L’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires avait été classée sans suite par la justice malienne. Le dossier vient d’être rouvert et met à mal les rapports plutôt difficiles entre le pouvoir IBK et les magistrats.
Ce dossier dans lequel l’ancien Directeur de cabinet du président IBK, non moins ancien ministre de la communication, Mahamadou Camara, a été placé sous mandat de dépôt, le vendredi 27 mars dernier, continue de susciter des commentaires. Le Procureur de la République près du Pôle économique et financier de Bamako, selon certaines sources, serait sous des pressions pour faire libérer l’inculpé qui, au moment des faits incriminés, avait rang de ministre et devait jouir d’un privilège de juridiction. Le Procureur anti-corruption de Bamako se refuse à cette lecture de la loi, en l’occurrence l’article 616 du Code de procédure pénale du Mali.
Et pour conforter cette position, les magistrats, à travers les deux syndicats de la magistrature du pays (SAM-SYLIMA), viennent de s’insurger contre ce qu’ils ont appelé « toute velléité d’immixtion de l’Exécutif dans le domaine du Judiciaire » dans ce dossier, qui pourrait devenir une affaire d’Etat.
Il faut rappeler que le jeudi dernier, une demande de mise en liberté de cet ancien responsable communication du candidat IBK en 2013, non moins Secrétaire aux relations extérieures du parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM) et haut cadre du régime, pour « irrégularités » dans la procédure, a été rejetée par le parquet.
Les magistrats du Mali semblent tenir à leur indépendance vis-à-vis du pouvoir en place. Ils l’ont dit et réitéré, le mercredi 1er avril dernier, au cours de leur rencontre avec le Procureur de République du Pôle Économique et Financier de Bamako, sur la gestion de l’affaire dite de l’avion présidentiel et des équipements militaires dans laquelle l’ancien ministre de la communication, Mahamadou Camara, a été placé en détention.
Selon une note du compte rendu de cette rencontre signée par la secrétaire adjointe à la communication du SYLIMA, Nana Kadidia Singaré, le Procureur de la République aurait expliqué à ses interlocuteurs que la détention de l’ancien chef de cabinet de la présidence a « fortement déplu au haut sommet de l’État. » « L’Exécutif est en train de faire une interprétation biaisée des dispositions de l’article 616 du code de procédure pénale qui n’accordent le privilège de juridiction qu’aux seules personnalités ayant RANG ET PREROGATIVES de ministre. », aurait déclaré, lors de cette rencontre, le Procureur du Pôle Économique. Mamoudou Kassogué, qui estime qu’il n’a fait qu’une judicieuse application de la loi dans ladite procédure, campe sur sa position. « L’inculpé n’avait simplement que rang de ministre comme l’atteste d’ailleurs son acte de nomination», persiste et signe le Procureur.
Ce qui n’est pas l’avis de l’ancien Garde des Sceaux, Me Mamadou Ismaïla Konaté qui souligne la nécessité d’une interprétation stricte de la loi pénale, dont la maxime latine « In dubio pro reo » (le doute profite à l’accusé) devrait prévaloir.
En clair, les magistrats se sont donc donné la main pour en sorte « trimballer » le pouvoir exécutif, dont le premier dépositaire est le chef de l’Etat, président du Conseil supérieur de la magistrature pour lui couper l’herbe sous les pieds. IBK peut-il laisser faire ? Rien n’est moins sûr.
Rappelons que dans cette affaire, plusieurs dizaines de milliards sont présumés détournés et plusieurs noms, dont de hauts responsables de l’Etat, sont cités.
Baba Djilla SOW
Mali Horizon