Il convient de rappeler que depuis bientôt quinze ans, l’école malienne se cherche sans jamais se retrouver. À chaque fois, le gouvernement de la République a opté pour le sauvetage de l’année scolaire sans qu’il ait été véritablement question de sauver l’école malienne de son endémique léthargie. Depuis bientôt quinze (15) ans, innovations pédagogiques, grèves des élèves et étudiants, grèves syndicales des enseignants ne cessent de creuser chaque jour davantage la grande fosse de l’école malienne pour enfants de pauvres. Pendant ce temps, les enfants à papa étudient soigneusement ailleurs avec l’argent du contribuable malien.
Les innovations pédagogiques comme expression à la mode chez nous continuent de tenir en haleine le monde des experts maliens et de leur conscience d’Occident capitaliste. Mais sans se soucier le moins du monde de ce qui a marché dans l’ancienne méthode et de ce qu’il faut revoir. Le plus souvent, ici au Mali, l’on préfère tout laisser de l’ancienne et tout prendre de la nouvelle méthode d’enseignement, tout ou rien. Quelle façon de faire !
Pour nous résumer à ce niveau, très franchement, les innovations pédagogiques, telles qu’elles interviennent au Mali, ne peuvent servir les intérêts supérieurs de l’école malienne.
Les grèves des élèves et étudiants, si elles sont un droit, ont largement contribué à enfermer notre système éducatif dans le cycle infernal des années blanches ou colmatées. Mais pouvait-il en être autrement quand on sait que le virus de la politique politicienne avait sérieusement infecté la qualité de la formation des enfants du Mali depuis le régime Alpha Oumar Konaré ? Visiblement, l’école malienne est et reste victime de la bamboula des politiciens véreux en mal de crédibilité aux yeux des populations. Ces politiciens s’appuient sur les scolaires pour assouvir leurs sales besognes.
Comme si une malédiction divine s’abattait sur l’école malienne, voilà les enseignants prendre le relais des élèves et étudiants depuis 2015 sur le terrain du boycott des cours. Ainsi, depuis la création du front commun des syndicats de la Synergie, les grèves des enseignants amputent sérieusement la marche de notre système éducatif national. Dès lors, la question à la mode devient : comment sauver l’année scolaire ? La réponse est toujours venue par les cours de rémédiation, le tripatouillage des programmes d’enseignement et la rallonge des mois d’études. Par exemple en 2018-02019, il a fallu prendre le mois d’août pour la tenue des examens de fin d’année. Et l’année scolaire 2019- 2020 ?
La grève continue des enseignants fait déjà craindre l’année blanche. C’est face à ce risque périlleux pour l’école malienne que le gouvernement de Boubou Cissé a eu recours à ce qu’on appelle ‘’plan B’’. Ce plan de seconde main réside, comme tout le monde le sait, dans le recrutement d’enseignants volontaires pour sauver, encore sauver l’année scolaire. Les illusions et l’expectative avaient d’abord fait croire qu’il n’y aurait pas de volontaires en nombre suffisant pour le besoin de la cause. Mais l’expérience a vite détrompé les enseignants grévistes quant à la ‘’réussite’’ de ce ‘’plan B’’. C’est donc pourquoi ils se sont aveuglement lancés dans des querelles inutiles contre les volontaires et les chefs d’établissements. Mais ces querelles sont la preuve que les enseignants grévistes marchent à leur perte parce qu’ils ne peuvent impunément continuer à s’opposer à l’entrée des volontaires en classe étant entendu que c’est le même État malien qui les a recrutés et qui a encore décidé de recourir au volontariat, donnant ainsi aux volontaires recrutés le droit de réclamer à leur tour leur salaire.
De toute évidence, il est illusoire de croire que le gouvernement va payer les émoluments de ces volontaires sans les utiliser à cause que les grévistes s’y opposent. Tout au contraire, le fossé se creuse davantage devant les grévistes qui ont le choix de reculer pour mieux sauter plus tard ou de perdre leur salaire des mois de grève et de se revoir gérés dans le statut général des fonctionnaires.
Mais, nous avons coutume d’entendre qu’un malheur ne vient jamais seul. Voilà le malheur de coronavirus plané dangereusement sur l’espace scolaire, en faisant momentanément taire les ardeurs des syndicalistes dans leur marche pour le tout ou rien. Les écoles sont fermées, depuis jeudi le 19 mars 2020. COVID-19 oblige ! Cette situation a obligé les enseignants grévistes à surseoir à leur préavis de grève qui, s’il était appliqué, boufferait pratiquement les cours du mois d’avril. Sauf que la latitude reviendrait à l’État de mettre les volontaires en classe en lieu et place des enseignants grévistes.
Les volontaires seront-ils à la hauteur de la tâche qui leur est confiée ? On dit souvent que la pratique est le seul critère de la vérité. Tout ce qu’il faut retenir à l’instant, c’est que lesdits volontaires sont sortis des Instituts de formation des maîtres (IFM) et de l’École normale supérieure de Bamako (Ensup), comme d’ailleurs les enseignants grévistes.
Mieux, ces volontaires sont dans des écoles et lycées privés où ils enseignent avec les enseignants grévistes. Et qui dit que tous les grévistes sont à la hauteur de la tâche confiée ? Allez en savoir davantage auprès des Inspecteurs pédagogiques régionaux de l’enseignent secondaire (IPRES) ! Cela ne signifie pas pour autant que tous les volontaires sont à la hauteur de la mission confiée par le gouvernement de Boubou Cissé. Il y en a d’ailleurs dans les bureaux depuis leur sortie des écoles de formation.
Donner la craie à de tels volontaires pour dire quoi et faire quoi ? Mais comme la question n’est pas de donner aux enfants la bonne formation mais de sauver plutôt l’année ! Maintenant la grande question reste posée à savoir: quel est le pourcentage d’enseignants grévistes comme volontaires qui se soucient un seul instant de l’avenir de l’école malienne ? La seule certitude à ce jour, c’est que depuis l’avènement de la démocratie au Mali, l’argent est l’enjeu essentiel de toutes les grèves des syndicats. Cela reste indiscutable quand on sait qu’ici, il n’y a jamais eu le moindre mouvement syndical contre la moindre innovation pédagogique quand bien même il y a problème à ce niveau ? Cet état de fait permet de poser une question non moins importante: qui se bat réellement aujourd’hui pour le devenir de l’école malienne ?
Pour l’instant, le risque d’une année blanche pointe à l’horizon au Mali. En tout cas, coronavirus n’est pas entré dans la danse pour faciliter le sauvetage de l’année scolaire 2019- 2020 ! Va-t-on, comme par le passé, regarder du côté de la France ? Il n’est plus un secret pour personne qu’en France, cette année, il n’y aura pas de Bac à l’écrit. Les évaluations pouvant tenir lieu de Bac sont les interrogations et les devoirs en classe. Aussi, là-bas en France, les cours en ligne ont déjà commencé. Le Mali peut-il aller dans le même sens ? Le temps le jugera. Pour l’instant, tous les établissements publics ont réussi à organiser une composition.
La question qui court aujourd’hui à toutes les lèvres est celle-ci: ‘’l’année sera-t-elle sauvée au Mali’’ ?
En tout cas, tout se passe comme si sauver l’année signifie organiser les examens de fin d’année. Mais le sort des classes intermédiaires a toutes les chances d’être observé comme des éclipses de lune.
Que Dieu sauve l’école malienne !
Fodé KEITA
Inter de Bamako