Sommes-nous, oui ou non, engagés résolument dans la guerre contre l’ennemi mortel? Le Coronavirus est-il le prétexte idéal pour favoriser certains citoyens au détriment des autres? La journée du jeudi 19 mars 2020, a été un excellent baromètre pour mesurer le sérieux de la république. Supposée commencer ce jour, l’application des mesures édictées l’avant-veille par la réunion extraordinaire du Conseil Supérieur de la Défense Nationale a souffert de graves entorses.
Un État à deux vitesses incapable de faire respecter les précautions garantissant la santé publique pour le plus grand nombre des populations a fait surface. Au point ahurissant qu’on en est arrivé à se demander si la pandémie du Coronavirus est une réalité ou une farce au Mali. Le Conseil Supérieur de la Défense Nationale n’est pas une instance banale, loin s’en faut. Lorsqu’elle se réunit, toujours, sauf cas de force majeure, sous la haute présidence du chef de l’État, c’est pour prendre des décisions impérieuses clairement formulées dont la mise en oeuvre ne doit souffrir d’aucun laxisme. Force est de constater que la réunion extraordinaire de cette autorité présidée par Ibrahim Boubacar Keïta le mardi 17 mars, n’a été qu’aucune formalité. Les décisions qu’elle a prises ont été déclinées avec du flou, notamment en ce qui concerne les meetings auxquels on a collé l’épithète « populaires », pléonastique en la circonstance. Tout a été fait pour éviter de dire clairement qu’en dépit de la virulence de la pandémie du Coronavirus, les élections législatives programmées pour le 29 mars sont maintenues et que sont donc légitimes les campagnes qui vont avec. La mesure porte ainsi en elle-même les conditions de sa propre violation. Béante brèche dans laquelle se sont engouffrés des politiciens indélicats, avec une insouciance révoltante. Pour ne citer que deux cas, le camp du président de la République a fait montrer à Bamako d’une violation flagrante de la mesure interdisant tout regroupement de plus 50 personnes. Se foutant du communiqué du CSDN comme de l’an 40, le propre fils du chef de l’État, Karim Keïta, a exécuté un vaste programme journalier de campagne qui a sillonné la commune II au pas de charge, drainant par ci, et par là des mouvements bruyants. En commune III, c’est le candidat Rpm, le sieur Bomboté, qui a initié des caravanes populistes animées par des enfants. En ces temps de guerre, c’est tout comme s’il avait engagé des enfants soldats, non pas contre l’ennemi Coronavirus, mais contre son protagoniste, le Mali.Il y a quelque chose d’inconscient chez les deux politiciens comme chez tous ceux de leur acabit qui ont continué de plus belle leurs campagnes, comme si de rien n’était. Mais la faute est à la république. Celle-ci manque non seulement de clarté dans son engagement contre la pandémie, mais pire, elle joue aux astuces politiciennes dans une situation de crise. Ce qui se passe dans le monde devrait pourtant inciter au sérieux et aux décisions hardies. Mais non! On a l’impression que l’affaire du Coronavirus a été un pain béni pour le pouvoir, une aubaine inespérée pour arrêter tout simplement les mouvements citoyens en faveur de l’école, entre autres. Comment comprendre autrement que la GRANDE MARCHE NATIONALE pour le salut de l’école soit annulée, en toute responsabilité par ses initiateurs, au moment où les politiciens continuent d’ameuter le peuple par leurs campagnes nécessitant des rassemblements de foules? Comment admettre que le gouvernement en soit à négocier avec le Haut Conseil Islamique, la Ligue des Imams et autres autorités religieuses alors que partout dans le monde, ce sont justement les structures analogues et en plus grandes dimensions qui ont édicté les mesures salutaires en fermant les mosquées, en interdisant toutes les activités religieuses, y compris la oumra à la Mecque? Il y a un réel besoin de clarification. Il urge qu’il s’opère.
Salif Dembélé
LE COMBAT