Aucun cas n’a pour l’heure été déclaré officiellement parmi les déplacés au Mali, au Burkina et au Niger, mais les gestes barrières s’avèrent très difficiles à mettre en œuvre.
« Si on a le coronavirus au camp, ça va être une catastrophe. » Hamadoun Boukary Barry s’alarme à l’idée que le Covid-19 s’insinue dans le camp de Bamako, où lui et 23 membres de sa famille vivent depuis qu’ils ont fui la guerre. Ce grand-père à la barbe blanche et au large boubou, qui a fui la région de Bankass (centre) avec les siens il y a un an, a des raisons de s’inquiéter : les camps de réfugiés et de personnes déplacées par les conflits ou les persécutions accueillent parmi les populations les plus vulnérables de la planète. A fortiori ici, au Sahel, dans l’une des régions les plus pauvres du monde.
« Regardez, on dort tous là », dit-il en montrant l’entrée de sa tente. A l’intérieur, un seul matelas et quelques casseroles. « Imaginez si une personne de la famille l’attrape. »
« Utilisez votre turban ! »
Les civils n’ont d’autre choix que de prendre la route pour se réfugier dans les villes avoisinantes ou passer la frontière, si elle est proche. Ils vivent dans des camps de fortune, dépendant des aides. L’eau est rare, les moyens sanitaires limités, la nourriture arrive par lots. Le coronavirus, « c’est un défi de plus, et beaucoup n’arrivent pas à comprendre ce que c’est », s’alarme Ibrahima Sarré, travailleur humanitaire dans le camp de déplacés de Sénou, à quelques kilomètres de l’aéroport de Bamako.
Il n’y a dans les trois camps de déplacés de la capitale malienne ni masques, ni gants, juste quelques kits de lavage des mains donnés par une association, qui profite de la distribution pour sensibiliser aux gestes barrières. « Utilisez votre turban ! », lance Kola Cissé, membre de l’association peule Pinal Pulakuu. « Tous les déplacés en ont un, c’est notre culture peule. Et comme ils n’ont pas les moyens d’acheter une boîte de masques à 25 000 francs CFA [38 euros] à la pharmacie, c’est un bon moyen », précise-t-il à l’AFP.
Mais dans des camps où s’agglutinent des centaines, voire des milliers de personnes, les humanitaires reconnaissent que faire appliquer les gestes barrières, c’est compliqué. « C’est très difficile de faire de la distanciation quand on vit dans une tente de 5 m2 à treize ou quinze personnes », soupire Ibrahima Sarré. « Comment pouvons-nous demander aux gens de se protéger quand ils n’ont pas facilement accès à l’eau ? », renchérit Jamal Mrrouch, chef de mission de l’ONG Médecins sans frontières (MSF). Les déplacés « peuvent être extrêmement menacés », prévient-il.
L’action humanitaire ralentie
Au Burkina, le maire de Kaya, Boukari Ouedraogo, veut croire que la mise en quarantaine d’un certain nombre de villes « peut préserver » la sienne, où 50 000 déplacés ont trouvé refuge. On n’accède aux sites de déplacés de Kaya qu’après avoir pris sa température et s’être lavé les mains ; et des masques ont été distribués à tous dans les camps, assure-t-il.
A Bamako, le vieux Hamadoun Boukary Barry en appelle à la compassion internationale : « Il faut que l’humanité soit unie, qu’on nous aide, que Dieu nous aide. » Dans une tente, une jeune femme tousse et peine à respirer. Les humanitaires appellent le numéro vert mis en place par les autorités. On leur demande de l’amener au centre de santé. Les tests diagnostiquent finalement une crise d’asthme. Un ouf de soulagement parcourt le camp.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde