La propreté étant pour le moment la meilleure arme contre le Covid-19, des kits de lavage de mains au savon ont été installés dans ces lieux publics qui grouillent de monde à longueur de journée
Quelques heures avant l’enregistrement dans notre pays des deux premiers malades testés positifs au Covid-19, le ministre du Commerce et de l’Industrie et le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali avaient initié une opération d’installation de kits de lavage des mains dans les marchés, les gares routières, les marchés à bétail, de légumes. Ainsi, plusieurs marchés de la capitale ont été dotés de kits de lavage des mains, au grand bonheur des usagers qui n’ont pas manqué d’éloges à l’endroit des donateurs. La même ferveur continue-t-elle au niveau de nos marchés ? Les usagers ont-ils commencé à se familiariser avec ces kits de prévention installés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ?
Il est environ 12 heures en Commune II du District de Bamako. Le soleil tape fort en cette journée ensoleillée. Nous sillonnons les deux importants centres commerciaux de la capitale : Sougouninkoura et le Grand marché de Bamako. Devant une banque située au niveau du Dabanani, l’on semble s’accommoder de ces mesures sanitaires. Là, le dispositif est perché sur support. Son robinet ouvert, laisse couler de l’eau vers un seau posé à même le sol. Un homme est courbé devant le kit. Le trentenaire se lave soigneusement les mains avec du savon, avant de les essuyer avec des mouchoirs. Interrogé sur ce qu’il pense de ces règles d’hygiène, celui qui se présentera comme Adama Koné affirme ne s’être jamais montré rebelle contre des décisions émanant des autorités sanitaires. «Si vous regardez la télé, les infos sont effrayantes. Tous les jours, on vous annonce des centaines de décès liés au Covid-19. Même le Mali a commencé son décompte macabre. Les médecins disent que la solution, c’est la propreté au quotidien. Quoi de plus normal que de suivre cette consigne ?», déclare-t-il.
DES CONSIGNES FERMES- Sur ces entrefaits, un homme arrive, habillé en mode «anti-coronavirus» : masque de protection au visage, gants aux mains. Il semble appartenir à ce cercle de gens qui ne badinent pas quand il s’agit du coronavirus. Sans prêter attention au dispositif, il se dirige à pas vifs vers l’entrée. Sa marche est interrompue par la voix injonctive de Mamadou Ballo. Le vigile l’invite à observer l’exercice de lavage des mains au savon. Il s’y plie sans broncher. Le gardien, matraque à la main, surveille les allers et venues. Il dit avoir reçu des consignes fermes. Aucune négligence dans ce travail. Tout le monde devra dire oui à cette règle qui ne vise qu’à limiter la propagation du virus. Quant aux récalcitrants, ils seront tout simplement priés de retourner d’où ils viennent, ajoute-t-il.
Comme à son habitude, Dabanani grouille de monde. Une affluence monstre se dessine sur les trottoirs. Vendeurs et passants se pressent et se disputent le moindre espace. Ce spectacle inquiétant en ces temps de Covid-19, suscite en nous des questions. Que fait-on de cette autre mesure du Conseil supérieur de la défense nationale qui limite les rassemblements à 50 personnes ? « Au Mali, ce n’est pas possible d’interdire aux gens de venir au marché. Qui va nous donner à manger ? Ce n’est pas le gouvernement quand même. Nous allons nous laver les mains avec du savon. Hors de question que l’on reste à la maison. Si l’on impose cette mesure, on crèvera de faim. Et, c’est pire que le coronavirus», affirme Ama Poudiougou, en réponse à cette question. Précisons ici que les marchés ne sont pour le moment pas concernés par cette mesure.
À quelques pas de là se trouve le marché Sougouninkoura. Des vendeuses de légumes sont assises, les yeux tantôt fixés sur leurs marchandises fraiches, tantôt sur la foule. À côté, un kit de protection. Le sol humide montre qu’il vient d’être utilisé, il y a quelques minutes. Korotoumou, teint noir, est l’une de ces marchandes. L’habitante de Banconi formule des remerciements à l’endroit des initiateurs de cette mesure préventive. Quid de son utilisation ? Depuis qu’il a été installé, nous nous lavons régulièrement les mains avec du savon. Des volontaires remplissent le récipient à chaque fois qu’il se vide, explique-t-elle. « Si c’est ce qui protège du coronavirus, nous ne serons pas exposées. Parfois on doute de tout cela. On se demande parfois si tout cela n’est pas vain. C’est possible que des clients contaminés nous remettent durant des achats des monnaies pleines de virus, », s’inquiète-t-elle, en ajoutant que seul Dieu pourra nous sauver, comme ce fut le cas pendant la période Ébola.
LA GESTION DES KITS DE PRÉVENTION- Aussi banales qu’elles puissent paraître, les inquiétudes de Korotoumou sont légitimes et même avérées. Car, selon l’Unicef, vous devez vous laver les mains aux moments suivants : après avoir touché des surfaces en dehors de chez vous, notamment de l’argent ; si vous vous mouchez, si vous toussez ou éternuez ; après vous être rendu(e) dans un lieu public, notamment les transports en commun, les marchés et les lieux de culte ; avant, pendant et après les soins si vous vous occupez d’une personne malade ; avant et après avoir mangé, etc.
Cela est important, selon l’Organisation mondiale de la santé, dans la mesure où les virus qui attaquent l’appareil respiratoire tels que la maladie à coronavirus (Covid-19), se propagent lorsque du mucus ou des gouttelettes contenant le virus, pénètrent dans votre corps par l’intermédiaire de vos yeux, de votre nez ou de votre gorge. Le plus souvent, ce contact a lieu par les mains qui sont également l’une des manières les plus courantes de transmettre le virus d’une personne à une autre. Ainsi, le fait de se laver fréquemment les mains avec de l’eau et du savon fait partie des mesures les plus économiques, les plus faciles et les plus importantes pour prévenir la propagation d’un virus, selon l’Unicef. L’organisme onisien recommande d’éviter surtout de se toucher la bouche, le nez et les yeux avec les mains. Car, des études semblent montrer que le Covid-19 pourraient vivre plusieurs heures sur différentes surfaces, jusqu’à 24 heures sur du carton et jusqu’à 2-3 jours sur du plastique et l’acier inoxydable. « On ne sait toutefois pas s’il reste infectant durant tout ce temps », estiment les experts.
Comment se fait le renouvellement de la dotation au niveau des marchés ? Pour le porte-parole des commerçants de Bozola, au niveau de Woninda, ce sont eux-mêmes qui s’occupent de la gestion de ces kits de prévention. Qu’il s’agisse des savons ou de l’eau utilisée pour le lavage des mains, Cheick Oumar Touré informe que tous les jours de bonnes volontés en achètent en grande quantité. Il n’y a jamais eu de manque, jusque-là, ils s’en sortent bien.
Selon lui, ces dépenses sont normales. Tout ne devrait pas être laissé à l’État, ajoute-t-il. «Dès qu’on nous a remis ces matériels, j’ai dit aux autres de ne pas compter sur le gouvernement. Car, il y a des gens qui pourraient penser que nous voulons nous enrichir à travers cette situation. Pour lui, le gouvernement a déjà fait le plus important en leur donnant ces dispositifs. Devant chaque grand magasin, on a fait des installations qui sont utilisées aussi par d’autres boutiques avoisinantes », explique-t-il, assis sur une chaise au milieu de sacs d’épices.
Lassana NASSOKO
Source : L’ESSOR