cible privilégiée du coronavirus: les morts italiens ont un âge moyen de près de 80 ans. “Pas de fièvre, pas de toux… tout va bien!”, se rassure-t-il.

De l’autre côté du Tibre, dans le quartier de Trastevere, Carla Basagni, artiste peintre et poétesse à ses heures, passe elle aussi beaucoup de temps à sa fenêtre via della Lungaretta, la rue principale reliant l’arrêt du tramway à la place de Santa Maria in Trastevere et sa majestueuse fontaine.

D’habitude, c’est un flux continu de touristes, musiciens de rue et vendeurs à la sauvette. Aujourd’hui c’est le désert. Alors Carla, longue silhouette fragile aux grand yeux rêveurs, se réfugie dans la lecture.

AFP/Archives / Miguel MEDINAUne dame prend l’air, sur le banc d’une place de Milan, le 8 mars 2020

“Les librairies sont fermées donc je ne peux pas m’acheter de livres, mais j’ai eu une idée: je relis les livres qui m’ont ouvert l’esprit et le cœur. Il suffit de les chercher et ils réapparaissent comme par enchantement sur mes étagères”, raconte-t-elle. “Et encore une fois ils m’aident à me souvenir que le temps est de notre côté, il faut juste savoir être patient!”, dit-elle.

En attendant, Carla, qui vit seule elle aussi, se démène comme elle peut pour rester en forme: “Je fais des exercices chez moi. Je bois de l’eau au moins cinq fois par jour, et très peu de vin, même si j’aime beaucoup ça!”.

“Du coup, j’ajoute parfois dans mon eau un peu d’Aperol (alcool italien servant notamment à la confection des fameux spritz, ndlr) pour lui donner une belle couleur rouge”, avoue-t-elle avec un air mutin.

“Je me fais aussi des bons petits plats”, ajoute cette épicurienne, qui se change aussi les idées en écrivant des poésies “qui sont comme des berceuses, celles que les enfants préfèrent aux histoires d’adultes, sinon ils restent dans leur chambre…”.

AFP

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