Elles n’ont pas encore terminé leurs études, mais sont déjà confrontées à une épidémie mondiale. Réquisitionnées ou en stage, les étudiantes infirmières découvrent “la réalité du terrain” en “première ligne”. Elles témoignent.
– “Beaucoup de pression”
Dès le premier jour de son stage au SMUR de l’Oise le 2 mars, Yasmine Hariti, 24 ans, a été placée en “cellule de crise” ouverte pour gérer l’épidémie qui prenait de l’ampleur dans ce “cluster”.
“On avait plus de 1.000 appels par jour ! Pour des renseignements, des inquiétudes ou parce que des personnes avaient des symptômes… On était en première ligne”.
Désormais dépêchée sur le terrain, les consignes veulent qu’en tant qu’étudiante, elle ne parte pas sur des cas de “Covid positifs”. Mais “les symptômes sont tellement variés, que le diagnostic est souvent posé sur place…”.
“C’est beaucoup de pression… J’espère que cette crise s’arrêtera vite, parce qu’il y a beaucoup d’enjeux : des vies, mais aussi ce confinement…”.
“Tous les matins, j’espère que les médecins me diront “+ça commence à se tasser+, +on est sur la fin+. Ce n’est pas encore arrivé”.
– “Gérer l’urgence”
Joséphine Couteaux, 19 ans, a été “réquisitionnée” au service réanimation de l’hôpital de Nancy où elle a rapidement dû apprendre à “gérer l’urgence”.
Participer à un “plan blanc” est “une expérience particulière”, une “organisation et “une prise en charge” des patients “différentes”.
Pour l’instant, le service n’est pas en “saturation”, donc “on a pris le temps de m’expliquer, on me laisse le temps de tout faire”. “Je découvre au fils des jours les machines, l’appareillage du patient.”
Les malades sont tous atteints du coronavirus et “c’est différent des patients pris en charge habituellement”. “Je ne suis pas très à l’aise avec les patients intubés, ventilés et sédatés.”
“C’est dur… Des patients restent pendant plusieurs semaines sans évolution… On part le vendredi, on revient le lundi et il n’y a pas eu beaucoup de changement. On ne se sent pas très utile des fois”.
– “Indemnisation minime”
Au service gériatrique d’un hôpital du Valenciennois (Nord), Sophie Guisgand, doit “respecter les distances de sécurité” avec les autres soignants. “Pas pratique pour observer les soins…”.
Certes, “on apprend des choses qu’on aurait jamais vues, mais psychologiquement, ça me travaille même la nuit”.
En tant que stagiaire, elle ne peut pas entrer dans les chambres d’isolement réservées aux patients suspectés contaminés, alors, elle n’a le droit qu’à un masque chirurgical par jour, “on est censé le changer toutes les quatre heures…”.
S’il est “normal” pour elle de “soutenir les professionnels”, elle regrette “l’indemnisation minime” des étudiantes au vu “des risques” : 38 euros par semaine en 2e année “et le remboursement des frais kilométriques”.
La situation est “anxiogène”, “même les professionnels sont à cran… On a peur de contaminer nos proches”.
Les patients non malades sont aussi en détresse. “Leurs seules visites autorisées, c’est nous, et certains sont en fin de vie. Ca les affecte énormément alors ça me tient à cœur de passer du temps avec eux, de les aider à passer des appels vidéos…”.
– “On a tous peur”
Dans un Ehpad près de Lille, Coralye Marono “compte ses masques” : “Si dans la journée, je vois quatre personnes à l’isolement, j’ai quatre masques, pas un de plus”. “C’est inadmissible d’arriver face à des personnes fragilisées avec si peu de matériel.”
Pour “préserver les protections”, le personnel limite même leurs visites aux patients isolés, “on n’entre plus dans leur chambre pour demander juste +ça va ?+”.
Dans son équipe, les sourires “commencent à s’effacer”, “on a tous peur”.
Elle trouve ça “sympa” que les Français applaudissent les soignants à 20H, mais ça la “choque” qu’il ait fallu “une pandémie pour que la population et l’Etat se rendent compte de l’importance du monde médical”.
Dans son établissement, “d’habitude plein de vie”, l’ambiance est “pesante”: “les résidents confinés en chambre”, “pas de bruits dans les couloirs”. “Le matin, je prends mon chariot et je vais de porte en porte. C’est un peu du travail à la chaîne.”
AFP